Project Mémoire

James Walter Keith

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

L'Institut Historica-Dominion
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J. Walter Keith au Ramada Inn et Golf Dome, Saskatoon, Saskatchewan, le 5 juin 2010.
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J. Walter Keith
J. Walter Keith
Livret d'indanterie, Peloton No. 16, Compagnie "D", Regiment The Regina Rifle, avec des pages ouvertes au 6 mars 1945. Le Lieutenant J. Walker Keith, officier commandant du peloton No. 16, a transporté ce livret dans la poche de sa tunique ce jour là.
J. Walter Keith
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J. Walter Keith dans l'uniforme du Corps Royal Canadien de SIgnals, été 1941.
J. Walter Keith
« On nous instruisait toujours de tirer à hauteur d’homme, jamais de haut en bas. Il a donc fait une erreur fondamentale en montant là-dessus. Il a reçu une balle allemande en plein front. C’était la première fois qu’un soldat était tué sous mes yeux. »

Pendant l’été 1944, il y a eu d’horribles pertes humaines en Normandie, pire que pendant la Première Guerre mondiale en fait, les pertes par bataillon, par mois. Par conséquent, ils manquaient de renforts et ils ont involontairement transféré beaucoup d’officiers et tous les rangs de l’artillerie. Moins du Corps blindé [royal canadien], aucun des transmissions [Corps royal canadien des transmissions], ils les ont transférés dans l’infanterie. Ils demandaient des volontaires et je me suis porté volontaire. Pas parce que je voulais être un héros [rires] mais parce que je détestais les transmissions. [Rires]

Il semble qu’il y a eu une conspiration pour que je ne puisse pas aller au combat. Il a dû y en avoir une. Une puissance supérieure qui a tout fait pour que je ne puisse pas aller là-bas. J’ai rencontré deux gars avec qui je suis devenu copain pendant un cours de chef subalterne. L’un d’entre eux était aussi dans les transmissions. C’était Jimmy Webster, de l’Ontario. Après le cours, je ne l’ai plus revu. C’est quelque chose que je regrette beaucoup parce que j’aimais bien Jimmy. C’était un bon gars. Il était dans le [régiment] Regina Rifles en fait.

Je restais là à ne rien faire, et ne rien faire et ne rien faire et on ne m’incorporait toujours pas, alors j’ai perdu patience et je suis allé me montrer au commandant de l’unité de renfort et il se trouve que c’était [le Lieutenant-colonel] Foster [M.] Matheson, « Black Bess ». [Rires] Un homme merveilleux. Je me suis plaint amèrement d’avoir à rester à Aldershot [Angleterre] sans rien faire alors il a pleuré sur mon épaule parce qu’on l’avait fait retourner et on a pleuré en chœur, mais il a réussi à me faire incorporer.

C’était comme revenir chez moi parce que c’était une bande de la Saskatchewan. La plupart des gars venaient de la Saskatchewan. La plupart des gars des transmissions venaient de l’Ontario et il y avait pas mal de bonnes têtes parmi eux, mais ça c’était des gars de la Saskatchewan et c’était comme revenir chez moi.

Donc j’ai eu la section [n°] 16. Mon entrée dans la section [n°] 16 s’est vraiment bien passée. Tout d’abord, le sergent de la section était Tommy Tomlinson, Sergent Tomlinson, il avait fait le débarquement le Jour J, il était passé par tout sans jamais avoir été blessé et jusqu’au bout, il est resté un merveilleux soldat, du sang-froid pendant les combats et vraiment un sacré bon chef. Et je pensais qu’il allait m’en vouloir, vous voyez. Le lieutenant sans expérience, sans même un entraînement dans l’infanterie, qui vient pour reprendre le commandement de sa section parce qu’il l’avait commandée pendant deux semaines. Il était dans les Moyland Woods, qu’il avait commandés avant ça. Et il a dit : « Dieu que je suis content de vous voir » et je lui ai demandé ce qu’il voulait dire par là et il m’a répondu : « Et bien, j’aimerais avoir un officier ». [Rires]

On est entré dans Emmerich et j’ai perdu un autre gamin, tué. On est entrés dans le bâtiment d’une usine. Et bien, en allant dans le bâtiment de l’usine, c’était ma première attaque, ma première véritable attaque. Je voulais mener la section à l’intérieur. Donc, on était assis sous la bouche de ce canon anti-char de 17 livres [artillerie à tir rapide] et Dick Roberts me fait passer les ordres. Il savait ce que j’avais prévu de faire. Alors il me dit, « envoyez d’abord une section à l’intérieur. » Alors je lui ai répondu que non, ce n’était pas ce que j’allais faire, j’allais mener la section à l’intérieur. Il m’appelait M. Keith et il commençait à s’impatienter avec moi. Il m’a dit : « M. Keith c’est un ordre direct, vous allez d’abord envoyer une section à l’intérieur ». En douce, je me disais [rires] « vous êtes un… » mais j’ai d’abord envoyé une section. Ils ont traversé la rue en courant et j’ai fait traverser le reste de la section jusqu’à ce bâtiment. Les Allemands mitraillaient l’endroit avec des [Maschinenpistole 40] Schmeisser [mitraillette], comment est-ce qu’ils les appelaient machine pistols, ils criblaient l’air de balles avec ça. Alors on a continué, en tirant sans arrêt, l’arme sur la hanche et les balles ricochaient de tous les poteaux en acier qui se trouvaient tout autour de cet endroit. On est allés de l’autre côté, on était dans l’allée et il y avait un autre grand bâtiment là-bas.

Et ce garçon de Dollard, Saskatchewan, je ne me rappelle plus de son nom, carabinier, vraiment un bon garçon. Il a pris sa mitrailleuse Bren [arme automatique légère] et il l’a mis là-dessus, il y avait un entassement de décombres. On nous a toujours appris à tirer autour de nous, pas au-dessus de nous. Il a fait une erreur fondamentale. Il est monté sur ce tas de décombres et un Allemand l’a touché en plein front, tué. C’était mon premier mort. Et c’était assez horrible parce qu’en allant et venant je voyais les cadavres à terre toute la journée. Tommy Tomlinson a couru derrière son abri et a cherché le garçon. J’ai vu sa poitrine monter et retomber avec son dernier souffle. Tommy est sorti en courant et l’a saisi par les talons et l’a traîné à l’intérieur. Le pauvre vieux brancardier a mis du sulfa [poudre antibiotique] sur la plaie du garçon et lui a fait un pansement; le garçon était mort mais il a essayé, vous savez, il se disait qu’il devait faire quelque chose. Il est resté étendu là la plus grande partie de la journée et je devais passer devant lui chaque fois que j’entrais ou sortais du quartier général de la compagnie. C’était vraiment incroyable, quelqu’un a dû veiller sur moi.