Project Mémoire

Frank Leighton

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Frank Leighton en uniforme peu après son arrivée sur l’Île de Malte, dans le village de pêche de Marsaxlokk. 1941.
Frank Leighton dans son uniforme de la British Royal Air Force, 1944.
En 2002, Frank Leighton a publié un livre intitulé Frayed Lifelines, qui raconte ce qu’il a vécu sur l’Île de Malte.
Frank Leighton conservait sur lui un carnet de croquis quand il était en service. Ce dessin représente l’incendie du HMS Breconshire à Marsa Scirocco, Île de Malte, le 27 mars 1942.
Carnet de rationnement utilisé par Frank Leighton pendant qu’il était stationné à Kala, Île de Malte, en 1942.
Sur cinq cargos de commerce qui se dirigeaient vers Malte, quatre n’arrivaient jamais à destination.
Je m’appelle Frank Leighton. J’ai servi dans l’Unité de secours air-mer de la British Royal Air Force, et nous travaillions sur des vedettes conçues pour récupérer rapidement les aviateurs abattus. En 1941, je me trouvais sur l’une d’elles à New Haven, dans la Manche, lorsqu’on m’a envoyé outre-mer. C’est ainsi que je me suis retrouvé dans la soute d’un cargo de commerce, le Clan MacDonald. On nous a montré la soute nº 2 en nous disant : « Et voilà. Installez-vous sur le dessus de ce lot. » Et c’était un lot de bombes, de grenades sous-marines et d’essence d’aviation. Plus tard, on nous a expliqué ceci : « Nous sommes en route pour l’Île de Malte et allons passer en pleine nuit par le détroit de Gibraltar. Interdiction d’allumer la moindre lumière. Et si tout va bien, nous échapperons à la surveillance des espions allemands qui se trouvent en Espagne pour signaler notre passage. » Pendant la traversée de la Méditerranée, on m’a affecté au poste de mitrailleuses juste au-dessus de la passerelle de navigation, et quand j’ai retiré le couvert de cette arme que j’étais censé utiliser, j’ai découvert un canon Hotchkiss qui datait d’avant la Première Guerre mondiale. Il n’y avait aucune bande-chargeur, seulement un peigne rigide d’une vingtaine de centimètres qui se vidait après une dizaine de secondes de tir. Et toute la journée qui a précédé notre arrivée à Malte, nous avons été attaqués par les bombardiers torpilleurs Savoia-Marchetti 79 des Italiens. Les attaques se suivaient par vagues entrecoupées de raids aériens à haute altitude. Nous n’avons perdu qu’un seul navire, mais c’était malheureusement le Imperial Star, qui avait à son bord la vedette sur laquelle je devais travailler. Je me suis donc retrouvé en relève sur notre vedette à haute vitesse et une autre qui provenait d’un autre navire de notre convoi. Nous passions beaucoup de temps à des tâches imprévues, comme décharger des sous-marins pendant la nuit, trouver de l’essence pour que les chasseurs continuent de voler, et même du lait en poudre pour les nourrissons et les hôpitaux. Tout ça parce que le convoi de surface n’en avait jamais assez. L’événement le plus important de cette période était l’arrivée d’un convoi. Sur cinq cargos de commerce qui se dirigeaient vers Malte, quatre n’arrivaient jamais à destination. Il y avait huit ou dix navires militaires pour un cargo, alors on peut imaginer la difficulté d’en faire passer un ou deux. Parfois, aucun n’y arrivait. Le blitz aérien de 1942 sur l’Île de Malte a été la pire des épreuves, car nous avons été bombardés jour et nuit pendant une dizaine de mois. C’était incessant. De janvier à avril, plus de 10 000 tonnes de bombes ont été lâchées, soit 40 ou 50 000 explosions individuelles. Évidemment, on trouvait difficilement le sommeil et nos rations diminuaient sans cesse. Alors nous avions faim en plus d’être constamment sur le qui-vive. Oui, c’était une période très éprouvante.