Ensuite, ils ont demandé des volontaires pour l’Extrême-Orient, et moi avec pas mal d’autres Canadiens qui étaient avec nous dans l’escadron, la ARC [Aviation royale du Canada] attachée à la RAF [Royal Air Force], on s’est portés volontaires. Donc, on est partis en mer. On a presque été coulé par un sous-marin sur notre chemin vers l’Afrique du Sud. Ensuite, on est remontés vers l’Inde, environ quatre mois en Inde, puis on a été transférés sur le front de Birmanie [maintenant Myanmar]. J’ai été transféré à Comilla, [dans l’est du Bangladesh] qui était un escadron britannique de la RAF [N°] 62 Transport Command et ils avaient un rôle très important dans les radars. Leur rôle était d’apporter du soutien, du ravitaillement et de l’équipement à de grands groupes de guérillas qui travaillaient derrière les lignes japonaises en Birmanie. Les Japonais contrôlaient les principales villes mais pas les zones rurales et il y avait d’importantes forces de guérillas britanniques, américaines et chinoises. Et quand je dis importantes, je veux dire 1000 à 2000 personnes dans un groupe. Ils étaient entièrement ravitaillés par air grâce à un système de communication par codes et signaux radar. Tout était largué par parachutes. Donc, j’ai été très très impliqué dans ce domaine. Techniquement, je faisais partie du personnel de piste. En pratique, j’ai survolé plusieurs fois en avion divers centres ruraux de Birmanie.
Le premier endroit c’était l’escadron [N°] 62 à Comilla, dans le coin extrême-est de l’Inde, très près de la frontière de la Birmanie et il y avait toute une série de tentes. Tout se trouvait sous une tente. Le terrain d’aviation, je ne pense même pas qu’il était pavé. C’était juste un grand, vaste champ plat où les avions pouvaient atterrir et décoller. Ce n’était pas très sophistiqué. Ensuite quand les Japonais ont lentement été refoulés, en fait ils n’avaient jamais vraiment pénétré en Inde bien qu’ils ont failli le faire à un moment crucial, mais quand ils ont été refoulés, on s’est déplacés plus au sud à un endroit appelé Agartala [Tripura, Inde] et ensuite à Cox’s Bazar, [Bangladesh]. Ça c’était tout, tout au bord et ensuite on est remonté à Imphal, [Manipur, Inde] où les Japonais ont presque fait une percée. Ils étaient dans les collines et ils ont été pris par la mousson et se sont retrouvés sans ravitaillement. Il y avait des cadavres de Japonais dans les collines et les montagnes tout autour de Imphal. C’était des temps extraordinaires.
Un de nos grands plaisirs c’était d’écouter Tokyo Rose. C’était une américano-japonaise qui faisait toute la radiodiffusion de propagande pour le gouvernement japonais en guerre. On était tous assis à l’écouter. Chaque grande tente était équipée d’une radio et on se branchait tous sur Tokyo Rose, on l’écoutait et on se tordait de rire à cause de l’image grotesque qu’elle donnait de toutes les merveilleuses choses que les Japonais faisaient. C’était vraiment absurde.
J’ai pas mal de souvenirs de la fois où on est descendus à Akyab [maintenant Sittwe]. C’est sur la côte birmane, assez loin en bas vers Rangoon [maintenant Yangon]. On a tout construit de nos propres mains, monté toutes les tentes et tout ça nous-mêmes. Tout autour de nous, il y avait des vieux chars japonais calcinés, des avions, des zones de défense japonaises, etc. C’était très, très intéressant. Je me suis toujours rappelé de ça.
Et bon, il y avait beaucoup de souvenirs de ce genre, vous savez, là où nous sommes allés. Je me souviens quand j’étais à Imphal, après l’arrivée de la mousson, les troupes de Japonais abandonnés, ils sont morts parce qu’ils n’ont pas pu être ravitaillées à cause de la mousson et les routes étaient défoncées et tout. À plusieurs occasions, j’ai fait de la marche dans la montagne avec des amis à 2000 pieds [600 m] d’altitude et on trouvait des cadavres de Japonais et des vieux fusils et des armes en train de rouiller parterre. Assez extraordinaire.
En Birmanie, on a eu les pluies terribles de la mousson et parfois presque des cyclones. Je n’ai pas oublié le jour où on travaillait avec ce groupe de douze avions qui partaient parachuter du ravitaillement à des groupes de guérillas et que six seulement sont revenus. Les six autres n’ont pas été abattus par des Japonais mais ils ont été pris dans des pluies torrentielles et des ouragans et se sont écrasés et tout le monde a péri. On n’arrivait pas à y croire. Tout le monde attendait avec anxiété que plus d’avions reviennent de l’expédition et six d’entre eux ne sont pas revenus.