Project Mémoire

Jack Wilfred Williams

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Jack Williams
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Jack Williams avec bébé David, septembre 1945.
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Lettre de Frank Cooper, un ami de Jack Williams, écrite depuis la Birmanie, en août 1945.
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Certificat d'instructeur de vol de Jack Williams, 5 mai 1944.
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Journal de bord de Jack Williams, 1943-1945.
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Jack Williams à I.T.S Regina, le 1er avril 1943.
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Et soudain, l’appareil a quitté le sol. C’était la plus forte émotion de ma vie, je ne peux même pas décrire ce que j’ai ressenti.
J’avais donc 20 ans quand je suis entré dans la force aérienne, et je n’avais pour ainsi dire jamais vu un avion d’aussi près. C’était un Cessna Crane [AT-17 Bobcat] de Saskatoon. C’est un élève de notre école de Lockport [Manitoba] qui le pilotait. Il avait deux ans de plus que moi et s’était joint deux ans plus tôt à la force aérienne. Il avait obtenu son brevet de pilote et voulait désespérément partir outre-mer. Il y est finalement allé, mais pas avant d’être nommé instructeur et de prendre tous les moyens possibles et impossibles pour être envoyé outre-Atlantique. Je crois même qu’il a fait atterrir son appareil en catastrophe, un Tiger Moth, qu’il pilotait à trop basse altitude ou je ne sais quoi. Il était parti de Saskatoon et s’était posé dans le champ face à notre ferme, ou vraiment très près, et je me rappelle avoir accouru pour voir l’avion de près. Il en est sorti en laissant les moteurs en ralenti accéléré. C’étaient des bimoteurs et c’était très impressionnant à voir, car ils dégageaient une incroyable force de vent qui faisait virevolter l’herbe tout autour. Évidemment, il avait mis les freins et l’élève qui se trouvait dans l’avion veillait au grain. Il est donc descendu de l’appareil pour nous parler. Et je me suis dit : « Voilà ce que je veux faire. » J’avais pris ma décision et je me suis bientôt enrôlé. Je me rappelle cette fois où nous avions atterri après environ huit heures de vol en tandem, et qu’il s’est tourné vers moi pour me demander : « Williams, quelle pointure chausses-tu ? » J’ai dit que je chaussais du 10 en lui demandant ce que ça pouvait bien faire… « C’est simplement pour savoir si tu peux voler de tes propres ailes (stand on your own two feet), m’a-t-il répondu. « Oh, je n’en suis pas sûr ! », ai-je hésité. « Allez, prends les commandes », m’a-t-il dit. J’ai donc ouvert les gaz, et ce n’était pas une piste mais un terrain herbeux plutôt inégal. Je me suis placé dans le sens du vent, j’ai mis les gaz à fond et je me suis élancé. Et soudain, l’appareil a quitté le sol. C’était la plus forte émotion de ma vie, je ne peux même pas décrire ce que j’ai ressenti. J’avais vu mon premier avion à 20 ans et voilà que j’en pilotais un. C’était électrisant. J’ai obtenu mon brevet à la fin du cours nº 91. Nous étions une centaine d’élèves et sept d’entre nous avons été envoyés à l’École des instructeurs de vol nº 2 de Pearson, en Alberta, où j’ai entraîné des pilotes de 1944 à octobre 1945. Mais entre-temps, on m’a envoyé deux fois à Deseronto, en Ontario, à l’école de pilotage aux instruments pour y apprendre le maniement du Radar classique d’approche. Ce radar servait outre-mer aux transmissions faites depuis l’aéroport d’atterrissage. Sa portée était faible et ne couvrait donc pas de longues distances. Quand on approchait de l’aéroport, le faisceau radio qu’on entendait dans nos casques nous guidait jusqu’à la station. Mais quand on arrivait à un certain point, il y avait ce qu’on appelait un cône de silence et on n’entendait plus rien. On savait alors exactement où l’on se trouvait. Et de là, on faisait les manœuvres nécessaires pour s’aligner sur la piste. Si les manœuvres étaient bien faites, on se retrouvait parfaitement alignés même sans voir la piste. Si on se trouvait dans les nuages, par exemple, la piste s’étalait droit devant vous quand on en sortait. En juin 1945, on m’a de nouveau envoyé à l’école de pilotage aux instruments de Deseronto pour y suivre un cours de radioalignement. D’un bout à l’autre du pays, toutes les stations y avaient recours et les compagnies aériennes ont continué de l’utiliser très longtemps après la guerre. Piloter sur ce faisceau, c’était comme rouler sur une autoroute. Si on déviait à droite, on entendait dans notre casque d’écoute un A en morse. À gauche, c’était un B, soit un tiret et deux points. Puis au centre du faisceau, c’était un ronflement très stable. De sorte qu’on savait à tout moment l’endroit exact où l’on se trouvait. Sur le dessus de l’avion, il y avait ce qu’on appelait un radiocompas qui captait les stations de radio commerciales des villes qu’on survolait. Vous les syntonisiez et le radiocompas se tournait automatiquement vers la station tout en indiquant les degrés qui vous en séparait. Puis en inversant ces degrés, on pouvait tracer sur la carte une image, une ligne montrant précisément où l’on se trouvait, le long du faisceau en réalité, et qu’il suffisait de suivre. Nous avions sur les genoux un petit ordinateur que nous appelions Dalton. Rien de moderne, évidemment. Mais en y entrant ces données, on obtenait notre vitesse sol et donc une estimation du temps qui nous séparait de l’arrivée. Et ça fonctionnait vraiment très bien. Nous avons formé des pilotes du monde entier. Des Norvégiens, des Français de la France libre, des Australiens. Je suis encore tout étonné d’avoir participé à ce vaste système. C’était génial. Vous savez, il y avait à peine, au début de la guerre, il n’y avait qu’une très petite force aérienne permanente au Canada. Mais ils ont construit toutes ces stations dans tout le pays. Ils se présentaient chez un fermier puis érigeaient une station dans ses champs. C’était un véritable exploit dans un pays qui ne comptait à l’époque qu’une dizaine de millions d’habitants et qui sortait de la grande dépression, la pire crise jamais vue, et d’une très grave sécheresse dans l’Ouest canadien. Eh bien, ils ont triomphé de tout cela et ont construit des stations. Puis nous les avons équipées et bien utilisées, et je crois que nous avons fait un travail remarquable.