Project Mémoire

Joe Lamarsh Hickson

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Joe Hickson
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Heligoland, Allemagne, dévasté par les bombardements.
Joe Hickson
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Joe Hickson dans la tourelle, Escadron 420, Halifax III, 1944-45.
Joe Hickson
L'Institut Historica-Dominion
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Joe Hickson, janvier 2010.
L'Institut Historica-Dominion
Joe Hickson
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Photo de l'équipage. Joe Hickson est le premier à gauche.
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Bombardier Halifax No.3, Angleterre, 1944.
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« Vous devez vous mettre en position de crash. Il a donc légèrement fait descendre l’appareil, mais sans pouvoir trouver l’eau. Puis il a ouvert les phares pour se poser et a finalement lancé : ‘’Allez, je vois l’eau, que tout le monde se prépare à plonger !’’ »

« Bon, on y est, enclenche le signal de détresse. » Et puis je dis : « Tu laisses la place et tu te mets en position de sécurité. » Bon, il est descendu un petit peu, pouvait pas trouver l’eau, et il a allumé ses lumières pour atterrir. Finalement il dit : « Bon, je vois l’eau. Allez, tout le monde, on y va. » Et en l’espace de une demi à une minute, pas plus que ça, on a touché l’eau. Et j’étais en position de sécurité juste derrière le longeron principal de l’aile avec mon dos appuyé contre. On est entré en contact avec l’eau et il y avait un trou pour l’inspection des bombes entre mes jambes, comme les portes des soutes à bombes étaient ouvertes, l’eau a jailli à l’intérieur et c’était comme une lance à incendie entre mes jambes. Il y a eu une immense vague d’eau qui m’a submergé et puis je suis tombé dans les pommes. Je ne pouvais pas comprendre ça, après m’être réveillé, mais quand je suis revenu à moi que j’ai vu à nouveau ou repris mes esprits, quoiqu’il en soit, j’ai juste vu les jambes d’un membre d’équipage qui sortaient par la trappe du fond.

Alors je dis : « Je ferais mieux de filer d’ici. » Et j’avais de l’eau jusqu’au dessus de la poitrine, pas encore à la hauteur du menton, mais au dessus de la poitrine. Je me suis dit, il faut que je me bouge. Bon, je me suis grouillé d’aller à l’arrière et de sortir par la trappe et quand je l’ai fait, le canot de sauvetage était sorti, il sort automatiquement de l’aile et on était huit dans l’équipage cette nuit-là et ils étaient tous dans le canot je croyais. Et quand j’ai sauté dehors et il flottait au bord de l’aile et il finissait de se gonfler mais ils étaient dedans. Et je me suis agrippé au côté et quelqu’un a dit : « Bon, le skippeur n’est pas ici. » Bon, je l’ai agrippé et mes doigts de pieds, de là où le canot pneumatique était sorti, je tenais le canot, parce que les vagues passaient par-dessus l’aile et le vent soufflait, des vents forts. Et j’ai regardé et il descendait le long du fuselage en marchant. L’avion flottait, il ne s’est pas écrasé, il a fait un atterrissage parfait avec ou un amerrissage forcé. Il descend et mes doigts de pieds ont sauté, je dis : « Je n’arrive pas à le tenir. » Quelqu’un a hurlé : « Ne t’inquiète pas on va attraper la queue. »

Alors quoiqu’il en soit, mes doigts de pieds sont bien sortis, ils ont attrapé la queue, le skippeur est monté dedans et ensuite on a poussé le canot pour s’éloigner. Le canot ne bougeait pas. Et pendant l’entraînement on nous avait appris que l’avion devait s’enfoncer en l’espace d’une à deux minutes et comme il ne bougeait pas, l’opérateur radio a trouvé un couteau et ces fils ont été coupés et on a dérivé librement. Bon, sur ces fils, ils étaient attachés à notre équipement de survie, qui sortait de l’aile lui aussi, mais ils s’étaient coincés quelque part dans l’avion et si l’avion avait sombré, ils nous auraient entraînés vers le fond avec lui.

Mais on a dérivé sans entrave et on s’est éloigné dans le noir et on a regardé en arrière l’avion, je dirais sans doute cinq minutes plus tard, il flottait toujours. Et ensuite on a regardé encore un peu plus tard et il avait disparu. On a pensé, bon maintenant il nous faut la radio, qui devait être quelque part en train de flotter et le reste de notre équipement de survie. Et on a tiré sur ces cordes, et rien au bout, c’était les cordes qu’on avait coupées. Alors, et puis en quelques minutes, on a tous commencé à avoir le mal de mer à force d’être chahutés de tous les côtés. Parce qu’il y avait des vagues de dix à quinze mètres de haut, des vagues immenses, et on était ballotés de tous les côtés. Et comme on, on commençait à apercevoir les premières lueurs du jour, mais dès que vous leviez la tête, vous recommenciez à avoir le mal de mer alors on est restés tranquillement allongés et on se penchait par-dessus bord, on était assis sur les jambes des uns et des autres. Et on a essayé de vider l’eau dans le canot, mais sans grand succès. Il n’y avait pas d’espace pour la puiser et on n’avait rien pour la recueillir rien d’autre que nos mains.

Mais au fur et à mesure que la matinée progressait, on savait que les secours par mer ou par air allaient partir à notre recherche, alors vers 9 heures j’imagine, on a bel et bien entendu des avions qui cherchaient et on a regardé et on a vu les avions qui volaient bas. On savait qu’ils allaient nous chercher mais comme on était à un ou deux milles de là, impossible qu’ils nous voient. On n’était même pas un petit point dans l’océan, alors ça s’est vite terminé et ensuite toute la journée, je suppose que certains d’entre nous ont dormi ou se sont reposés et plus tard dans l’après-midi, ensuite le soleil brillait, ce qui nous a réchauffés un petit peu et ensuite beaucoup plus tard dans l’après-midi, on s’est repris un petit peu et le skippeur dit : « Bon, vu la situation, on doit faire quelque chose. » Alors on a en quelque sorte formé un carré et on a parlé un peu et on a dit, bon, on ne va pas être secourus aujourd’hui et à rester assis ici, on ferait mieux de, et un vent d’ouest soufflait alors on s’est tous dit que ce serait une bonne idée, il y avait une voile avec cette chose, de monter la voile et d’essayer de naviguer jusque sur la côte des Pays Bas ou Hollande et peut-être y arriver pendant la nuit et ensuite il faudrait échapper aux allemands ou quoique que ce soit d’autre après ça.

Alors on a sorti la voile. Mais maintenant il est tard, c’est la fin de l’après-midi. On a finalement sorti la voile et on l’a mise en place et on a regardé au loin, je suppose que ce serait notre tribord à nouveau, mais ça n’avait pas trop d’importance dans un canot. On venait juste de voir ces avions voler et c’était des Halifax et on les a vu faire demi tour et repartir vers l’ouest. Et on a dit : « Bon, c’est fini pour aujourd’hui. Ils en ont fini avec nous. » Alors on a terminé d’installer la voile. Il y avait un cordage qui manquait, mais on improvisait pour ça. Et j’imagine que dans les cinq à dix minutes plus tard, et puis on a tous regardé en l’air en même temps semble-t-il et voilà qu’il y a ces trois Halifax qui arrivent droit sur nous. Et on a commencé à faire des signes et à hurler aussi je crois, mais crier ça ne servait pas à grand-chose, on le savait. Et quand ils sont arrivés à notre portée pendant qu’ils montaient, les soutes à bombes se sont ouvertes, ils volaient vraiment bas et ils se sont décalés juste un petit peu et les bombes sont sorties. Et quand ils sont passés, c’était des avions de notre escadron, avec l’inscription PT dessus. Donc c’était des gars qu’on connaissait qui avaient reçu la permission de nous rechercher.

Alors bien-sûr on savait. Ils ont refait un tour et ont largué un autre canot pneumatique pour nous et on l’a récupéré. Ils en ont largué deux en fait et il y en a un qu’on a pas pu récupéré mais celui qu’on a eu avait des combinaisons chaudes dedans et notre mitrailleur dorsal, il grelotait de froid et d’humidité, on l’a mis dedans et on lui a fait enfilé une combinaison chaude et ça a un peu calmé ses tremblements. Et les avions tournaient en rond. Et trois Lancaster sont arrivés, et ils ont volé dans le coin et puis un Warwick est arrivé et volaient dans le coin. Et puis ils sont partis et on a pensé oh bigre. Et il fait presque nuit maintenant. Et puis un Hudson arrive et sous le Hudson, ils avaient un canot de sauvetage. Et il a fait deux tours, on a pensé, il va le larguer, et ensuite il a agité ses ailes pour faire un signe et il s’est éloigné et on s’est retrouvés tout seuls. Bon, bigre, notre moral en a pris un coup, on pensait, oh là, c’est fini. Et on a pensé que la mer était trop agitée pour qu’ils larguent ce canot de sauvetage, c’est pourquoi il était parti.

Bon, et bien il se passe quelques minutes, qui nous ont paru durer une éternité, et puis on a vu un petit hydravion amphibie arriver, c’était un Walrus. Il a fait un tour au dessus de nous et il s’est pas mal éloigné et il descend dans la mer. Et il a juste disparu. On a pensé, oh les gars, il est parti. La mer était tellement agitée, on n’a pas pensé qu’il avait la moindre chance d’amerrir. Bon, on a continué à regarder alentour et finalement je suppose qu’il était au sommet d’une vague là où on était et on s’est vus, et il devait être à un mille environ quand il a touché la surface de l’eau. Mais quoiqu’il en soit, il se dirigeait lentement vers nous et finalement est arrivé jusque là. Alors on est tous sortis du canot, et je ne sais pas pourquoi j’étais le deuxième mais je suis sorti. On est rentré par le nez de l’hydravion, parce que c’est un type d’avion pousseur, il a son hélice à l’arrière, alors on est entrés dedans et on a rampé jusqu’au fond, le gars devant moi, il est allé tout au fond et moi j’étais derrière lui et ça fait pas plus de cinquante centimètres carrés là derrière. Et les autres sont arrivés derrière, dans quel ordre je n’en sais rien, mais le skippeur a dû être le dernier à monter. Il était dans l’armée de l’air et dans la marine aussi alors il avait vraiment l’habitude de l’eau.

Alors on était tous là et le Walrus a démarré. Et alors qu’il fait complètement noir à présent il démarre et il avance en haletant en direction de l’Angleterre je suppose, il avance et vous fermez les yeux et vous rêvez, bon, l’air est sec et il fait assez chaud et vous vous sentez plus à l’aise que pendant tout le reste de la journée. Alors vous avez fermer les yeux et tout à coup, le moteur s’emballe un peu et bang, vous heurtez quelque chose, bon sang, qu’est-ce qu’on a touché. Et vous avez le cerveau qui s’emballe. Vous pensez, bon, on a touché une mine ? Non, ça n’a pas explosé. Peut-être un tronc d’arbre ? Des débris ? Bon. Le moteur redémarre, il s’en va, on avance juste un petit peu et bang à nouveau, la même chose qui se reproduit. Votre esprit est toujours, qu’est-ce qu’on a bien pu toucher. Et quelqu’un me tire le pied, alors je commence à sortir à reculons et je donne un petit coup au gars devant moi et on commence à sortir.

Et on est sortis à l’avant de l’avion et ici ce qu’il était en train de faire c’était de monter le régime et il heurtait l’arrière de ce bateau. Or, on pensait que c’était un bateau patrouille mais ce n’en était pas un, il était là, c’était une vedette de sauvetage celles qui passaient une petite semaine en mer du Nord sans rentrer, juste pour les urgences comme la notre. Et on est passé de l’un à l’autre. Tous. Tout le monde a eu une rasade de rhum et on a enlevé nos vêtements humides, enfilé des salopettes bleues marine et on s’est couchés sur des couchettes agréables et chaudes avec une couverture blanche très confortable. De ça je me souviens.