C’était des gens de très petite taille, courant pour des Orientaux. Je dirais que c’était de bons soldats (les soldats chinois), très courageux, mais pas très bien entraînés. De fait, leurs commandants les lançaient, ce n’est pas le bon mot pour ça, dans des attaques banzaï, qui étaient des tactiques japonaises de la Deuxième Guerre mondiale. Mais les Coréens du Sud et du Nord et les Chinois, c’était tous des gens très courageux. Ils étaient sous-équipés. Lors de leurs nombreuses attaques, il y avait sans doute qu’un peu plus de trente pour cent des soldats qui étaient armés et les autres ne l’étaient pas. Ils servaient de cibles, si on peut dire ça ainsi. Et ça n’avait vraiment rien à voir du tout avec la manière d’agir des Canadiens.
Ils avaient quelques bons tireurs embusqués qui ont descendu quelques-uns de nos hommes. Par deux fois un sniper m’a tiré dessus, à deux moments différents. Il m’a manqué. Mais c’est comme ça.
Bon, je me trouvais derrière la colline, et vous savez qu’il y a quelqu’un là-bas qui est en train de vous tirer dessus, alors j’ai vite plongé dans une tranchée. Mais quand vous entendez dans vos oreilles le bruit sec de la balle qui passe à trente, soixante centimètres de vous, vous vous baissez vite fait.
Bon, ceci s’est passé assez tard au cours de l’année où on était là-bas. De nos positions on pouvait voir (j’étais sur la colline 355 connue sous le nom Kowang-San) et on a repoussé une attaque sino-nord-coréenne là-bas, une attaque très violente (l’assaut des chinois le 23 octobre 1952, repoussé par le 1er bataillon du Royal Canadien Regiment). On était vraiment trop peu nombreux pour être appelés un bataillon et pour tenir une colline d’une telle taille dans la région. Mais on s’est fait attaquer en octobre, l’attaque a duré approximativement trois jours. Et les Chinois ont écrasé la compagnie Baker (compagnie B) qui était la compagnie située juste devant nous au pied de la colline. Nous, on était au sommet de la colline, ma compagnie. Mais le Major E.L. Colin, c’était le major commandant la compagnie Baker, a lancé un appel à tous les hommes de sa compagnie qu’il avait réussi à contacter dans les bunkers et il a demandé l’aide de notre artillerie sur ses propres positions. Alors ça s’est un peu animé. Je crois qu’on a perdu 37 hommes cette nuit-là, parmi eux il y avait mon copain Bill Ryan de Montréal (Québec). Et on avait créché ensemble pendant toute la durée de notre entraînement de base, mais il ne s’en est pas sorti. Il faisait partie de la compagnie Baker, oui.
Il y avait les Van Doos (soldats du Royal 22e Régiment) sur un flanc, le PPCLI (Princess Patricia’s Canadian Light Infantry) sur l’autre flanc et nous on était entre les deux. De notre position sur la colline 355, on pouvait voir les projecteurs de recherche scintiller dans le ciel de Panmoon Jong (Panmunjom, Corée), où les pourparlers pour la paix se tenaient (l’armistice a été signé le 27 juillet 1953).
C’est intéressant, j’étais dans la compagnie Baker pendant la majeure partie du temps que j’ai passé en Corée et j’ai eu une querelle avec un sergent remplaçant et c’était la deuxième ou la troisième fois que j’étais accusé et envoyé devant Peter Bingham (Lieutenant colonel Peter R. Bingham, commandant du 1er bataillon du Royal Canadian Regiment en Corée). Et le sergent m’a passé un savon parce je n’étais pas habillé correctement et c’était un gars du genre défilé et compagnie, un maniaque de la tenue. Et je lui ai répondu qu’il pouvait aller se faire un truc contre-nature à lui-même, si vous voyez ce que je veux dire. Et il m’a mis aux arrêts. Alors je suis allé me présenter devant Peter, et Peter a dit : « Caporal Williams, encore toi. » Il a dit : « Tu sais, tu ne peux pas parler à tes sergents de cette manière. » Alors afin d’éviter un conflit, je vais te transférer dans la compagnie Able (compagnie A). Et deux semaines plus tard, la compagnie Baker se faisait écraser. Alors j’ai vraiment beaucoup de chance d’être ici. Je crois que je ferais sans doute partie des 37 qui ne s’en sont pas sortis autrement.