Project Mémoire

Hon. Gilles Monty Lamontagne

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

L'Institut Historica-Dominion
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L'Honorable Gilles Lamontagne à la Ville de Québec, Québec, le 3 juin 2010.
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Nous avons ensuite sauté chacun notre tour. J’ai sauté le dernier. J’ai descendu en parachute.

J’ai fait le raid sur Essen [en Allemagne]. Les Allemands m’ont accroché. Ils sont revenus à trois reprises. La première fois ils ont mitraillé et ils ont blessé mon gunner [mitrailleur] arrière. On est venu à bout d’éteindre le feu. Le feu avait pris. Il est revenu une deuxième fois. Il nous a réellement accrochés, mon navigateur a été blessé. L’avion a réellement pris en feu, c’était une torche. La plus grande peur que j’avais étant pilote et capitaine c’était que l’avion explose. Je dois faire sortir tout le monde avant de sortir moi-même. Le plus dangereux dans l’aviation lors d’une attaque c’est l’explosion. Si l’avion explose, c’est fini. Elle n’a pas explosé, mais c’était une torche. Comment ça se fait? Je ne sais pas. Mon mitrailleur arrière a fait tourner sa tourelle et a réussi à débloquer son parachute et il a sauté. Mais le wireless operator [radiotélégraphiste] était réellement blessé. On a ouvert la porte en dessous qui était bloquée et on l’a poussé dehors. Heureusement, ça s’est ouvert. Après ça, nous avons ensuite sauté chacun notre tour. J’ai sauté le dernier. J’ai descendu en parachute. On était au dessus de la Hollande. On était juste avant d’arriver à la Zuiderzee, le grand lac. Je suis atterri dans un champ et j’ai enterré mon parachute et ma Mae West [le gilet de sauvetage] selon les instructions que nous avions reçues. J’ai regardé autour et j’ai vu une ferme qui n’était pas très loin. J’ai décidé d’aller m’y réfugier dans une demi-grange. Je me demandais quoi faire. J’ai décidé d’attendre le matin, car il était deux, trois heures du matin. L’aurore va arriver et je verrai ce que je ferai. Je me suis étendu sur la paille. De bonne heure le matin, deux enfants d’environ quatre ou cinq ans sont entrés et ils m’ont vu. Ils sont partis à courir pour voir leurs parents. Je ne sais pas ce qu’ils ont dit. Je ne comprenais rien, car ils ne parlaient ni l’anglais ni le français. Ils comprenaient le hollandais c’est tout. Le père est arrivé avec un gros fusil de chasse. Je lui ai dit bonjour, il ne m’a pas donné la main, il m’a fait signe de rester là. Il a bien vu que j’étais l’un de ceux qui étaient en l’air la nuit d’avant. Il est revenu avec du fromage et il m’a donné à manger. Je me suis dit peut-être que je vais être chanceux. Environ une demi-heure après j’ai entendu des autos arriver et des portes claquer. Je pensais que j’étais fichu. Des Allemands sont arrivés. Raus und schnell! Ça veut dire debout, et vite! Ils m’ont embarqué dans l’auto. Ils m’ont emmené à Amsterdam, à environ une centaine de miles et m’ont mis en prison. C’est la première place que je suis allé.

Dans les années 1980, j’ai reçu un appel de l’ambassadeur hollandais. Il m’a dit que les fils du fermier chez qui j’avais atterri voulaient me recevoir. Je suis allé. Ils avaient pavoisé le village. Ils étaient contents de me revoir. Ce n’était pas la même réception que j’avais eue à l’époque. Je les comprenais, si les Allemands avaient appris qu’ils m’aidaient, toute la famille aurait été fusillée. Il n’y avait pas de procès. Je les comprends. J’aurais sauvé mes deux enfants plutôt qu’un pouilleux. Ça a été extraordinaire.

Après la prison, on a pris un train. Nous étions six ou sept prisonniers. « Le couloir de la mort » qu’ils appelaient ça en Hollande. On arrivait toujours à peu près de la même façon. Les chasseurs nous attendaient. Ils avaient appelé ça le couloir de la mort. C’est comme ça que c’est arrivé.