Project Mémoire

Jacques Joseph Plourde

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

The National Archives/Heritage-Images (UK)
The National Archives/Heritage-Images (UK)
"La ligne vitale tient le coup. Merci à la marine marchande". Affiche de la Seconde Guerre mondiale (1939-1945). Mr. Plourde servit dans la marine marchande pour la durée de la guerre.
The National Archives/Heritage-Images (UK)
Les bateaux se faisaient couler. À un certain moment, en 1942, l’Amirauté canadienne a cessé le trafic maritime dans le Saint-Laurent tant que nous n’aurions pas les moyens de nous défendre.
Quand je suis sorti du collège, j’avais quatre ans de cours commercial de fait. Pour vous dire la vérité, ça n’allait pas bien chez moi. Je me suis dit que je partirais quelque part. Un bateau est venu au quai chez nous. On m’a dit: « Il manque quelqu’un abord, un mousse. Si tu veux embarquer, va chercher ton linge et viens t’en. » Ça a été mon premier bateau, en 1942. Le bateau s’appelait le Nord Gaspé. C’était pendant la bataille du Saint-Laurent en 1942, c’est l’année où il s’est fait couler le plus de bateaux dans le Saint-Laurent. Quand je parle du Saint-Laurent, je parle de Montréal à Gaspé. Les bateaux se faisaient couler. À un certain moment, en 1942, l’Amirauté canadienne a cessé le trafic maritime dans le Saint-Laurent tant que nous n’aurions pas les moyens de nous défendre. Pas de corvettes et pas de contre-torpilleurs. On va en construire et l'on recommencera les envois qui partaient de Montréal pour l’Angleterre. J’étais sur le Nord Gaspé. C’était un petit côtier qui faisait le voyage entre Montréal et les Îles-de-la-Madeleine. Il était assez vite. Il transportait des passagers et de la marchandise. Alors à toutes les semaines, il partait de Montréal vers les Îles-de-la-Madeleine. Ce petit bateau n’a jamais été arrêté, car il était assez rapide et il pouvait déjouer les sous-marins. Nous avons continué. Lors d’une traversée entre Gaspé et les Îles-de-la-Madeleine, il y a eu une attaque. Une torpille a frappé le devant du bateau. Finalement, la torpille a juste frôlé le bateau. Ça a été déclaré, car une fois la guerre terminée les capitaines de sous-marins sont débarqués à Gaspé. Ils ont été questionnés et ils ont avoué qu’ils avaient essayé d’avoir le Nord Gaspé. Ils l’avaient manqué de toute manière. J’ai changé de bateau et je suis embarqué sur un pétrolier. Le pétrolier faisait de Boston à Stephenville [Terre-Neuve]. On transportait de l’essence pour l’aviation. Ça allait bien, on n’avait pas d’escorte. On était assez vite malgré nos 6 000 tonnes. Nous suivions un bateau, notre sister ship [navire-jumeau], un bateau identique au notre et il s’est fait couler à peu près un mile devant nous. Ils ont reçu une torpille en plein milieu et le devant a coulé. Ils ont perdu huit membres de l’équipage. Le reste a flotté, car les pétroliers sont faits de compartiments étanches. Le capitaine a eu d’ordres de faire des détours pour rentrer à Boston. Je travaillais dans le engine room [la salle des machines] à peu près 20 pieds sous le niveau de l’eau. Quand on est arrivé à Boston et le capitaine avait donné les ordres qu’on s’en retournerait chargé d’essence, les hommes dans le engine room n’ont pas répondu aux demandes. Les hommes qui travaillaient en bas, et qui savaient que le bateau venait de se faire couler, ne voulaient pas partir à moins d’être escortés. Le capitaine est allé voir l’Amirauté à Boston ou New York et ils nous ont dit qu’il n’y avait pas de problème. Nous aurions une corvette pour nous escorter. On est sorti et on a continué, nous n’avons jamais vu la corvette. Ça a continué comme ça.