Project Mémoire

Jacques L. Richard

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

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Photo des diplômés, mai 1944. Jacques Richard est le 4ème à droite dans le 2nd rang.
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Photo du groupe d'aspirants techniciens prise à l'Université de Montréal, Québec, en octobre 1943. Jacques Richard est en haut à droite.
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Jacques Richard à Summerside, Ile du Prince Edouard, décembre 1944.
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Écusson porté par les techniciens de la base No. 1 de l'École Générale de Reconnaissance, janvier 1946.
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Écusson porté par les techniciens de la base No. 1 de l'École Général de Reconnaissance, décembre 1944.
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Nous les mécaniciens, on était les meilleurs amis des pilotes, parce que quand les gars partaient avec l’avion, ils ne voulaient pas manquer de gazoline, ils ne voulaient pas que les contrôles se cassent.

J’ai participé aux Cadets de l’Air pendant ces années là. À un moment donné, la guerre, ça chauffait pas mal. Beaucoup de mes amis s’enrôlaient, un dans la marine et un autre dans l’armée. Je me suis dit, « je m’enrôle dans l’aviation », car j’étais dans les Cadets de l’Air. À ce moment-là, en 1942-43, c’était tout en anglais, l’aviation. Il n’y avait pas de français dans l’instruction comme aujourd’hui. Beaucoup de Canadiens français, après l’enrôlement à Lachine [Québec], prenaient le School of English à Toronto.

Je n’ai pas réussi le test – c’était tout en anglais - malgré que j’avais quelques connaissances de l’anglais. Malheureusement, j’ai « flunké » [échoué] le fameux test I.Q. [quotient intellectuel], alors on m’a offert d’autres postes dans l’aviation. On m’a offert de devenir mécanicien, soit aero-engine pour l’engin [mécanicien de moteurs d’aéronef] ou airframe mechanic [mécanicien de cellules d’avion] ou air gunner [mitrailleur]. Je me disais air gunner après la guerre, je n’aurais pas beaucoup d’avenir là-dedans. Tandis qu’airframe ou aero-engine, j’aurais peut-être des bases pour être mécanicien après la guerre si je me cherchais un emploi comme ça.

J’ai décidé de prendre airframe mechanic. On m’a demandé quelle sorte de posting [affectation] que j’aimerais avoir. J’avais demandé overseas posting [déploiement outremer] parce que j’étais enrôlé actif volontaire. On m’a envoyé à Dartmouth, Nova Scotia [Nouvelle-Écosse]. À ce moment, il n’y avait pas de pont entre Halifax et Dartmouth. On a transféré en chaloupe d’un bord à l’autre. On n’avait même pas le droit de fumer dans la chaloupe parce que les sous-marins auraient pu venir nous couler. C’était très sévère.

Éventuellement, j’ai eu un posting à Summerside [Île-du-Prince-Édouard]. Là il y avait de l’action parce qu’on entraînait les gars de la R.A.F. [Royal Air Force]. La base s’appelait : «No. 1 General Reconnaissance School, RCAF [Royal Canadian Air Force], Summerside, P.E.I. » La devise de la base c’était : « United We Serve to Win » [Unis pour gagner].

J’ai pratiqué mon métier de mécanicien sur les avions. À ce moment-là, c’était des Avro Ansons. Il fallait faire des inspections ou des réparations sur les avions. Après que l’avion avait été réparé, ceux qui avaient participé à cette réparation, que ce soit aero-engine ou airframe ou les gens qui regardaient les cadrans - on avait souvent des problèmes avec les petits cadrans ou la chaufferette qui ne marchait pas - ceux qui avaient travaillé sur la réparation devaient monter à bord avec le test pilot [pilote d’essai] pour aller tester l’avion, faire des exercices pour s’assurer que l’avion était en bonne condition de vol, que les réparations faites étaient correctes.

Après tant d’heures de vol, il y avait des inspections majeures ou mineures dépendant des heures de vol. Il fallait tout regarder les contrôles pour s’assurer que le filage était bien et qu’il n’y avait pas de trous nul part dans l’avion, enfin que tous les morceaux étaient là. Nous les mécaniciens, on était les meilleurs amis des pilotes, parce que quand les gars partaient avec l’avion, ils ne voulaient pas manquer de gazoline, ils ne voulaient pas que les contrôles se cassent.

On avait été faire une envolée au nord du Labrador à quelque-part dans un Lockheed Hudson. C’est un gros avion à deux moteurs en métal, très lourd. C’était un beau dimanche matin ensoleillé. À un moment donné, le pilote a eu des problèmes avec l’avion. Alors, il dit : ça va mal. On essayait de rejoindre la base. « Mettez vos parachutes ! » Moi je n’avais jamais sauté en parachute et ça ne me tentait pas du tout. On perdait toujours de l’altitude, mais on était toujours en ligne pour s’en retourner à l’aéroport. On était très bas, mais le pilote nous a dit d’attendre, qu’il croyait pouvoir se rendre. Finalement, on s’est rendu. Nous avons atterri juste à temps, sans être obligé de sauter en parachute. Je m’en rappellerai toute ma vie. J’avais eu la frousse.

Au mois de mai 1945, on m’a transféré à Goose Bay au Labrador. On faisait le service sur tous les avions. Il y avait beaucoup d’avions qui revenaient d’Europe puisque la guerre était terminée. Le matin en hiver, il fallait mettre nos gros parkas et nos « piss pot » sur la tête, les gros chapeaux d’hiver pour se rendre au déjeuner et ensuite retourner à nos baraques faire un brin de toilette et retourner au hangar. On était souvent dehors. Ce n’est pas comme aujourd’hui, les gens sont gâtés.

Pendant cette période, au tout début, ils nous ont demandé si on voulait aller au front du Pacifique. J’ai signé pour le pacifique et je n’ai même pas eu le temps de faire mes bagages. Le temps que les papiers reviennent d’Ottawa, la guerre s’est terminée très vite au Japon après les deux bombes qu’ils ont lancées sur Hiroshima et Nagasaki. Je n’ai pas servi au Pacifique non plus mais j’ai fait ma part. J’avais signé actif, j’étais volontaire mais le sort a voulu que je demeure ici au Canada au lieu d’aller en Europe servir.