Project Mémoire

Fraser Alexander "Red" Muir

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Institut Historica-Dominion
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Fraser Muir à Wasaga Beach, Ontario, le 9 novembre 2009.
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Fraser Muir
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Équipage de Fraser Muir, 1944. En haut: John Broscoe, régleur de bombes; Ken Thompson, opérateur sans fil; Kenny Parinson, ingénieur; Jack Paine, navigateur. En bas: Fraser Muir, artilleur mi-supérieur; Tommy Groves, pilote; Blair McSwane, artilleur arrière.
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Fraser Muir, septembre-octobre 1944.
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Document de reddition allemand, 1945.
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Fraser Muir (à gauche) et Johnny Broscoe (à droite), Angleterre, automne 1944.
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Et mon souvenir le plus net ce sont ceux au dessus de vous. Vous regardez en l’air, je peux encore le voir dans mes rêves, un avion au dessus de nous.

Je me suis engagé dans l’armée de l’air parce que comme je ne faisais que 60 ou 62 kilos, l’armée de terre n’était même pas dans le, pas quelque chose à envisager. La marine, je n’avais pas tellement d’attirance pour la mer, alors l’armée de l’air a toujours été mon premier choix, le service dans lequel je voulais m’engager. C’est comme ça que je me suis retrouvé dans l’armée de l’air. Je me suis engagé dans l’armée de l’air à Halifax, quand j’avais 18 ans et suis parti de là.

Quand c’était, quand nos noms, disons que nos affectations ont été affichées sur le tableau, ça m’a porté un coup terrible. Al Le Blanc, Johnnie McLay et Mel Orr étaient envoyés dans le 6ème groupe, qui était le groupe canadien, et voilà moi on m’envoyait dans le 5ème groupe. Maintenant, comme je dis, j’étais complètement accablé. Je n’arrivais pas à croire que j’étais là tout seul à partir pour le 5ème groupe et eux trois, qui allaient tous ensemble dans le 6ème groupe. L’ironie dans tout ça c’est que je suis le seul à en être revenu. J’ai été affecté au 5ème groupe.

Je crois que c’était à Wigsley pour l’OTU, qui était l’unité d’entraînement opérationnelle. On est passé par l’exercice qui consiste à former son propre équipage et ensuite on nous a affectés au 50ème escadron. Alors j’ai fait un total de 35 vols, en commençant par, mon premier voyage en septembre 1944, c’était Karelslautern, je pense que c’était Karelslautern [Kaiserlautern]. Et mon dernier vol c’était à Wesel, quand Montgomery a traversé le Rhin en mars 1945.

Le 5ème groupe était soi-disant un groupe spécial, comme vous allez le découvrir en interrogeant différentes personnes. On a effectué la plupart de nos vols, disons, on faisait des voyages spéciaux. Quand le Bomber Command partait en mission, 800 avions partaient et le lendemain vous pouviez lire dans les journaux que Berlin avait été bombardée par 800 avions, du commandement tactique aérien. Et puis tout en bas en petites lettres, vous pouviez voir 200 avions ont bombardé une raffinerie de pétrole ou un pont ou un barrage ou des abris de sous-marins. Bon, c’était nous ça. On faisait la plupart de nos expéditions avec 200 à 225 avions.

Il y avait deux parties qui faisaient peur dans une opération. La première c’était le décollage, savoir si on allait décoller du sol ou pas avec le plein de carburant et de bombes. Et on descendait sur la piste, tout le monde nous faisait des signes, 100 personnes à peu près qui étaient alignées le long de la piste pour vous encourager. Et puis vous décolliez et puis, vous savez, les avions vibraient et vous vous demandez si vous allez décoller ou non. Et puis vous réalisiez, quand vous étiez à 100 pieds d’altitude environ, que tout allait bien et ensuite c’était le silence complet, presque le silence complet et enfin un fantastique sentiment de soulagement.

Et vous savez, j’ai toujours dit qu’être là dans la tourelle au bout de l’avion, vous voyez personne d’autre. Alors les cinq gars à l’avant ils se voient, donc ils sont, ils avaient de la compagnie. Mais à l’arrière dans la queue, dans la tourelle, j’étais assis dans une sorte de siège en toile avec des courroies et j’ai toujours dit que c’était l’endroit le plus froid et le plus isolé du monde là-bas derrière. Vous pouviez voir l’empennage de l’avion en vous balançant. Mais la tâche d’un mitrailleur de queue n’était pas de descendre les autres avions, on était les yeux de l’équipage. On ne pouvait pas arrêter une seule seconde de scruter le ciel à la recherche d’avions ennemis mais aussi des vôtres. On partait en vol mais il n’y avait pas de vol en formation. On décollait tout simplement et il y avait 200 avions là-haut en même temps, qui faisaient pareil que vous. Et on finissait par arriver au dessus de la cible, c’était tout à l’estimation. Vous arriviez au dessus de la cible au point estimé. Vous étiez censé arrivé là à telle ou telle heure mais vous pouviez être en avance, ou vous pouviez être en retard à cause de la navigation des vents et tout le reste. Mais un fois que vous entendiez le bombardier principal marquer la cible, et ensuite donner l’ordre de larguer les bombes, tous, tout le monde s’y mettait.

Marie mère de Dieu, c’était des avions qui montaient, qui traversaient devant vous, au dessus de vous, en dessous de vous. Et alors les mitrailleurs devaient prévenir le pilote s’il y avait un autre avion, qu’ils soient ennemis ou amis. Et mon souvenir le plus net ce sont ceux au dessus de vous. Vous regardez en l’air, je peux encore le voir dans mes rêves, un avion au dessus de nous, qui faisait la même chose que notre avion, essayer de trouver la cible avec des fusées éclairantes. Et il a sa soute à bombes ouverte et vous regardez là avec ses quatorze 500 kilos ou si c’est l’autre raid, des centaines et des centaines de bombes incendiaires et une énorme 2000 kilos. Et j’hurle. Il est juste au dessus de nous, il va les larguer, il fait pareil et ici le pilote et le tireur essayent de se concentrer et de s’aligner. Et ils me crient dessus pour que je me taise. Et puis le pilote me donnait l’ordre –Tom- il disait, débranche, Red, pour l’amour de Dieu, ta gueule. Ah, les gars me charriaient après coup, vous savez, ce que t’es bruyant bon sang, Muir, vous savez. Mais quoiqu’il en soit, c’était comme ça.

Et ensuite le moment le plus long je vous le dis, c’était après que les bombes soient plus là. On devait rester horizontal et en ligne droite parce que deux secondes après le largage, les fusées éclairantes descendaient et si vous étiez à la bonne hauteur, et que tout était bien aligné, le flash photo se déclenchait quand les bombes touchaient le sol et l’appareil photo dans l’avion prenait la photo de là où on avait bombardé. Et le tireur comptait 1000, 2000 et je lui criais dessus pour qu’il compte plus vite. Mais quand il avait fini de compter, le tireur disait, c’est bon et le commandant se détachait de la formation et on était sur le chemin du retour. Mais c’était toujours un moment effrayant et dont je me souviens encore et dont je me souviendrai jusqu’à la fin de mes jours.