Project Mémoire

Joan Florence Alice "Bobby" Brownson

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Joan Brownson
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Photo montrant comment Joan Brownson et ses camarades vivaient dans les casernes.
Joan Brownson
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Livret de sortie comprenant l'identification et le compte-rendu du service de Joan Brownson, 1947.
Joan Brownson
L'Institut Historica-Dominion
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Joan Brownson en november 2009.
L'Institut Historica-Dominion
Joan Brownson
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Joan Brownson et son amie Elsie à Trafalgar Square, Londres, Angleterre, 1946.
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Livret de paie de Joan Brownson, 1944.
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Mais l’explosion avait détruit la moitié opposée à la notre, au lieu de se diriger sur nous c’était parti de l’autre côté, et nous étions sauvées. Alors on a dit, oh c’est une autre fois où j’y ai échappé, mon heure n’a pas encore sonné.

J’ai arrêté l’école à 14 ans et demi, j’ai fini. Et plutôt que de continuer, j’ai commencé à travailler parce que c’est ce qui se faisait, parce qu’il y avait la guerre. Je travaillais dans une usine de tissage. Ce qu’ils fabriquaient du coton-poudre pour remplir les obus et autres. On passait toutes les nuits dans l’abri à cause des bombardements. Et on est remonté de l’abri et on a vérifié l’état de la maison et ça allait, seulement des vitres cassées. Alors je suis partie au travail et j’ai dû y aller à pied car je ne pouvais prendre mon vélo à cause des rues qui étaient jonchées de pierres de verre et autre. Alors je me suis rendue au travail à pied et quand je suis arrivée, il n’y avait plus rien, juste des décombres. Bon alors, je ne peux pas aller travailler aujourd’hui, alors j’ai fait un tour dans la ville et j’ai trouvé une autre usine qui était en activité et j’ai trouvé du travail là. Et ce genre de choses est arrivé plusieurs fois et on perdait notre travail à cause des bombardements.

J’avais deux sœurs. J’étais l’aînée. Et on avait l’habitude d’aller jusqu’au bout de la rue, il y avait le cinéma, pour voir des films, vous savez. Et on était assises là et le panneau s’allumait, « les sirènes sont en marche », ça voulait dire : il y a un raid aérien. Et on restait assises tranquillement et un autre panneau s’allumait et annonçait « les bombardiers arrivent », et on restait assises et le suivant disait « on ferme, allez-vous en » (rires) Et on, on sortait en courant, on descendait la rue en trombe, et mon père arpentait les rues à notre recherche. Et on descendait tout droit dans l’abri et il nous disputait, vous savez. Mais, il était coordinateur de raid aérien et son travail c’était de rechercher les gens et d’aider pendant les bombardements.

Il y avait de nombreux clubs pour la jeunesse dans le coin. On avait l’habitude d’aller à la maison des jeunes, où on avait des activités organisées pour les ados et on dansait, des choses comme ça. Et un soir, on était à peu près cinq ou six garçons et filles et on sortait toujours ensemble. On avait quinze seize ans à cette époque. Et on allait un peu partout pour danser. Et puis un soir, mon amie Betty a dit, ce soir je ne peux pas parce que j’ai un baby-sitting. Alors je lui ai répondu, je reste avec toi. Et je suis restée avec elle, et pendant qu’ils étaient en chemin pour se rendre à la soirée dansante, une bombe leur est tombée dessus et ils ont tous sauté. Et alors on s’est dit, notre dernière heure n’est pas encore arrivée.

Quand j’ai commencé dans l’armée, on devait nous faire des piqures, vous savez, des vaccins et des choses comme ça. J’ai fait une mauvaise réaction à l’un des vaccins, et j’ai eu beaucoup de fièvre. Alors on m’a mise à l’hôpital, en fait c’était juste une baraque Nissen [en tôle galvanisée] au milieu du camp. Une espèce de tente à l’envers en tôle ondulée. Et j’étais là toute seule avec une infirmière, et les bombes volantes vrombissaient au dessus de nous. J’étais étendue là avec une fièvre de cheval et on a entendu une bombe volante qui arrivait, et l’infirmière est entrée en courant et elle a jeté trois ou quatre couvertures sur moi pour me recouvrir, et ensuite elle s’est glissée sous le lit et on est resté là à écouter les bombes et tout à coup, le bruit s’est arrêté et il y en a une qui est tombée et ça a coupé la tente en deux. Et on a entendu cet énorme boom et puis l’infirmière s’est relevée et a enlevé les couvertures que j’avais sur moi et on était là allongées, j’étais allongée dans le lit et je regardais le ciel, il n’y avait plus rien au dessus de ma tête. Mais l’explosion avait détruit la moitié opposée à la notre, au lieu de se diriger sur nous c’était parti de l’autre côté, et nous étions sauvées. Alors on a dit, oh c’est une autre fois où j’y ai échappé, mon heure n’a pas encore sonné.

On m’a envoyé un peu plus loin au sud en direction de la côte en Angleterre et on était dans un bunker, sous terre. C’est un très grand champ et il y avait une ouverture là dedans et quand vous entriez il fallait descendre, vous étiez dans un grand bunker et il y avait de longues tables avec une barre horizontale sur la table. Et les tables étaient toutes renforcées avec des sac de sable comme pour en faire des cavernes, comme si c’était seulement de toutes petites choses. Je devais me glisser entre ces sacs et j’étais toute seule dans ce trou minuscule. Et on mettait des obus d’une quinzaine de kilo sur la table qu’on devait remplir avec trois sacs de cordite chacun et ensuite on mettait le couvercle sur le fond, deux ou trois tours et puis on les envoyaient. Et en fait c’était très dangereux mais on n’avait pas vraiment conscience du danger. On a fait ça pendant quelques temps et ensuite ce fut le jour J et tous les hommes qui étaient dans les camps ont été envoyés outre-mer.

Et puis on m’a transférée dans un autre endroit près de Nottingham qui était un petit peu plus haut dans la campagne. Et je ne sais pas si vous savez que le jour J n’a pas été une grande réussite. Les allemands attendaient les bateaux à leur arrivée là-bas, de l’autre côté de la Manche, et beaucoup d’entre eux ne sont pas arrivés à destination. Et de nombreux bateaux et navires ont dû faire demi-tour avec les obus encore à leur bord. Alors il a fallu les prendre et les nettoyer dans des bains d’acide dans cette autre usine. Et c’était un travail épouvantable, je n’aimais pas ça du tout. Ca a duré quelques temps et après ça, on m’a rendu à la vie civile. Je n’ai pas beaucoup aimé ça parce que je voulais rester mais j’avais un grave problème d’audition. L’officier médecin là-bas a dit que si je m’engageais, je devrais signer une décharge et je ne voulais vraiment pas faire ça alors j’ai reçu ma démobilisation et suis rentré chez moi. Et la vie a repris son cours après ça. J’ai rencontré mon mari et nous nous sommes mariés et nous avons eu deux enfants et sommes venus au Canada.

Quand on est adolescent on n’a vraiment pas conscience du danger, si vous voyez ce que je veux dire. Et même quand j’étais dans l’armée, que je remplissais ces obus, notre sergent a perdu une main dans un accident. Et, ça ne nous avait pas inquiétés plus que ça. Mais je sais que ce sont les parents eux qui ont beaucoup souffert je pense.