Project Mémoire

Harry Bemister The FOO Barrett

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Harry B. Barrett
Harry B. Barrett
Harry B. Barrett en uniforme de la Marine Royale Canadienne, 1945.
Harry B. Barrett
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Harry B. Barrett
Harry B. Barrett le 1er novembre 2001.
Harry B. Barrett
« Mais heureusement, nous sommes arrivés avant qu’il ne mette le feu. C’est dire que je ne me sentais pas en sécurité à St. John’s. »

J’avais été placé dans la base NCSM Avalon, c’est comme ça que s’appelait la base côtière à St John (Terre-Neuve) et elle se trouvait à l’endroit qu’ils appelaient Buckmaster’s Field au dessus de la ville proprement dite, là-haut sur le massif. On nous avait mis dans des petits bâtiments bien agencés avec des rangées de lits superposés. Le premier matin, c’était juste une base de transition pour les gens qui étaient transférés d’un bateau à l’autre ou d’un bateau à la terre ferme pour prendre des cours et ainsi de suite. Ou des hommes qui avaient été torpillés et qui étaient des survivants venant de différents bateaux qu’on avait amenés là. On faisait tous partie de la marine de toute façon, alors j’ai eu un bon aperçu de St John et ça m’a plu. C’est une vieille ville intéressante, évidemment au niveau historique. Mais en même temps, il y avait des problèmes.

Un samedi soir, la base américaine, Fort Pepperrell (une base militaire américaine installée à St John entre 1941 et 1960), avait eu un incendie inexpliqué et pendant la nuit du samedi suivant une soirée dansante organisée dans le YMCA du centre ville avait été interrompue par la présence d’un individu dans le grenier de l’immeuble pris en train d’essayer de mettre le feu à l’immeuble. Et puis le 12 décembre (1942), c’était une belle journée radieuse et j’avais un ami, qui avait suivi la formation de radio avec moi, Bob Presnio, qui était dans l’armée de l’air et qui était en garnison à Torbay qui est situé à une quinzaine de kilomètres de St John. Et j’avais fait le chemin à pied pour aller rendre visite à Bob et ensuite après avoir déjeuné à sa base, on est rentrés pour essayer d’aller voir un programme à l’auberge des chevaliers de Colomb, qui était assez proche de ma caserne. C’était complet alors on a pris le dîner là et ensuite on y est restés comme visiteurs.

Pendant qu’on était là-bas, soudain, on s’est rendus compte que l’endroit était en feu. En essayant de sortir – on était, c’était un bâtiment en forme de fer à cheval et on était dans la croix du fer – des nuées de personnes sortaient du restaurant et on s’est mélangés à elles et les lumières se sont éteintes et je me souviens avoir été frappé sur le visage et perdre le contact avec Bob. Mais finalement la seule poussée de la foule m’a fait sortir par la porte de devant. Mon dernier souvenir du moment où j’étais à l’intérieur du bâtiment c’est d’avoir la tête collée à la charnière de la porte, les bras collés au corps ; je ne pouvais pas bouger, j’étais juste propulsé par une énorme masse humaine. Soudain, les vis sont sorties de leurs gonds et je me suis retrouvé dans la rue sur la porte mais juste après il y a eu cette gigantesque explosion de feu et tous ces gens derrière moi ont juste, ils n’ont pas pu survivre à ça.

J’ai été attrapé par un lieutenant et amené jusqu’à l’extrémité du bâtiment pour aider à attraper principalement des chinois survivants d’un torpillage qui étaient en train de sauter du premier étage du bâtiment dans la neige qui était assez profonde et on essayait de les attraper et d’arrêter leur chute. À la fin, on a estimé à une centaine le nombre de morts dans le bâtiment, et une centaine de plus qui étaient grièvement brûlés et qui étaient à l’hôpital. Et la centaine qui restait, et dont j’avais la chance de faire partie, avait survécu à ça. Et j’avais les mains et l’arrière de la tête salement brûlés mais j’étais, j’avais eu de la chance.

On nous a finalement renvoyés dans nos casernes et alors qu’on s’en approchait, quelqu’un a vu un gars courir et l’a poursuivi, et on s’est aperçu que cette personne était en train d’essayer de mettre le feu à notre caserne, il y avait de l’essence des deux côtés du bâtiment et un jerrycan d’essence vide. Mais heureusement, on était arrivés avant qu’il l’allume. Donc St John ne ressemblait pas pour moi à un endroit sans danger.

En tous les cas, j’étais aussi très inquiet pour mon ami, Bob Presnio, que je n’arrivais pas à retrouver. Le lendemain matin, on nous a envoyé là-bas pour sortir les corps de l’immeuble carbonisé. Ils étaient emmenés dans un grand gymnase ou une patinoire je crois que c’était et ils étaient étendus alignés, avec un drap blanc posé sur eux. Et de deux à quatre heures du matin la deuxième nuit, j’étais tout seul là dedans avec un fusil sur l’épaule, à patrouiller entre ces rangées de cadavres. Ils étaient complètement congelés quand ils sont arrivés là mais bien sûr dans la patinoire où il faisait plus chaud, ils ont commencé à dégeler et ça n’a pas été une nuit vraiment agréable et sans doute le plus long tour de garde qu’il me soit arrivé de faire. Parce que de temps à autres, un corps roulait et il y avait un bras qui avait suffisamment dégelé pour que ça le fasse tomber et ainsi de suite. Alors j’étais vraiment content de sortir de là.

Il a fallu autre nuit et une autre journée avant qu’on m’appelle au poste de garde, et à ma grande surprise, la mère de Bob était là. Et c’est là que j’ai su enfin pour la première fois que Bob était en vie bien que grièvement brûlé et qu’il était à l’hôpital du coin.