Ivan Harvey Feldberg (Source primaire) | l'Encyclopédie Canadienne

Project Mémoire

Ivan Harvey Feldberg (Source primaire)

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Contenu sensible : Cet article peut contenir du contenu que certaines personnes pourraient trouver dérangeant ou offensant.

Ivan Feldberg a servi dans l'armée canadienne (Princess Patricia's Canadian Light Infantry) durant la Seconde Guerre mondiale. Écoutez et lisez son témoignage ci-dessous.

Prenez note que les sources primaires du Projet Memoire abordent des temoignages personnels qui refletent les interpretations de l'orateur. Les temoignages ne refletent pas necessairement les opinions du Projet Memoire ou de Historica Canada.

Ivan Feldberg
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Ivan Feldberg, photo prise en janvier 2010, vêtu de son veston régimentaire (Loyal Edmonton Regiment), avec les trois bandes sur la manche qui représentent ses trois blessures de guerre.
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Photo prise le 30 mai 1945 pendant sa permission de 30 jours à son retour de service outre-mer, il rend ici visite à ses parents sur la ferme. "Comme vous pouvez le remarquer, ma mère a un regard assez sévere, mais elle est contente de me voir revenu à la maison, mon père lui, c'est un vieux type avec une certaine fierté sur son visage."
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Photo d'Ivan Feldberg prise le 1er janvier 1945 alors qu'il était encore en Angleterre.
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Carte émise par les Affaires des Anciens Combattants du Canada à Ivan Feldberg, pour lui permettre d'obtenir des médicaments prescrits gratuitement.
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Photo d'Ivan Feldberg en compagnie de sa femme Margaret A. Feldberg (née Pelling), prise le jour de leur mariage le 5 mai 1943 à New Haven, Angleterre. "Je me suis marié à la fille de mes rêves!"
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« Ce n’était pas des imbéciles, ils se battaient depuis des années et nous n’étions qu’une bande de gamins inexpérimentés. »

Transcription

Ma femme et moi n'avons jamais eu le temps de nous marier à l'église, nous avons donc dû nous marier à la mairie. C'est une chose tellement drôle qui me reste à l'esprit. Quand j'ai dit « Chérie, je ne sais pas si je vais te revoir un jour parce que je pense que c’est vrai cette fois, vu la façon dont nous emballons nos affaires ». Et elle m'a dit: « Mais tu dois me revenir, maintenant tu es à moi. » Et vous savez, 19 mois plus tard, son souhait s'est réalisé. Jusqu'à ce que nous arrivions à la ville de Leonforte (Italie), les Seaforth Highlanders of Canada, qui faisaient partie de la même brigade que nous avec le Princess Patricia's Canadian Light Infantry et le Loyal Edmonton Regiment, nous étions tous dans la 2e brigade. Ils se sont fait battre violemment par les Allemands en essayant de donner aux ingénieurs le temps de construire le pont sur ce profond ravin. Ils ont bombardé la ville pendant une heure entière, puis nous avons traversé la vallée et nous sommes arrivés à la limite de la ville, et les ingénieurs nous ont suivis et ont commencé à construire le pont dès que nous avons engagé l'ennemi. Mais nous avons traversé le pont et nous avons eu quelques morts dès le début parce que les Allemands ont compris que lorsque le barrage se levait, il se passait quelque chose. Ils n'étaient pas idiots parce qu'ils se battaient depuis des années et des années, et nous n'étions qu'une bande de débutants.

Les Allemands attendaient avec un char et quelques mitrailleuses et ils ont ouvert le feu sur nous et nous avons eu un grand nombre de victimes dès le début. Je n'ai jamais eu aussi peur pendant aussi longtemps de toute ma vie. Nous sommes entrés dans cette ville à 7 heures du soir et nous n'en sommes plus sortis jusqu'à 5 heures du matin. C'était une grande frayeur. Nous ne pouvions relâcher notre attention une seule minute. Nous étions tellement épuisés cette nuit-là que lorsque nous sommes arrivés sur cette nouvelle colline, en retournant à notre ancienne position, tous nos sous-officiers et officiers ont dit, quatre hommes par position, alors nous avons dû nous asseoir dos à dos pour ne pas nous endormir parce que nous étions complètement épuisés.

Nous avons pénétré la ligne Hitler le 23 mai 1944. Je n'ai jamais manqué à mes devoirs quand on m'en donnait l'ordre. Horatio Clayton et moi, il était le nouvel éclaireur inexpérimenté. Tout d'un coup, mes oreilles se sont mises à bourdonner, les balles passaient devant ma tête et tout le reste, et je me suis baissé sur le sol, et là, tout le monde était déjà à plat ventre. J'étais tellement concentré sur l'endroit où se trouvait le colonel et tout le reste que je n'avais même pas peur cette fois-ci parce que j'avais un travail à faire et que j'essayais de bien le faire. Un petit oiseau m'a chuchoté à l’oreille: « Je parie que tu vas réussir à l’avoir ».

Je n'ai aucune idée du temps qui s'est écoulé ou du temps que nous avons passé là-bas parce que nous n'avions pas de montre et que nous ne perdions pas notre temps à regarder notre montre. Quoi qu'il en soit, j'ai commencé à lui raconter des histoires, ce qui m'a permis de ne pas penser à ma peur. J'étais plus habitué à l'action que lui et je lui ai dit: « Si tu tournes ton fusil à 1:00 de la position où tu es assis en ce moment, il y a une mitrailleuse. » Et j'ai dit: « Il est en train de causer des ennuis à tout le monde là-haut ".

Les gens qui se faisaient toucher par cette mitrailleuse se disaient qu'ils étaient en sécurité pour un moment. Nous nous sommes éloignés de cette position parce que nous ne pouvions rien faire, car nos propres hommes étaient devant nous.

J'ai reçu six blessures d’éclats d'obus sur le corps à cause de l'explosion de l'obus qui m'a projeté en haut de la colline. Je me suis levé et je me suis pris la gorge pour respirer de l'air frais. J'ai été temporairement assommé et j'ai perdu connaissance, mais pour une raison étrange, j’étais encore debout. Je sentais la douleur dans ma jambe droite et dans mon épaule droite à l'arrière, ainsi que dans ma hanche droite. Lorsque nous avons monté la colline pour atteindre le poste de secours, nous avons vu la file des brancardiers et tous les blessés qui marchaient vers le poste de secours. Nous avons eu la malchance qu'un obus tombe en plein dans la file de tous ces pauvres gens et qu'il fauche tous ces gens sur une distance de vingt pieds. Il en a blessé tout un tas et a tué d'autres gars qui allaient au poste de secours. Nous étions désormais tellement habitués à cela que nous ne pensions plus qu'à nous rendre nous-mêmes au poste de secours.

Puis nous y sommes arrivés et je ne sais pas où Clayton est passé, mais les gars m'ont tout de suite pris dans leurs bras et m'ont déshabillé parce qu'ils voyaient que je saignais à plusieurs endroits. Je me souviens encore des gars qui m'ont dit: « Tu vas bien? » J'ai répondu: « Oui, ça va. » Tout de suite après, j'étais allongé sur la civière à l'extérieur. J'ai perdu connaissance.

Nous devions trouver un passage pour que les chars puissent traverser la rivière Pisciatello. Nous avons donc été choisis pour accompagner les ingénieurs dans la recherche d'un fond solide dans la rivière Pisciatello. Pendant la nuit et les premières heures du 18 octobre, plus en aval, ils ont envoyé un groupe de nos hommes en éclaireurs, et ce qu'ils ont finalement fait, nos hommes ont traversé la rivière, ils ont poussé un char usé dans le fond de la rivière pour l'utiliser comme support pour mettre le pont Bailey en travers.

Notre unité a fait un certain nombre de prisonniers et a appelé le quartier général pour que quelqu'un vienne les chercher. Je voyais bien qu'il essayait de convaincre ces deux éclaireurs d'aller chercher ces prisonniers, mais ils n'avaient pas la moindre idée de l'endroit où aller, ils auraient dû savoir lire une carte et une boussole. J’étais allé là-bas avec les ingénieurs la nuit précédente, nous étions rentrés à cinq heures du matin le même jour et je n'avais pas pu dormir de toute la journée parce que nous nous faisions bombarder. Je me suis donc approché de l'officier, je l'ai salué et j'ai dit: « Monsieur, ça ne me dérange pas d'aller chercher ces prisonniers. J'étais avec les ingénieurs la nuit précédente et je sais où se trouve le pont, dites-moi juste où se trouvent les prisonniers par apport pont ».

Les Allemands essayaient de détruire le pont avec des mortiers, des obus et tout le reste, et je me suis dit que c'était du suicide que de traverser ce pont. Je lui ai dit de rester à une trentaine de mètres de moi en permanence, de sorte que si un obus atteignait l'un d'entre nous, il en resterait toujours un en vie pour accomplir notre mission.

Un nouveau tir de barrage s'est abattu sur nous et nous étions en plein dedans. Bien sûr, j'ai été touché au bras droit, ce qui m'a mis hors d'état d'agir. Nous aurions pu nous abriter sous ces bâtiments, mais nous ne l'avons pas fait, nous avions un travail à faire. Nous n'avons donc jamais pensé à nous mettre à l’abri.

J’essayais de montrer à mes camarades que je n'avais pas peur, même si j’avais peur, j’essayais d’avoir l’air brave. J'ai appris à les connaître. Ils étaient comme des frères et j'en ai perdu tellement. La dernière blessure, la troisième, m'a pris 18 mois pour m'en remettre avant de sortir de l'hôpital et d'être libéré. J'ai fait 51 mois de service. Tant de mois de service et tant de mois outre-mer. Ma femme et moi avons été séparés pendant 19 mois et quand j'ai quitté l'armée, j'ai eu un travail un peu difficile, mes nerfs et mon esprit étaient confus. Je ne pouvais plus faire comme si. Les gens ne me comprenaient pas, ou peut-être que c'était moi aussi qui ne les comprenais pas, parce que je n'étais plus le garçon de ferme que j'étais quand j'ai quitté ce pays. Les gens ne comprenaient pas parce qu'ils ne comprenaient vraiment pas la guerre, et il y a encore beaucoup de gens au Canada aujourd'hui qui ne comprennent pas ce que nous, les anciens combattants de la Deuxième Guerre mondiale, avons fait pour eux.