Project Mémoire

John Edward Anderson (Source primaire)

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

John Edward Anderson a servi dans l'Aviation royale canadienne pendant la Deuxième Guerre mondiale.

Prenez note que les sources primaires du Projet Mémoire abordent des témoignages personnels qui reflètent les interprétations de l'orateur. Les témoignages ne reflètent pas nécessairement les opinions du Projet Mémoire ou de Historica Canada.

John Anderson
John Anderson
Groupe de prisonniers de guerre (incluant John Anderson, le plus à droite au dernier rang) au Stalag IXC, avril 1942.
John Anderson
John Anderson
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Carnet de bord de pilote de la RAF remis à John Anderson en septembre 1940.
John Anderson
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Médailles de John Anderson (de gauche à droite): Étoile 1939-45; Étoile d'Europe; Médaille de guerre (1939-45).
John Anderson
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Carnet de service de la Royal Air Force de John Anderson, 1er juillet 1940.
John Anderson
John Edward Anderson
John Edward Anderson
Les plaques d'identité de M. Anderson à l'époque où il était détenu comme prisonnier de guerre au camp Stalag IX C en Allemagne.
John Edward Anderson
« Je détiens sûrement le record mondial des Spitfire flottants, car le mien a flotté sur l’eau trois secondes et demie avant de sombrer, ce qui m’a laissé le temps de sauter dans mon petit dinghy. »

Transcription

Avec le Spitfire, vous n’aviez jamais d’entraînement intensif, vous deviez apprendre à les automatismes du poste de pilotage et apprendre à connaître votre cockpit, et puis on vous montrait un avion et on vous disait de décoller. Et c’était tout. Oh, un excellent avion. La première fois que j’ai volé dessus je crois que j’en avais peur. Il était rapide, avait un moteur puissant, même les Spite I, je veux dire, ils avaient un moteur d’une puissance de plus de 1000 CV.

Le 9 juillet, on est allés en France, un crochet par le dépôt de rails de Béthune. Il y avait six Blenheim, et quelque chose comme, je ne sais pas combien d’avions de chasse, mais il y avait, je dirais, un minimum de 300 avions de chasse, des Hurricane et des Spitfire. Les Hurricane ça formait une ruche qui vrombissait tout autour des Blenheim. Les Spitfire étaient étalés entre 15 000 et 20 000 pieds d’altitude environ, et la seule raison de leur présence c’était pour pousser les chasseurs à monter. Si vous envoyiez seulement les avions de chasse, ils pouvaient aussi bien ne pas s’occuper de vous parce que vous ne pouviez pas faire beaucoup de dégâts. Bien-sûr, vous pouviez flinguer l’endroit, mais ça ne risquait pas vraiment de faire du dégât sur les structures. Alors ils ont pris les bombardiers en plus.

Le 10 juillet, le lendemain, on a fait un autre vol jusqu’à Saint-Omer et Lille [France]. Cette fois, on avait trois Stirling et le but c’était de bombarder le terrain d’aviation de chasse à Saint-Omer. Sur ça, quand on a eu, après le bombardement, le groupe d’avions tout entier, trois cents ou plus, ils ont tous viré à gauche pour rentrer à la maison. Pour une raison quelconque mon commandant d’escadrille lui a fait un virage au taux standard [ROT] sur la droite. Or, ça n’a pas l’air très long, mais ça prend deux minutes pour faire un virage au taux et quand cette manœuvre a été terminée on était tout seuls dans le ciel et les autres étaient déjà à une quinzaine de kilomètres de là à la vitesse où ils volaient. Alors quoiqu’il en soit, on a poursuivi notre retour et comme on était à la queue et en plus complètement seuls, on nous a attaqués et j’ai été touché par des tirs de canons dans le ventre de l’appareil. Mais il ne s’est rien arrivé, le cockpit s’est rempli de fumée, mais tout fonctionnait bien et j’ai continué. J’avais été séparé des autres entre temps et j’ai foncé vers le pont, je me suis dirigé vers la côte. Et j’ai passé les côtes françaises à 2000 pieds et mon moteur a rendu l’âme. La seule chose, je ne montrais pas le moindre signe de surchauffe ou quoi que ce soit, je pense que j’avais sans doute été touché dans le réservoir de carburant ou le conduit d’essence et l’essence s’était écoulée. Parce que l’avion volait tout en douceur.

J’ai juste continué à planer jusqu’à ce que je finisse par toucher. Atterrir sur l’eau c’est comme de rentrer dans un mur de briques, vous ne glissez pas sur la surface. J’ai eu de la chance, je n’étais pas attaché. J’ai fait un atterrissage forcé sur l’eau sans être attaché et je me suis cogné la mâchoire contre le côté du réflecteur, mais c’était le seul dégât que j’ai causé. Je ne comprends toujours pas aujourd’hui comment le Spite avec son moteur d’une tonne à l’avant n’est pas tout simplement descendu en piqué en m’éjectant au passage. Mais il a gardé son assiette et je crois que je détiens le record du monde de flottaison de Spitfire, parce qu’il a flotté pendant trois secondes et demie, ce qui m’a donné assez de temps pour sortir et me mettre dans mon petit canot de sauvetage, sur lequel j’étais assis.

J’ai dérivé dans la Manche à quelques quatre ou cinq kilomètres de la côte. La marée était forte dans la Manche et j’ai dérivé vers le sud. Et pour finir, un E-boat est sorti du brouillard, et s’il avait été à un cinquantaine de mètres de moi d’un côté comme de l’autre, il ne m’aurait pas vu, c’était tellement dense. En tout cas, ils m’ont pris, ils m’ont bien traité. Ils m’ont donné une barre chocolatée, un sandwich et une bouteille de brandy à boire.

Bon, ils m’ont emmené au, je crois que c’était le port de Calais, la marée était basse. Ils m’ont emmené et il y avait une ambulance qui m’attendait et ils m’ont mis sur un brancard et m’ont monté par le côté de l’ambulance, côté port et ils m’ont emmené à l’hôpital de Saint-Omer. Les allemands n’avaient pas assez de camps de l’armée de l’air à disposition pour prendre tous les prisonniers. Ils avaient le Stalag Luft I à Barth sur la Baltique. C’était pour les officiers et les sous-officiers, et c’était plein. Et ils envoyaient des prisonniers au Stalag IX-C et à Lamsdorf, celui-là c’était le IV-B, le surplus de prisonniers pendant qu’ils construisaient le Stalag Luft III à Sagan [Pologne]. [Note : le Stalag VIII-B était près de Lamsdorf alors que le Stalag IV-B était près de Mühlberg en Allemagne.]

Le Stalag Luft III avait deux enceintes à ce moment-là, des quartiers pour les officiers et des quartiers pour les sous-officiers. Moi j’étais sous-officier. Et il y avait à peu près, je ne sais pas combien d’officier il y avait là, mais il y avait un millier de sous-officiers dans nos quartiers, pour la plupart c’étaient des anglais, mais il y avait bon nombre de canadiens, australiens, néo-zélandais, polonais et tchèques. On était un groupe assez mélangé. Le camp se remplissait. Et les allemands ont décidé de rouvrir le Stalag Luft I à Barth et ils voulaient des volontaires pour y aller, aller du Stalag Luft III au Stalag Luft I à Barth pour rouvrir le camp.

Alors qu’est-ce que j’avais à perdre, je me suis porté volontaire, et on est partis, environ 150 d’entre nous, nous sommes montés et nous avions les anciens quartiers des officiers à Barth. C’était luxueux comparé à n’importe où ailleurs. Dans les bâtiments on était à six par chambrée et des toilettes avec chasse d’eau, si ça vous donne une idée. On faisait de nombreux sports de ballon, foot, softball. On a eu une journée sportive et je suis arrivé deuxième dans la marche de 1,6 kilomètres, je ne sais pas comment j’ai réussi à faire ça, mais sans aucun entraînement, j’ai réussi.

On a très occupés à faire des tunnels. On avait l’habitude de, le problème avec Barth en fait, la nappe phréatique remontait tout près de la surface. Alors vous ne pouviez pas creuser un tunnel très profond de 6 mètres par exemple parce que dès que vous étiez à 1,50 mètre de profondeur, vous touchiez l’eau. Alors vous deviez garder le tunnel peu profond, et on n’est jamais arrivé nulle part, mais ça nous occupait et ça occupait aussi les allemands qui essayaient de trouver ce qui se passait. On comprend bien qu’ils avaient des sismographes et qu’ils pouvaient nous entendre creuser et on avait, une fois on a décidé d’attaquer, et j’avais la responsabilité de trois tunnels. Mais on n’est pas aller bien loin, ils ont finalement tout découvert. Mais on avait des manières assez futées d’entrer dans un tunnel. On passait à travers une cheminée de briques, on avait enlevé les briques et on en avait fait une sorte de papier mâché – en forme de briques qu’on avait mis à la place des vraies pour couvrir le trou qu’on avait fait et vous entriez et descendiez dans le tunnel par la cheminée comme ça on ne pouvait rien trouver de l’extérieur.

Et les allemands, ils leur arrivait d’apporter un petit rouleau compresseur, lourd, et ils faisaient le tour des bâtiments. On attendait, et ils l’ont apporté une fois, mais notre tunnel a survécu et ne s’est pas écroulé. Et on a trouvé ça très intéressant. Pour finir, ils l’ont trouvé.