Project Mémoire

Jean-Paul Lalonde

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

M. Jean-Paul Lalonde est un vétéran de la Deuxième Guerre mondiale qui fut déployé outre-mer comme bombardier avec l'Escadron 432 (Leaside) en 1944-1945.
Jean-Paul Lalonde
Jean-Paul Lalonde
Des membres de l'Escadron 432 (Leaside) en Angleterre, 1944-1945.
Jean-Paul Lalonde
Jean-Paul Lalonde
Jean-Paul Lalonde
Du personnel de l'Escadron 432 posant avec un bombardier Halifax en Angleterre, 1944-1945.
Jean-Paul Lalonde
Jean-Paul Lalonde
Jean-Paul Lalonde
Extrait du carnet de vol de Jean-Paul Lalonde daté de mars 1945.
Jean-Paul Lalonde
Quand on bombardait, il fallait que ce soit exact. Quand il nous disait de bombarder à deux heures trente-cinq la nuit, ce n’était pas à deux heures trente-trois ou deux trente-huit. Il fallait être là. C’est pour ça que moi et le navigateur on travaillait de pair puis il fallait absolument être là à l’heure précise pour bombarder. La raison pour ça, c’est que quand vous avez trois ou quatre cents avions, vous ne pouvez pas aller sur la cible en même temps.

Ça prenait 120 points. Quand on allait au-dessus de la France, c’était trois points parce que c’était moins dangereux. Quand tu allais au-dessus de l’Allemagne, c’était quatre points. Quand on avait cent vingt points, ça veut dire qu’on avait fini notre tour d’opération.

Voyez-vous, au mois de mars (1945), presque qu’à la fin de la guerre, l’Allemagne était à genoux. Comme ça, je crois qu’on a perdu seulement quatre ou cinq avions sur 1,100. Mais le fait qu’on était tellement nombreux là... Les Allemands, leurs défenses ne pouvaient pas nous atteindre. Aussitôt qu’on montait au-dessus de 10,000 pieds, il fallait mettre nos masques à air naturellement. Au point de vue technique, il y avait seulement une bouffée d’air qui nous arrivait tout le dix secondes. Si on ne respirait pas en même temps, on pouvait venir à perdre la mémoire. On nous disait, au cas où vous manquiez trop d’air, regardez vos ongles, car vos doigts vont devenir violets, ça veut dire que vous n’avez pas assez d’air. Il faut prendre de plus grandes respirations dans le masque.

Moi puis le navigateur, étant le bombardier, on était dans le nez de l’avion. Je me dis des fois que c’est ça qui m’a sauvé de la guerre moi là. Vous savez, il y a eu beaucoup de post-traumatisme pour les soldats. Les mitrailleurs, eux, voyaient tout ce qui se passait. Les mille avions, pas mille disons, mais les trois ou quatre cents avions puis moi dans le nez avec un aviateur, on ne voyait rien, rien. Moi, j’ai vu la guerre seulement quand j’étais prêt à bombarder. Ma responsabilité en tant que navigateur c’était de m’occuper du radar, « East, West… », le « G-Box » ça, ça nous donnait ce qu’on appelait un « fixe ». On avait de grandes cartes. J’ai laissé ça ici. Je ne sais pas si vous avez vu ça. Le navigateur, lui, le fixe qu’on lui donnait c’était ça et là il pouvait calculer la distance et la vitesse à laquelle on allait.

Quand on bombardait, il fallait que ce soit exact. Quand il nous disait de bombarder à deux heures trente-cinq la nuit, ce n’était pas à deux heures trente-trois ou deux trente-huit. Il fallait être là. C’est pour ça que moi et le navigateur on travaillait de pair puis il fallait absolument être là à l’heure précise pour bombarder. La raison pour ça, c’est que quand vous avez trois ou quatre cents avions, vous ne pouvez pas aller sur la cible en même temps. C’était tout par vague. Il y en a une que c’était deux (heures) vingt-cinq, l’autre deux (heures) vingt-sept, deux (heures) vingt-neuf, deux (heures) trente et un. Comme ça, on bombardait tout par cycle.

Une fois qu’il était pour y avoir un bombardement, il y avait sur la station (la base aérienne)… tout était… personne n’avait le droit de téléphoner, personne. Ils avaient peur que si les téléphones avaient fonctionné, les Allemands aient pu entendre ça. Comme ça, il fallait se protéger, comme ça tout était « silent » (consigne de silence). On ne pouvait pas parler du tout. Puis même les équipages de terre ne savaient pas où on allait. C’était tellement secret. Mais ils avaient une idée, si on avait seize bombes de 500 livres, ça voulait dire qu’on allait dans un endroit pas trop pire. Mais si on avait moins de bombes, ça veut dire qu’on allait beaucoup plus loin. On allait plus loin alors ça prenait plus de gazoline.

Pour déjouer les Allemands aussi, quand on arrivait de nuit à trois heures du matin, ce n’est pas comme à Montréal et à Toronto avec toutes les lumières allumées partout. C’était la noirceur totale. Pour déjouer les Allemands, si (les bombardiers) s’adonnaient à passer au-dessus, à moins qu’ils soient en ligne avec la piste (d’atterrissage) ce soir-là... Quand on atterrit à cause des vents ça change. La direction du vent. C’est seulement quand on atterrissait que les petites lumières étaient à quarante-cinq degrés. Comme ça, il fallait être en ligne directement, sans ça on pouvait voler au-dessus de plusieurs endroits et personne ne savait qu’on était au-dessus de (…) qui était notre base.