J’ai rejoint mon premier navire, c’était un croiseur, le NSM Sheffield et je l’ai rejoint et j’ai marché le long des planches pour monter sur le pont, le vendredi 13 janvier 1939. (rire) D’une manière ou d’une autre, j’ai toujours pensé que c’était un signe de malchance, mais ça ne s’est pas avéré être le cas pour moi.
C’était dans le détroit du Danemark, entre l’Islande et le Groenland. Une fausse lame, on en a eu deux, l’une après l’autre, et entièrement, ce jour-là, pas seulement moi, mais l’équipage du navire tout entier a cru qu’on allait se retrouver tous dans l’océan. Parce que la première vague énorme est arrivée et le bateau était monté et descendu, en haut et en bas, et ça enfonçait vraiment le nez sous l’eau et puis on remontait. Et après cinq ou six (fois), il y a eu ce qu’on appelle une fausse lame, plus grosse que les autres vagues. On était déjà en train d’essayer de se sortir de la première (vague) et on s’est pris la deuxième qui suivait. Ça a amené le navire à faire un angle comme ça ; et j’étais sur le pont en service à ce moment-là. J’ai pensé qu’on allait tout simplement glisser tout droit dedans. Le navire tout entier vibrait tellement. Et les hélices étaient hors de l’eau et les quatre hélices ; Et ils hurlaient parce qu’elles n’étaient pas dans l’eau. Tous ceux qui étaient en dessous du pont remontaient sur le pont et parce que, et très franchement, je croyais qu’on allait tomber à pic. Nous avons réussi à nous tirer hors de là, bon, le navire a fait ça, pas nous, on pouvait seulement faire des prières. (rire) Mais la proue du bateau est finalement ressortie.
On est allés au dock et toutes les réparations ont été faites, tous les dégâts ont été rattrapés. Et puis de là, on est descendus dans la Méditerranée et on ne l’a pas regretté. (rire) Une sacrée différence de température – et des eaux calmes. (rire)
On a rejoint la Force H (de la marine royale) qui était la flotte de combat qui s’occupait de la région de Gibraltar. La Force H à un moment, ils ont bombardé Gênes en Italie. C’est au nord de l’Italie, sur la côte ouest. La force est arrivé là-bas à la faveur de ce qu’on appelle le levanter (un phénomène météo propre à la région méditerranéenne), brouillard. Il était à la hauteur du mât, le brouillard. On est arrivés le matin en plein jour, les italiens ne savaient pas du tout qu’on était là. La flotte tout entière. On était en enfilade, l’un derrière l’autre, à se présenter là. Quand on a ouvert le feu, ils ont cru qu’ils étaient en train de se faire bombardés par l’aviation parce que le NSM Ark Royal (un porte-avions de la marine royale) avait envoyé des avions pour repérer où nos obus tombaient, pour savoir si on était bien sur la cible ou pas. Donc les italiens, ils n’ont pas compris qu’ils étaient en train de se faire bombardés par la mer. On était cachés dans le brouillard. Ils ne pouvaient pas nous voir. C’était quelque chose de tout à fait irréel, vraiment. Je veux dire, il y avait des périodes un peu plus tard où on a pu avoir juste un petit aperçu du littoral mais non, on a parfaitement réussi à ruiner leur arsenal maritime.
Bon, j’étais sur un projecteur de signalisation de 50 cm de diamètre et le projecteur de signalisation était suffisant pour parvenir jusqu’au bateau derrière nous pour tourner et tout. Et maintenant, comme je l’ai dit, nous n’avions pas d’équipement anti éclair (protection pour les mains et la tête qui résiste au feu) ou quoi que ce soit de ce genre. Je portais des vêtements d’été, juste une chemise à manches courtes. J’avais les bras le long d’un côté de ce gros projecteur. Et alors qu’on dépassait les cibles, et que les canons ont tourné, le canon B, c’est à dire celui qui se trouvait immédiatement juste dessous le pont qui était sur le pont supérieur, quand il a tiré ses salves, mon bras, je n’ai pas réalisé ça sur le moment, mais j’étais, la flamme et la cordite provenant de l’explosion des canons, je ne savais pas, ça a constellé mon bras de petits trous. Mais quand j’ai été soigné par les médecins à bord (on en avait deux à bord pour ce genre de choses), ça n’avait pas l’air très important. Je ne le sentais même pas. Mais, quoi qu’il en soit, ça ne guérissait pas, et après deux ou trois mois je pense, on m’a fait partir du bateau et je suis retourné en Angleterre à bord d’un autre vaisseau. En réalité je suis rentré sur le même bateau parce qu’on devait repartir pour l’Angleterre. Mais alors j’ai été libéré de mes obligations à terre.