Project Mémoire

James Gunn (source primaire)

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James Gunn
James Gunn
La transcription en français n’est pas disponible en ce moment. Veuillez consulter la transcription en anglais.
James Gunn

Transcription

L’endroit par où les Chinois sont entrés sur la colline pour accéder à la zone du peloton A se trouvait tout juste entre la tranchée dont nous avions pris possession et les Sud-Coréens. Alors les Chinois attaquaient, en montant la colline. Nous avons lancé les grenades que nous avions, nous les avons lancées par-dessus la colline. Nous pouvions les entendre, ils étaient assez proches. Alors nous nous sommes débarrassés des grenades et nous n’avions plus rien d’autre. Ensuite, ils sont arrivés avec… Lorsqu’ils attaquaient, ils arrivaient avec leur propre artillerie. Alors ils sont arrivés avec leur propre artillerie, en montant la colline. C’était très intense. Alors nous sommes descendus au fond de notre tranchée. Ils sont arrivés au sommet de la colline et ont commencé à courir partout dans les tranchées et à tirer au passage dans les tranchées de tir. Et nous nous trouvions dans un coin. McConnell était à l’intérieur, j’étais à l’extérieur. Et lorsqu’ils ont commencé à courir, j’ai pris le .45 [pistolet de calibre], je crois qu’il me restait sept cartouches. C’est tout ce que j’avais. J’ai tiré sur eux par l’ouverture alors qu’ils passaient. J’en ai probablement atteint quelques-uns. Je ne suis pas certain parce qu’ils les ont simplement retirés de là, ou ils les ont déplacés ou placés sur le bord, parce qu’ils ramenaient toujours leurs hommes lorsqu’ils avaient terminé. Et donc ils ont continué.

J’ai baissé ma main et l’ai relevée et elle était complètement couverte de sang. Je savais que McConnell… en fait, je croyais avoir été atteint. C’était très chaud. Et j’ai mis ma main sur sa jambe, et il saignait abondamment, et j’ai su que c’était lui qui était touché, et pas moi. Alors au moment où je commençais à me lever sur mes genoux pour prendre un pansement de combat, ils ont lancé une grenade incapacitante dans la tranchée. Et je me souviens que tout est devenu noir, et tout résonnait dans mes oreilles, et je me suis levé, et quand j’ai réussi à voir, il y avait environ cinq Chinois dans la tranchée avec moi. Je n’ai pas… à ce moment-là, nous n’avions plus de munitions et je n’avais même pas d’armes. Alors j’avais cinq Chinois se tenant debout là avec une mitraillette [pistolet-mitrailleurPPSh-41], tous avaient des mitraillettes qui tirent 750 à 800 coups par minute, et ils se tenaient là, alors je n’avais pas vraiment de choix. Ils sont allés vers McConnell et ils lui donnaient des petits coups, et je n’arrêtais pas de dire: « Il est mort, il est mort, il est mort. » Je ne sais pas si l’un d’eux comprenait. Alors ils l’ont laissé tranquille et ont commencé à me faire sortir de la tranchée avec leurs mitraillettes, en me poussant et me faisant aller vers la droite à l’endroit où ils étaient entrés sur la colline. Et dans cette position… Je crois que la manière dont ils étaient organisés, c’est qu’ils avaient une équipe qui était les brancardiers. Ils avaient une équipe qui s’occupait de sortir les prisonniers, et une équipe pour enlever les barbelés, et ils avaient une équipe qui faisait exploser les bunkers et les installations sur la colline. Et c’est comme ça qu’ils travaillaient. Ils étaient très bien organisés. Les Chinois ne partaient pas en congé, ils n’étaient pas remplacés chaque année. Ces gars étaient des soldats chinois chevronnés qui savaient ce qu’ils faisaient, et ils faisaient leur travail et ensuite ils partaient.

De cette position où ils m’ont fait descendre de la colline, en fait ils ne faisaient que sortir leurs propres hommes qui étaient blessés ou morts ou peu importe de la colline, ils les rapatriaient. Nous avons dû traverser une vallée qui était assez large. À ce moment-là, notre propre artillerie, Ed Hollyer, lieutenant Ed Hollyer, avait appelé l’artillerie sur notre propre position. Il a reçu la Croix militaire pour cela et lorsqu’il a appelé l’artillerie, c’est tombé sur nous également. Nous avons commencé à traverser la vallée, et ils continuaient à tirer, l’artillerie continuait à tirer. Les Chinois, lorsqu’un obus explosait, ils se dirigeaient vers lui. Et lorsqu’un autre tombait, ils allaient dans sa direction, et c’est ainsi qu’ils traversaient la vallée. Elle était assez large. J’ai marché sur un éclat d’obus en traversant la vallée. Il a percé la semelle de ma botte. Nous continuions à avancer. Je n’ai réalisé cela qu’une fois rendu à la colline, parce que quand vous avez de l’artillerie qui tombe partout autour de vous, vous êtes assez terrifié et vous bougez, vous ne vous arrêtez pas, vous continuez à avancer. Et j’avais ces cinq Chinois qui me poussaient par-derrière.

Nous sommes arrivés à la colline et avons commencé à monter leur colline et à environ trois quarts du chemin, la moitié ou le trois quarts, je suppose, on a entendu qu’il y avait une mitrailleuse sur lignes fixes qui volait dans la Compagnie Charlie. C’est le trou par lequel ils nous ont fait entrer, dans leur colline. Nous sommes entrés par là. C’était toute une organisation. Ils avaient installé des mitraillettes de calibre.30, et nous sommes entrés dans la colline et nous avons commencé à descendre et descendre. Et nous sommes entrés dans des grottes qui étaient aussi larges que cette pièce. Vous auriez pu conduire une Jeep dans ces grottes, et dans certains cas, il y avait des pièces dans ces grottes où des gens se reposaient ou attendaient de partir en patrouille, ou quelque chose du genre. Ils nous ont emmenés dans une section où ils nous ont gardés. À ce moment-là, d’autres nous ont rejoints, d’autres hommes qui avaient été capturés. Sept Canadiens avaient été capturés cette nuit-là, et quatre Coréens, des Sud-Coréens, avaient également été capturés. Ils nous ont envoyé un soldat coréen qui, je suppose, était probablement un agent de liaison auprès des forces chinoises. Et il a essayé de nous interroger. Son anglais était terrible, et il avait l’air méchant, laissez-moi vous le dire. Mais tout le monde hochait simplement la tête. Personne ne répondait. Nous sommes restés là pendant deux nuits peut-être, ils nous ont gardés là. Et ils ont commencé à nous déplacer plus vers l’arrière. Ils nous déplaçaient, ils commençaient à nous bouger à la dernière lueur pendant deux ou trois heures, et ils nous installaient ensuite dans une hutte ou dans ce qui était disponible, et nous dormions pendant quelques heures, et ils nous déplaçaient encore après la dernière lueur pendant quelques heures.

Nous dormions sur une couverture à même le plancher. Tout le monde avait la dysenterie. Nous mangions la même chose qu’ils mangeaient. Nous ne mangions de la viande que très rarement. Nous avions du riz, qu’ils appelaient « mun-do ». Et c’est tout. Vers la fin, je suppose qu’ils le savaient, vous savez, la guerre s’est terminée le 27 juillet [1953]. Nous avons été rapatriés le 27 août ou le 28 je crois, un mois plus tard. Alors ils savaient que la guerre était finie. Ils ne nous l’ont jamais dit. Mais nous avons remarqué que nous commencions à recevoir de la viande et certains trucs. Les choses ont commencé à s’améliorer un peu, et ils ont même commencé une revue des malades. Si nous n’étions pas bien, ils nous envoyaient voir un gars qui nous donnait une pilule noire ou une pilule blanche. Je ne sais pas si c’était la même chose. Je ne sais pas vraiment ce que c’était. Mais nous sentions que ça se rapprochait, vous savez. Et un matin, nous nous sommes levés et il y avait des camions partout sur les routes, et ils nous ont embarqués, et nous ont emmenés à Panmunjom.

Ils nous ont libérés sur ce qu’ils appelaient le « pont de non retour ». Je suis allé sur ce pont encore en 2008 parce que je suis allé en Corée pour représenter mon régiment. Alors nous avons traversé ce pont et avons été accueillis. Ce qu’ils faisaient lorsque nous sommes arrivés dans ce camp, dans cette région en formation, c’est qu’ils rapatriaient 400 Américains et 150 du Commonwealth chaque jour, je crois. Ils les divisaient par pays. Alors nous avons été rapatriés avec 150 du Commonwealth, des Canadiens, des Britanniques, et des Australiens. Ce que j’ai trouvé le plus troublant, c’est qu’ils avaient des agents du Corps de renseignement, de jeunes officiers qui nous interrogeaient et qui remettaient notre loyauté en question, en fait. Avions-nous essayé de nous échapper ? Avions-nous fait cela ? Des questions vraiment stupides. Vous êtes un anglophone blanc qui vit dans un pays qui n’a rien d’autre que des montagnes, pour l’amour de Dieu. Je ne sais pas à quelle distance au nord nous nous trouvions, peut-être quelques miles. Vos chances de vous échapper n’étaient pas… en fait, je ne connais personne qui se soit échappé du camp. Je crois que personne ne l’a fait. Mais ces questions étaient ridicules. On s’est fait demander: « Que leur avez-vous dit ? Qu’avez-vous fait ? » Plusieurs gars étaient assez irrités en raison de cela.