Project Mémoire

Jean-Paul Bertrand

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Jean-Paul Bertrand
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Jean-Paul Bertrand aux Pays-Bas, 1944.
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Souper au Quai d'Orsay, Paris, France, pour la fin de la guerre, 1945.
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Jean-Paul Bertrand debout à droite au 1er rang, Petawawa, Ontario, le 3 octobre 1944.
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Jean-Paul Bertrand en charge de l'étable des chevaux, 1944.
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Jean-Paul Betrand
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Exemple de Deutsche Mark utilisés pour acheter des provisions alors qu'il stationnait en Allemagne pendant l'occupation, 1944.
Jean-Paul Betrand
Ils y avaient des places on ne pouvait plus, où il y avait des milliers de V-2, tous berdassés.

À 19 ans, puis après avoir eu mes 20 ans, j'ai eu mon appel de mobilisation. Je me suis présenté, j'ai été à Longueuil qui était Montréal-Sud à l'époque, de l'autre bord du pont Jacques-Cartier. Et puis j'ai rentré dans l'artillerie. Je vais vous dire pourquoi j'ai rentré dans l'artillerie : parce que j'ai travaillé avec des vétérans de 1914-1918 puis on travaillait avant ça dans la construction aussi. On avait bien de la misère là, le boss s'est mis à pelleter de la « garnotte » (pierre concassée), du ¾ de pouce avec une pèle numéro 4 en arrière du mixeur. Il avait une épaule d'argent, il avait eu du shrapnel (éclats d’obus) en '14 – '18 puis il avait une jambe qui avait été fracturée. Ça fait qu'il m'a dit, toi qui aime les chevaux là, il dit, pourquoi est-ce que que tu irais dans l'infanterie, dans l'armée ? Il dit, va donc dans l'artillerie, il dit, tu vas être bien, tu vas être en arrière des lignes. Il dit, tu va coucher chez les paysans. Ça fait que quand j'ai été appelé, j'ai demandé, j'ai passé mon test et puis j'étais bon pour l'artillerie. C'est pour ça que j'étais un des derniers artilleurs qui a été avec le [Royal Canadian] Horse Artillery à Petawawa. Les chevaux, il y avait une grosse montagne de charbon et l'hiver on distribuait le charbon. On distribuait le ravitaillement pour, je ne m'en souviens plus combien de cuisines - il y avait de tout. On ramassait le « swill » (la pâtée) qu'on vendait aux habitants de Mattawa. Ils venaient chercher ça, ils faisaient bouillir ça dans des conteneurs de bois. Il y avait des « boilers » (chaudières). Et puis en hiver on coupait de la glace sur la rivière, et on distribuait la glace pour les glacières. Quand ils se sont débarrassés des chevaux, ils m'ont envoyé directement en Angleterre.

Quand je suis arrivé en Belgique, ils sont venus me chercher. Ils m'ont ramené dans une «reinforcement unit » (unité de renfort). Ils m'ont amené dans le 5e Régiment de Campagne de l'artillerie [5th Field Regiment Artillery]. J'ai fait quatre mois à peu près de campagne en Hollande et puis après on a traversé le Rhin, on a été en Allemagne. Ils nous avaient avertis, ça va être dangereux, il y a les SS [Schutzstaffel], les choses, les Hitlerjugend [la jeunesse hitlérienne] en Allemagne. Ils ne se donneront pas. Tout le contraire, parce qu'on avait fait un «sweeping » (balayage) avant de traverser. On avait fait au-dessus de cinq milles canons et mortiers, un «sweeping». Et là, ça a bien été. Ils étaient tous camarades quand on rentrait puis je suis allé …avec des fusils. Les camarades se donnaient prisonniers. On a eu des quantités de prisonniers jusqu'au « ceasefire » (cessez-le-feu) qui était le 8 de mai, en 1945. Après ça, on a fait l'armée d'occupation. Je suis parti de la 2e Division, 5e Field. Et puis ils m'ont transféré dans le «second third div », la seconde 3e division [2/3e division de la Force d’occupation de l’armée canadienne] avec les patches [insignes] gris avec un petit bar en dessous. La première division avait juste un patch. On faisait de l'occupation. On faisait des sweeping, on ramassait les SS. Ils nous prenaient quasiment comme pour les libérés parce que les SS les descendaient. Les SS n'étaient pas au front line (sur la ligne de front); ils étaient en arrière puis ils les descendaient. Pendant un bout, les Américains avaient beaucoup bombardé, surtout les [missiles allemands] V-2. Ils y avaient des places on ne pouvait plus, où il y avait des milliers de V-2, tous berdassés. Puis à des places où on ne pouvait plus avancer, les Allemands, les vieillards, les femmes, on leur disait [en allemand], Warum du viel arbeit [Pourquoi vous travaillez beaucoup?] Elle dit, Nicht viel arbeit [pas beaucoup travail] - Elle dit, Ruski, Ruski! Elle m'a montré; ils avaient peur des Russes. Puis ils nous déblayaient la route pour qu'on aille les arrêter. On a délivré les camps de travaillants russes. Quand j'ai traversé, j'étais 14 jours de traverse, 8 jours de tempête, c'était dur. On avait toujours peur de se faire torpiller, on avait toujours une ceinture de sauvetage avec une lumière pris après nos épaulettes, une petite lumière pour qu’ils puissent nous récupérer dans la nuit, avec des batteries dans nos poches. Et notre gourde à eau bien entendu parce que l'eau salée ça ne se boit pas. Quand on est revenu, la traversée a été bien belle. Au lieu de 24 heures par jour, je pense qu'on avait 25-26 heures par rapport à la hauteur. Et lors du « Welcome Home Canada » quand on est arrivé, on était content.