On s’est retrouvés en Écosse et on est partis en train. On est descendus à Londres et ensuite jusqu’à Bournemouth, il y avait une grande unité de dépôt là-bas (M. Adams était mitrailleur dans le 88e escadron de la RAF). Et on m’a mis avec l’équipage et envoyé dans une OTU (Unité d’entrainement d’observation) en Grande-Bretagne. Et on a fait une OTU avec notre équipage et on volait sur des Hudson (le Hudson Lookhead A-29, un bombardier léger américain) et ensuite on est partis dans une autre unité d’entrainement qui avait des Boston (le Douglas A-20/DB-7 Havoc, un bombardier léger américain) et des Mitchell (le Mitchell nord-américain, un bombardier moyen américain) et on a passé un moment là-bas à apprendre comment voler en formation de six, ce qui était notre habitude pour tous les vols qui allaient bombarder l’Allemagne, la France, la Belgique et la Hollande et tous les endroits où notre escadron avait pour mission de bombarder les dépôts de rails, les ponts et les usines quand on savait qu’elles fabriquaient des roulements à billes ou des canons ou quoi que ce soit d’autre. Alors la plupart de nos cibles étaient basées sur la poursuite de ces cibles là.
Alors c’est ce que j’ai fait au cours de mes 43 vols, c’était, chaque fois qu’on volait, on s’en prenait à des ponts, on s’occupait des ponts aux passages à niveau, ponts au passage routier, partout où les Allemands apportaient du ravitaillement dans la région du jour J ou toute possibilité qu’ils avaient d’être repoussés, on les empêchait de s’enfuir par le train ou par la route. Donc c’était l’opération principale de notre escadron, c’était de nous occuper de ce genre de cibles, pour empêcher les Allemands de se replier.
Et puis on a fait quelques vols là où les chars Tigre (le Panzerkampfwagen Tigre Ausf E, un char allemand également connu sous le nom de Tigre I), ils avaient des canons de 88mm dessus et ils pouvaient détruire nos chars à la pelle. Alors on y allait, là où ils savaient que les chars se trouvaient dans la forêt, en train d’attendre pour lancer un raid sur les équipes au sol alliées, des gars de l’armée, on y allait et on bombardait ces buissons pour démolir ces chars si c’était possible. C’était plutôt intéressant, et ils tournaient juste leurs gros canons de 88mm, les chars Tigre qui avaient des canons antiaériens, ils tiraient sur nous. Alors on s’est faits pas mal arroser. Malheureusement, on a été touchés un certain nombre de fois, mais rien d’assez sérieux pour mettre en péril l’opération et sortir de là. Il arrivait parfois qu’on ait 23, 24 trous dans le fuselage, mais jamais à un endroit qui aurait supprimé notre puissance normale de vol. Alors on a eu beaucoup de chance de ce côté là.
Et c’était l’opération en principe et on opérait depuis l’Angleterre. Bon ensuite, quand l’armée de terre a réussi à capturer des aérodromes en France, on nous a transférés parce qu’on avait des bombardiers bimoteurs, on nous a transférés dans ces aérodromes qui étaient avant des aérodromes allemands sur le sol français (en octobre 1944) et ensuite on a opéré depuis la France, pour les bombardements en Hollande, en Belgique et en Allemagne et ces vols ne duraient que deux heures et demie pour arriver jusqu’à ces cibles alors qu’il fallait faire tout le chemin depuis l’Angleterre pour les atteindre. C’était très rapide et bang, bang, bang. Et on faisait deux à trois vols par jour. Alors ça aidait bien l’armée de terre qu’on puisse bombarder ces régions où les Allemands attendaient en préparant l’attaque, l’attaque allemande qui venait d’Allemagne, ils mettaient en place toutes sortes de chars sur les lignes de chemin de fer, tout, grande puissance. Ils savaient qu’il fallait qu’ils nous arrêtent après le jour J (invasion de Normandie le 6 juin 1944), on est arrivés en France, ils savaient qu’il fallait qu’ils y mettent toute la gomme.
Et l’un des événements très importants c’est que Hitler a décidé d’aller flanquer une raclée aux Russes, alors il lui a fallu envoyer un paquet de soldats là-bas. Alors il a affaibli la puissance dont il disposait pour se battre avec nous. Mais quand ils ont vu qu’il perdait du terrain, il a renvoyé ses gros chars Tigre dans la bataille, pour stopper à nouveau l’avance sur le terrain, alors on a eu pas mal de boulot à cavaler dans ces villes françaises, bombarder les ponts et les lignes de chemin de fer là-bas pour les empêcher de se retirer avec leur matériel. Et ça donnait lieu à des voyages intéressants, croyez-moi. Et les gros Lancaster (Avro Lancaster, un bombardier lourd anglais) et les forts, ils allaient plus loin et ils bombardaient l’Allemagne démolissant tout sur leur passage.