Project Mémoire

Howard Leyton-Brown

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Howard Leyton-Brown
Howard Leyton-Brown
Les médailles de Howard Leyton-Brown (de gauche à droite): ordre du Canada, niveau officier; Croix du service distingué dans l'Aviation (DFC); Étoile 1939-1945; Étoile France-Allemagne; Médaille de la Défense, Médaille de guerre (1939-45); Médaille commémorative (non-officielle) de la commémoration de Bomber Command; Médaille du 125ème anniversaire de la confédération du Canada; Médaille du jubilé d'or de la reine Elizabeth II; Médaille du centennaire du Saskatchewan.
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Carte de raids aériens au dessus de la ville allemande de Dusseldorf.
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Ordre su mérite du Saskatchewan.
Howard Leyton-Brown
Je sais qu’il se peut que je sois responsable de pertes en vies humaines et je n’ai pas d’excuses à faire. Je pense qu’il fallait qu’on le fasse et on a fait du mieux qu’on a pu.
Dans l’armée de l’air, vous étiez sur des bases à proximité de Londres et au moins d’un terrain d’aviation je pourrais rentrer pour continuer avec ma musique ou même avoir mon violon avec moi. Alors je me suis engagé là pour cette raison. Je m’exerçais une heure par jour tous les jours. Et ça c’était la même chose si j’étais dans une mission de bombardement ou quoi que ce soit, je n’ai jamais sauté une seule séance de travail de toute la guerre. Après qu’on ait eu atteint une altitude raisonnable, le navigateur a fait le test d’un de nos systèmes de navigation, le GEE (système VHF de radionavigation), et il ne marchait pas. Alors j’ai appelé et demander des instructions, et après une attente de quelques minutes, réponse au message, continuez l’exercice comme prévu. Et j’ai dit, bon d’accord, je fais ce qu’on me dit, mais j’étais furieux parce que très vite, on s’est rendus compte que la direction des vents était différente de ce qu’on avait pensé et on s’est très vite perdus. On a été attaqués par des avions de chasse. On était partis évidemment très à l’extérieur de notre trajectoire ; et je ne sais pas ce qu’on a bombardé. On a finalement bombardé trois tours, juste une conflagration sur le sol. On ne savait pas si c’était la bonne cible, ou quoi. Après ça, j’ai dit au navigateur, donne-moi une route droite pour retourner directement à la base d’ici ; et on n’est pas passé par la route pleine de détours qui avait été planifiée, qui descendait très au sud et ainsi de suite. Alors on a volé tout droit jusqu’en Angleterre et on a atterri au moins trois heures avant tous les autres. Et immédiatement, on m’a appelé là haut dans la tour de contrôle où les commandants de l’air pour le groupe et ainsi de suite, se trouvaient rassemblés et ils m’ont regardé et ont dit, m’ont crié, quelle mouche vous a piqué de revenir par la mer du Nord comme ça ? Vous avez mobilisé l’unité territoriale toute entière. Et en tout cas, ils me hurlaient dessus. Et j’ai dit, et bien, qu’est-ce que vous espérez, notre système GEE était U.S. et on ne pouvait pas suivre les procédures appropriées. Et il a dit, qu’est-ce que vous voulez dire par, votre GEE était U.S. ? Vous aviez laissé vos cartes dans le bus. Et j’ai dit, non, on n’a pas fait ça, c’était celles de quelqu’un d’autre qui étaient restées là, mon commandant, sur instructions d’entrainement. Et il a dit, oh. Et c’était tout. C’était une mission suicide où ils nous avaient envoyés. Ils n’avaient pas à faire ça. Et c’est assez typique de ce dont certains officiers supérieurs étaient capables. Alors en voilà une dont je me souviens. C’était ridicule. Vous savez, ils risquaient l’équipage et un avion et tout, juste à cause de la discipline. Et on faisait un raid sur Jesteburg et il était 7 heures du matin on était en vol. Et vous voyez comment votre vitre de voiture arrive à être givrée le matin quand vous sortez faire un tour, bon, la même chose est arrivée à notre avion et le pare-brise de l’avion était complètement givré. Alors je pilotais en mettant mon doigt sur la fenêtre, pour faire fondre un petit coin et je regardais à travers et j’arrivais à voir devant moi juste assez. Alors on approchait de Jetesburg et le système c’était qu’une fois arrivés à une certaine distance on ouvrait les portes des soutes à bombes. Vous aviez une poignée à côté du cockpit de pilotage ; vous poussiez cette poignée vers le bas et les portes de la soute à bombes s’ouvraient. Et jusque là, les bombes ne pouvaient pas être amorcées, donc elles n’explosaient pas. C’était la théorie. Bon, alors je la poussais vers le bas, j’ai baissé la tête donc l’angle dans lequel je pouvais voir par ce petit trou a changé et là au dessus juste devant moi il y avait un Halifax – et pas très loin, une centaine de mètres à peu près et au dessus. Et en redescendant, j’ai vu ses portes de soute s’ouvrir et alors qu’elles étaient en train de s’ouvrir, l’avion a explosé. Ils avaient été touchés par un éclat d’obus, du genre tir de DCA, à ce moment précis. Et on a volé à travers les débris de cet avion. En ce qui me concerne, par exemple, j’avais un frère et une sœur. Ma sœur a été tuée. Elle était infirmière militaire sur un navire hôpital qui a été torpillé dans l’océan Pacifique, et tout le monde a été perdu. Mon frère, mon aîné, était dans l’armée de terre. Il était commandant de char pendant l’invasion de Normandie et il a été blessé, un obus a explosé à proximité du char et a fait exploser la porte de la trappe fermée, et l’a frappé sur la tête. Il a été très grièvement blessé en conséquence de ça et il est mort de la suite de ses blessures, pas tout de suite, mais deux ans plus tard environ. Moi d’un autre côté j’étais dans un escadron, le 576ème escadron (de la RAF). On était dans une base où il y avait deux escadrons avec 21 avions chacun, 21 équipages. Et j’appartenais au deuxième escadron qui est allé jusqu’au bout. Tous les autres ont été perdus. Je voulais juste un peu résumer tout ça en disant que je ne regrette aucunement d’avoir fait ce que j’ai fait. Je sais qu’il se peut que je sois responsable de pertes en vies humaines et je n’ai pas d’excuses à faire. Je pense qu’il fallait qu’on le fasse et on a fait du mieux qu’on a pu. On avait des aumôniers et ainsi de suite, qui disaient que Dieu était de notre côté, les allemands aussi. C’est drôle parce que certains moments se retrouvent dans la partie de ma vie consacrée à la musique. Vous savez, vous pensez qu’il s’agit de deux choses distinctes, mais en fait non. Toutes vos expériences dans la vie ont leur importance. Et même il m’est arrivé de dire à l’un de mes élèves une fois, vous vous souvenez du son des sirènes pendant les raids aériens et puis tout à coup j’ai pensé, mais il n’était même pas encore né quand on était en guerre. Donc il vous arrive de vous mélanger un peu parfois, mais ça a quand même du sens.