Project Mémoire

George Mann

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

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George Mann quand il s'est enrôlé en 1940. Photo prise dans la maison familiale pendant qu'il était en permission.
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George Mann sur la plage de Normandie pour le 50ème anniversaire du jour de la victoire. M. Mann se tient debout au même emplacement sur lequel il a atterris 50 ans plus tôt.
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1er à gauche: Permis de conduire de George Mann passé à Terre-Neuve En haut à gauche: Laisser-passer du régiment des fusiliers de Sherbrooke En bas à gauche: Carte d'identité avec avertissements En haut à droite: Laisser-passer pour permission En bas à droite: Insigne du régiment des fusiliers de Sherbrooke
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Le Projet Mémoire
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M. George Mann.
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M. Mann devant le dernier véhicule qu'il a conduit pendant la guerre. Ce camion servait aussi d'ambulance.
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Pour moi le plus difficile c’est que notre escadron ou le régiment partait le matin et moi je passais la nuit à remplir une douzaine, une quinzaine de tanks. Une nuit, il y en avait seulement trois qui sont revenus.

Quand nous sommes arrivés en Normandie, le jour J, j’ai perdu mon camion sur la plage de Normandie, en ce sens que nous n’étions pas la première vague à arriver en Normandie. On faisait partie de la seconde vague de troupes à débarquer et les tanks avaient été aménagés pour parcourir la courte distance qui les séparaient du rivage en flottant, afin d’éviter d’alerter les allemands de notre arrivée. Tout au moins c’est ce qu’on m’avait dit.

Mais la nuit précédant le débarquement, il y avait eu une grosse tempête dans la Manche et les vagues étaient assez hautes et elles étaient plus hautes que les faux panneaux dont les tanks Sherman étaient flanqués. Les vagues passaient par dessus et plusieurs tanks ont coulé. Ils étaient submersibles mais au-delà d’une certaine quantité d’eau, et avec les vagues qui se déversaient sur les tanks, elles les ont remplis d’eau et ils ont coulé. Pas tous, mais un certain nombre.

Notre chaland, quand nous sommes arrivés, a heurté par un de ces véhicules submergés, tout au moins c’est ce qu’on nous avait dit, et on ne pouvait pas approcher le rivage d’aussi près que prévu. On nous a fait sortir du chaland et il y avait à peu près un mètre d’eau à cet endroit. Et bien, j’étais assis dans la cabine du camion et j’en avais jusqu’à la ceinture, quand je suis sorti du chaland, j’ai conduit sur une courte distance en direction du rivage et je suis retrouvé dans un trou d’obus et j’étais assis là avec de l’eau jusqu’au menton. Et le commandant de la plage a dit, ne bouge pas, on va te tirer de là. Et bien ils ont sorti l’avant de mon camion en tirant par en dessous alors j’ai dû l’abandonner là et je suis allé sur le rivage et le commandant m’a demandé, qu’est-ce ce que tu fais là. J’ai dit, je viens avec vous avec le régiment. Il répond, non tu ne viens pas, tu retournes au chaland, tu nous sers à rien ici. Il a demandé, où est ton fusil ? J’ai répondu, il est dans la cabine du camion, sous l’eau. Il a dit, bon et bien tu ferais mieux de retourner sur le chaland et de revenir dans un autre camion, ce que j’ai fait plus tard dans l’après-midi et je suis arrivé assis sur le toit d’un autre camion, j’ai débarqué en Normandie le 6 juin.

A ce moment là, les tirs d’armes portatives s’étaient assez éloignés pour ne plus pouvoir nous atteindre. C’était des tirs d’artillerie, obus et des bombardements. Mais il y en a eu qu’un ou deux à s’écraser quelque part près de nous. En Europe, pendant les batailles du nord, je conduisais un camion de carburant, pour approvisionner les tanks en carburant. On avait un point de rendez-vous où on les retrouvait de nuit à un point de rendez-vous fixé et on les approvisionnait là. Le jour suivant ils repartaient en mission et nous on rentrait au dépôt pour remplacer le carburant, les munitions, quelque soit ce le truc qu’on transportait dans les camions. Et on les retrouvaient au point de rendez-vous la nuit suivante et ainsi de suite. C’était bien mieux que de conduire un tank je pense en ce sens qu’on était pas vraiment dans la bataille, même si c’était déjà bien assez dangereux, être assis sur des centaines de litres de carburant, diesel ou gazoline, il n’en fallait pas beaucoup pour que ça prenne feu. Mais on pensait jamais à ça. Ca faisait partie de notre journée.

Il fallait qu’ils nous aident à les approvisionner parce qu’on était pas équipés avec des camions citernes comme aujourd’hui. Tout le carburant était en jerrycan de 5 gallons (environ 20 litres). Et vous deviez les donner au chauffeur ou à la personne qui était à l’arrière du tank, et ils versaient le carburant et vous leur tendiez un autre et puis on leur en passait un autre jusqu’à ce que le réservoir soit plein. Et le matin suivant, comme je l’ai déjà dit, on retournait au dépôt pour remplacer le carburant. Dans mon camion je transportais aussi du diesel, et aussi du carburant pour les groupes électrogènes, du naphte et du mélange, des huiles pour moteurs et tout ça. Et tout ça on devait le remplacer chaque fois qu’on en prenait un peu. Je pense que je transportais 225 jerrycans de diesel dans mon camion. Et de retour au dépôt vous aviez plus qu’à remplir l’espace vide et voilà tout. Quelquefois on ne s’embêtait même pas à les compter. Vous saviez combien il en manquait, vous les remplaciez avant de repartir dans votre unité.

Et quelquefois, ce n’était pas trop loin pour rentrer mais d’autres fois, c’était plus loin. Il y en a eu quelques uns qui ont pris feu. Pas tant que ça avec un chargement comme le mien parce que c’était du diesel, c’est moins inflammable, mais les camions qui transportaient de l’essence, l’essence était transportée dans des jerrycans en métal, et le frottement pouvait provoquer une étincelle. Ca ça pouvait mettre le feu. Mais à ma connaissance, dans notre régiment, il n’y a pas eu beaucoup de chauffeurs qui ont été blessés par le feu de cette manière.

On fumait, pas forcément pendant on approvisionnait les tanks. Certains le faisaient, mais pas moi. Mais en conduisant, on fumait. Quand vous étiez dans la cabine du camion, il n’y avait pas de d’essence, pas de carburant en tant que tel dans la cabine. C’était tout derrière vous, un ou deux mètres derrière vous dans la boite.

Pour moi le plus difficile c’est que notre escadron ou le régiment partait le matin et moi je passais la nuit à remplir une douzaine, une quinzaine de tanks. Une nuit, il y en avait seulement trois qui sont revenus. Le reste était manquants. Et à ce moment là vous ne saviez pas s’ils étaient blessés, avaient été tués ou faits prisonniers. Et ça j’ai trouvé que c’était un peu dur parce que c’était tous des gens avec qui j’étais depuis pas mal de temps.