En 2010, le Projet Mémoire s’est entretenu avec James Andrew Winn, ancien combattant de la Deuxième Guerre mondiale. L’enregistrement et la transcription qui suivent proviennent de cet entretien. De 1943 à 1945, James Andrew Winn a servi dans l’armée canadienne dans le North Shore (New Brunswick) Regiment au sein du peloton de pionniers de la compagnie C. Né à Saint John, Nouveau-Brunswick, le 18 novembre 1924, il s’est enrôlé dans l’armée canadienne à 18 ans. Il a été tireur d’élite et, brièvement, mortier lourd, passant un certain temps dans les tranchées en France. Dans son témoignage, il évoque son débarquement à Juno Beach le jour J le 6 juin 1944. Il décrit également les blessures par balles qu’il a subies lors d’une mission visant à capturer l’aéroport de Carpiquet ainsi que la reddition des forces allemandes. Il est mort le 29 novembre 2015 à Summerside à l’Île-du-Prince-Édouard.
Prenez note que les sources primaires du Projet Mémoire abordent des témoignages personnels qui reflètent les interprétations de l'orateur. Les témoignages ne reflètent pas nécessairement les opinions du Projet Mémoire ou de Historica Canada.
Transcription
Je suis parti, durant la nuit je pense, le soir du 5 juin. Nous sommes arrivés et avons débarqué sur la plage le jour J vers 6 heures du matin ou peu après. Ensuite, nous sommes entrés dans les débris, ce qui n’était pas très agréable, mais nous avions si peur et ne savions pas ce que nous faisions. Nous nous sommes donc accommodés. Nous étions censés être juste à l’extérieur de Caen [France] ce soir-là et il nous a fallu un mois, presque un mois et deux jours plus exactement, pour aboutir à l’aéroport de Carpiquet. Nous sommes arrivés et nous devions nettoyer l’aéroport. Les combats ont commencé et ont été violents. Nous avons repris la route et l’instant d’après, nous étions de nouveau dans le feu de l’action. J’ai été touché à la jambe par une balle de fusil et peu de temps après, je me sentais bien même si ma jambe semblait engourdie. Puis j’ai eu un morceau de l’épaule gauche arraché à la suite d’une explosion. Je me suis ensuite réveillé dans un hôpital français en Angleterre. Ils ont constaté que je ne parlais et ne comprenais pas le français. Ils m’ont donc envoyé au 18e hôpital canadien à Colchester, en Angleterre, un hôpital entièrement anglophone. Ils se sont trompés parce qu’après avoir été enrôlé là-bas, j’ai rejoint un régiment français et, bien sûr, ils ont supposé que j’étais français lorsqu’ils m’ont envoyé sur le terrain. Je suis resté à l’hôpital pendant plus d’un mois ou un mois et demi, je ne sais plus trop. On nous a donné une semaine de vacances supplémentaire et je suis retourné à Édimbourg [Écosse]. Je suis reparti de là, j’ai suivi quelques jours d’entraînement et puis nous avons repris l’action. Je me suis porté volontaire pour y retourner, mais bien sûr, rien n’aurait changé si j’avais été présent. Nous avons abouti dans un port de Belgique. L’équipe qui était là, mon régiment, était en quelque sorte en congé pour se reposer, changer de vêtements et tout le reste. Un soir, en direction vers une cantine en bas de la rue, nous avons rencontré deux prêtres dans leur costume et l’un de nos compagnons a dit qu’ils portaient des bottes de l’armée allemande. Nous l’avons signalé à la police militaire, qui les a trouvés au bout d’un certain temps et les a arrêtés : c’étaient deux soldats allemands vêtus de robes de prêtre et tout le reste. Nous n’avons pas tardé à être renvoyés au combat. Je ne me souviens plus très bien du nom des villes parce que nous nous déplacions beaucoup. Nous avons dû nous arrêter là. Nous avions un peu de répit de temps à autre. La moitié du temps, nous étions nos propres rivaux et nous étions trop effrayés pour remarquer le nom des villes. Nous avons continué à aller de ville en ville jusqu’à ce que nous arrivions juste en face d’une petite rivière avec un grand pont en hauteur, de l’autre côté d’Emden en Allemagne. Nous pouvions voir le sommet des cuirassés allemands au-dessus des bâtiments et de la scène de guerre. Puis tout s’est calmé. C’est au moment où ils ont accepté de signer le traité que l’amiral allemand du navire, l’un des grands navires de guerre (je ne connais pas leurs noms) est arrivé depuis l’Angleterre. Je sais que le premier amiral du navire était le contre-amiral Durnam. Je ne sais pas comment ça se prononce, mais c’est ainsi que je l’ai compris. Ils se sont organisés autour d’une table à un certain endroit et ont signé la reddition. Ensuite, nous avons dû commencer à rassembler les troupes allemandes qui s’étaient rendues. Nous avons dû construire une grande enceinte, notamment. J’y ai passé un mois et demi ou deux. Nous avions l’habitude d’aller chercher de la nourriture pour eux quelque part aux Pays-Bas. Il y avait deux Allemands dans le camion pour le chargement et un garde qui les surveillait à l’arrière. Après quelques voyages, j’ai pris l’habitude de monter à l’avant avec eux. Ils étaient comme nous. Ils se battaient plus ou moins pour leur pays. C’était la réalité. Je me suis alors porté volontaire pour rentrer chez moi par le Pacifique.