La guerre a été une expérience intéressante pour moi. Je crois que j’ai fait un peu de bien avec la flamme, à apprendre aux gens comment s’en servir parce qu’on avait découvert que quand on se servait d’un lance-flammes correctement, le résultat c’était que les allemands laissaient tomber tout de suite. On ne trouvait pas tant d’allemands brûlés parce qu’à la première lueur de nos lance-flammes, les gens, ils sortaient de l’endroit où ils se trouvaient et cessaient de tirer.
J’ai une petite histoire sur un sergent d’une unité canadienne ; et il se trouvait dans un véhicule lance-flammes, et il traversait le canal (Léopold). Et il y avait un 88 (canon antichar allemand de 88mm) en travers du chemin, vous savez, ça aurait envoyer ce petit char lance-flammes dans l’autre monde. Et il a appuyé sur la détente et tout ce qu’il avait c’était une petite giclette d’essence et une petite flamme, mais tous les gens de l’autre côté sortent avec leurs bras en l’air et il était quasi mort de peur. Mais on trouvait que dans la plupart des cas, quand vous utilisiez la flamme correctement, vous sauviez des vies. Et je pense que si j’ai le moindre mérite pour ce que j’ai fait pendant la Deuxième Guerre mondiale, c’est que j’ai appris à beaucoup de gens comment l’utiliser.
C’était une chenillette Bren et on a monté cette chose dessus. Il y avait un réservoir à l’arrière et le combustible de la flamme était mis sous pression avec du carbone dioxyde, qui le poussait à travers un corps de chauffe, et ensuite sur la chenillette, et puis il allait dans le pistolet. Alors quand vous pressiez la détente, vous aviez une étincelle, une giclée d’essence et ensuite le combustible arrivait. Donc l’essence flambait et avançait le long de la barre de combustible, jusqu’à 150 mètres. Et puis quand ça s’allumait, c’était, il y avait du feu partout. La plupart du temps, si l’équipe avait réussi à faire baisser en nombre l’ennemi en le pilonnant, avec les mortiers et les mitrailleuses, alors ce bon petit véhicule pouvait avancer tout près. Et quand il approchait, à une centaine de mètres disons, vous appuyiez sur la détente, et pouf tout s’arrêtait. Et dehors tout le monde.
C’est une arme très bien mais on n’arrivait pas à avoir beaucoup de commandants qui l’utilisaient parce qu’ils pensaient, oh ça ne sert pas à grand-chose. Mais les unités qui l’utilisaient, et j’en ai une en particulier, le Régiment de Maisonneuve. J’ai passé un bon moment avec eux et, à la fin de la guerre, ils ont organisé un dîner spécial pour moi, et mon équipe a été très bien traitée par leurs hommes elle aussi. Cette unité avait été tellement efficace que dans les dernières phases de la guerre, les cinq dernières semaines pendant lesquelles on a perdu beaucoup de jeunes canadiens, cette unité n’a compté que très peu de morts parce qu’elle se servait des lance-flammes chaque jour ; et l’ennemi sortait tout simplement, sans riposter. C’était merveilleux.
Ma mère a écrit des centaines de lettres. Elle écrivait à mon père quatre fois par semaine et on était tous dans une petite ville, enfin elle était, et les trains passaient seulement deux fois par semaine, mais il y avait un marchand qui allait à Swift Current (Saskatchewan) deux fois par semaine. Et il transportait le courrier lui aussi. Et en ce qui concerne Gordon et moi, les deux fils, on en recevait deux par semaine. Et puis ma mère a tricoté des centaines de paires de chaussettes pour les gars de la marine et elle mettait toujours son nom à l’intérieur, et quand un gars lui écrivait et la remerciait, il faisait automatiquement partie de sa liste. L’idée qu’elle se faisait d’une lettre c’était, elle prenait un gros bloc comme celui-ci et pas de paragraphes, rien, juste de l’écriture, tourner la page, écrire et l’envoyer. Donc elle a utilisé plus de timbres que n’importe qui d’autre dans notre village du Saskatchewan.
Je travaillais avec le régiment de Maisonneuve ; et on était assis, un paquet d’entre nous, vous savez, j’étais assis à côté d’un soldat de deuxième classe du régiment de Maisonneuve. Ils étaient très fiers d’apprendre l’anglais car c’était une unité qui parlait français. Une excellente unité à la fin de la guerre. Et j’étais en train de lire une lettre de ma mère et ce soldat à côté de moi a dit, est-ce que c’est une lettre de ta mère ? Et j’ai dit, oui. J’ai dit, tu aimerais la lire ? Oh oui. Et quand il l’a lu, il en pleurait à la fin ; et il avait été enrôlé contre la volonté des gens du Québec, un truc d’ordre religieux. Et il était ici, tout ce que j’avais à faire c’était de demander son numéro d’immatriculation et je connaissais son unité, et on aurait eu, ma mère lui aurait écrit une lettre immédiatement. Et ce vieil homme stupide ne l’a pas fait. Je ne me le suis jamais pardonné. Et je ne peux pas, parce que je sens que ma mère était tellement gentille avec nous et avec tant de gens de la marine à qui elle tricotait des chaussettes. S’ils répondaient, elle leur répondait toujours et leur écrivait. Alors quand la guerre a été terminée, parce qu’ils étaient partis sur la côte, il y avait des douzaines de ces jeunes qui sont venus rendre visite à ma mère. C’était une mère formidable.