Prenez note que les sources primaires du Projet Mémoire abordent des témoignages personnels qui reflètent les interprétations de l'orateur. Les témoignages ne reflètent pas nécessairement les opinions du Projet Mémoire ou de Historica Canada.
Transcription
C’était une excellente éducation pour moi, l’armée, bien sûr, partout où j’allais, j’essayais d’apprendre quelque chose. On peut apprendre quelque chose même d’un fou. Il y a une certaine fraternité qui se développe, vous savez, une amitié, oui. Et vous êtes dans la cantine avec alcool ou sans, selon vos habitudes. Et puis il y a l’Armée du Salut [un mouvement chrétien international et évangélique connu pour son travail de charité] qui fait la leur.Mais j’aime l’idée de faire de l’exercice, de courir. Vous avez toujours votre fusil avec vous, en tout temps. Et puis, ce parcours d’obstacles s’est toujours avéré plutôt amusant parce qu’on attendait toujours de voir lequel de nos amis était tombé dans la boue ou dans l’eau. Tout le monde lançait des encouragements et riait de bon cœur. Dans ce parcours, c’est chacun en compétition avec l’autre. Mais j’ai trouvé cela très divertissant et je l’ai fait la plupart du temps. On faisait aussi beaucoup de marche et de course le long des routes avec notre fusil canon vers le bas, comme on dit. Mais tout ça fait partie de votre entraînement et moi, j’ai aimé cette partie. Certains de mes camarades ont pensé, eh bien, il est fou ce Carter.
Alors, ils m’ont désigné comme responsable d’une section d’une dizaine d’hommes. J’ai fait ma marche toute la journée, 10 milles aller et 10 milles revenir. Juste quand vous arrivez à la barrière, ils décident que vous devez traverser, comment dire, le parcours à obstacles. Mais vous êtes assez fatigué à ce moment-là. C’est à ce moment-là qu’on glissait et tombait dedans.
Vous tissez de très grandes amitiés. Je pense que c’est l’un des grands avantages du service, des amitiés très intenses. Parce que nous nous entraînions tous pour le même objectif, que nous finissions par avoir, recevoir des ordres et nous diriger vers Halifax [Nouvelle-Écosse] pour monter à bord du navire [et ensuite aller outre-mer]. J’avais un ami qui était devant moi et qui est mort sur les plages [pendant l’invasion de Normandie, le 6 juin 1944]. J’ai appris qu’il est mort dès qu’il a posé pied sur les plages en France. Nous avions grandi ensemble. Ce n’est qu’un exemple qui m’a particulièrement marqué.
Eh bien, la seule chose dont je me souviens qui ressort, c’est que nous retournions à Ipperwash [Ontario], après avoir reçu notre permission. Nous étions rentrés chez nous pour rendre visite à notre famille et nous retournions à notre base d’Ipperwash. À partir de là, nous savions que nous partirions en temps opportun parce qu’un autre groupe arrivait. C’est à bord de ce train que nous avons appris que l’armée allemande s’était rendue aux Russes, puis aux… [Alliés, le 8 mai 1945.] Ils voulaient se rendre à Montgomery [le feld-maréchal Bernard Montgomery, commandant des forces terrestres alliées, 1944-1945] plutôt qu’aux Russes. Et Montgomery a dit : « Eh bien, vous auriez dû y penser lorsque vous avez commencé à vous en prendre à eux. »
Oui, la guerre m’a touché parce qu’elle m’a ouvert un certain nombre de portes en tant que personne noire. J’ai eu accès à beaucoup de possibilités. Avant elle, il y avait de nombreux postes que je ne pouvais pas occuper. Vous vouliez aller ici, ou là, et devinez quoi, il n’y avait pas de place. Mais la guerre, voyez-vous, la guerre a tout fait éclater. Pendant la guerre, vous êtes là, avec votre copain, mais il a une carabine, et vous aussi avez une carabine. Vous apprenez tous les deux la même chose. Oui, vous défendez quoi, le Canada, et toutes ces choses. Et puis un jour, c’est fini.
Et tout le monde retourne sur la rue Civvy et vous marchez sur la rue Bay, vêtu de votre veste, et vous arrêtez quelque part pour prendre un verre ensemble. Et le gars a dit : « Nous ne recevons pas de personnes de couleur ici habituellement et ainsi de suite. » Mais, ce type sera avec moi, a-t-il répondu, ou il a peut-être usé d’une autre persuasion, et il a simplement commandé trois ou quatre verres. Et ils se sont tous levés et ont dit : « Vraiment? Il s’entraînait à mes côtés l’autre jour, eh oui; cela dit, vous m’amenez mon verre ou nous stationnons des voitures ici? Nous allons tout virer sens dessus dessous. « Non, non, non, non, non, et il appelé la police et tout. Le policier a dit : « Eh bien, ces gars, certains ont des uniformes et d’autres pas, ils étaient en service, que voulez-vous faire? »
Voilà donc des choses positives qui en sont ressorties, bien sûr, mais de l’autre côté, il y a eu aussi de grandes tragédies.