Transcription
J’avais deux frères qui servaient dans le désert occidental. Le premier était dans un Corps médical [Corps médical d’Afrique du Sud], l’autre était avec les Engineers. Et bien sûr, j’étais encore à l’école à ce moment-là. Quand vous voyez vos frères aînés dans l’armée, alors que vous êtes encore à l’école, vous ressentez vous aussi ce fort désir de vous enrôler dans l’armée.
Et puis, bien sûr, quand j’ai atteint l’âge de 17 ans, tous mes amis, ils étaient beaucoup plus vieux que moi quand ils sont partis à la guerre, ils avaient environ 17 ou 18 ans, et le plus vieux d’entre eux était un gars du nom de Harry Nickimson. Ils étaient cinq Hébreux et deux autres garçons comme moi. Harry Nickimson, pour sa part, était en deuxième année de médecine. Et nous étions proches. Nous avions l’habitude de nous tenir ensemble. Lorsque nous rentrions à la maison en congé d’embarquement en Afrique du Sud, nous allions toujours à des fêtes. Je lui rendais visite chez lui, et ainsi de suite, et quand nous sommes arrivés en Italie, nous étions encore ensemble.
Et l’une de ces occasions a eu lieu un jour pendant la période des fêtes de Noël. C’était en 1944, mais je ne connais pas la date exacte; je sais cependant que c’était pendant la période des fêtes de Noël. Et nous étions partis en « recce » [reconnaissance]. Je suis sûr que vous savez ce que c’est, une tournée, et Harry me dit : « Fred, tu es chrétien et je suis juif, pourquoi ne ferions-nous pas ainsi. Je prends ta place aujourd’hui et tu prends la mienne la semaine prochaine, le jour de l’An? » J’ai dit, « Bonne idée, Harry. » Bien entendu, Harry a pris ma place ce jour-là. Je me souviens que c’était le jour de Noël 1944. Ils sont sortis nous avons appris, je crois que c’était en fin d’après-midi, qu’Harry avait reçu une balle en pleine tête. Ils l’ont envoyé d’urgence à l’hôpital de campagne, mais ils n’ont rien pu faire pour lui, c’était terminé. La nouvelle a profondément attristé notre groupe. Je l’ai toujours eu sur la conscience, et encore aujourd’hui, j’y pense. Je me demande, mais pourquoi? Je ne sais pas, ce n’était peut-être pas pour moi. C’était l’un de ces moments tristes, dont je garde un vif souvenir.
Notre unité se déplaçait, toute l’unité, les porte-mitrailleuses Bren, les officiers; nous étions en route pour prendre une autre position, lorsque nous avons entendu, sur les ondes, que la guerre était finie. C’était toute une expérience parce que tout le monde disait : « Les gars, n’avons pas vu beaucoup d’action, mais la guerre est terminée. » Et puis, pendant ce temps, on nous a donné des tâches à exécuter, de nous occuper, je ne sais pas si vous avez entendu parler de ces partisans, les partisans italiens, qui ont tué Mussolini, Clara Petacci et d’autres de ses acolytes, je crois qu’il y en avait cinq ou six en tout. Et ils les avaient pendus par les pieds dans l’un des garages et nous avions le devoir de tenir les gens à l’écart parce que les gens les frappaient avec des barres de fer et détruisaient leurs représentations, vous savez. C’est aussi l’une des très désagréables expériences que j’ai vécues.
Je garde un triste souvenir de mon ami, Harry Nickimson. Mais j’ai aussi constaté que j’ai appris beaucoup de choses en m’enrôlant dans l’armée. Je l’ai intégrée alors que j’étais un jeune, et j’en suis sorti un homme. Il faut comprendre que lorsqu’on se joint à l’armée, on est logé avec des hommes qui ont l’âge d’être votre père. On apprend beaucoup des plus âgés que soi, pas toujours de bonnes choses, mais parfois aussi de très précieux enseignements. Et je pense que je l’ai réalisé quand je suis sorti de l’armée. J’ai vécu toute une expérience durant mon service dans l’armée, qui a fait du garçon que j’étais, l’homme que je suis aujourd’hui.