J’avais un très bon ami qui était l’adjudant (officier d’état-major, assistant du commandant) du Régiment de Maisonneuve. Et après je cherchais une affectation, dans le Black Watch (Royal Highland Regiment of Canada) par exemple ou quelque chose comme ça, je pensais, et bien non, si je veux rapporter quelque chose de cette guerre, je voudrais être bilingue parce que j’avais onze ans de français de collège et d’université derrière moi en quelque sorte, mais je n’étais pas très bon pour ce qui était de la conversation. Alors j’ai pensé, bon, j’aimerais aller dans le Maisonneuve. Ce très bon ami à moi a dit, bon, descend nous voir à la caserne. J’ai oublié où elle se trouvait exactement, je crois que c’était à Saint Henri, et il a dit, je te présenterai au commandant.
Alors un samedi matin j’y suis allé et j’ai parlé avec le commandant, et il m’a posé toutes sortes de questions en français, et moi, au moment opportun apparemment j’ai répondu, oui Monsieur, non Monsieur. Après mon départ, il a dit à mon ami, ce jeune anglais parle très bien français. Alors il a dit, on ferait bien de le prendre avec nous. Donc juste après, j’étais enrôlé dans le Régiment de Maisonneuve et on m’a envoyé au camp de Valcartier (Base d’entrainement des forces canadiennes A13) pour suivre l’entrainement. J’étais, à l’époque, le seul officier de langue anglaise dans le Maisonneuve. Je faisais de mon mieux pour parler en français et ils m’ont donné un peloton de gens qui parlaient tous mieux anglais que ce que je faisais, et ils m’ont donné comme surnom : le maudit anglais, ce qui veut dire « Goddamn Englishman ». C’était des gars très bien, de très bons combattants, de bons garçons et on s’entendait très bien. Le surnom c’était juste pour blaguer, évidemment. Ça ne m’ennuyait pas du tout.
On nous a envoyés outre-mer au cours de l’automne 1940. Je suis revenu au Canada comme, comme le dit mon article, en 1943 et je suis allé au Collège militaire royal pour suivre des cours sur l’état-major de guerre, intensif. Et ils m’ont gardé comme instructeur là-bas pendant un moment, et avec ma femme, ma femme était anglaise, comme vous le savez, et elle est venue avec moi, alors on a passé à peu près une année à l’extérieur de la zone de guerre. Et puis ils ont eu de perdre autant d’officiers d’état-major qualifiés en France, comme c’était le cas, et j’ai été rappelé au plus vite alors que j’étais en plein milieu d’une formation et on m’a renvoyé immédiatement en Angleterre par avion. Et à partir de là, je suis allé directement dans un camp de renforts, je crois que c’était à Aldershot (camp de passage de l’armée canadienne en Angleterre) à ce moment-là, et de là, on nous a envoyé dans un camp de renforts en France avec des notables comme George Hees et ainsi de suite. Et après une journée environ, George a dit, ça suffit pour moi, alors il a pris son sac de couchage et ainsi de suite, et il est parti en auto-stop jusqu’au front où il s’est trouvé un travail. Et moi j’étais un bon petit gars, je pensais avoir davantage en l’armée et sa capacité à faire ce qu’il fallait, et je suis resté une semaine de plus, ensuite j’ai fait la même chose, fait du stop jusqu’au front, me suis trouvé du boulot comme officier de liaison homme à tout faire dans l’état-major de l’armée de terre, et pour finir, on m’a affecté à la 3ème division (d’infanterie) canadienne et on est remontés en se frayant un passage depuis Bergen op Zoom jusqu’à la rivière Leer. Les allemands ont battu en retraite très rapidement et j’étais là-bas au moment de l’armistice.
Et puis on s’est installés, en fait. J’étais en service la nuit de la déclaration de l’armistice. J’ai eu le premier message pour la division toute entière comme quoi l’armistice allait être déclaré à 9 heures le lendemain matin. Alors on a emballé nos affaires et on a commencé à entrer dans Emmerich dans la péninsule d’Emden. Une chose que j’ai trouvée intéressante, c’est qu’on devait traverser de chaque côté de la route, des files de soldats allemands, complètement armés et ainsi de suite ; et on avait vraiment la trouille que quelqu’un devienne fou et commence à tirer, mais ils ne l’ont pas fait. Et on est arrivés dans un mess des officiers à Aurich en Allemagne, et sur le manteau de la cheminée, je me souviens, il y avait tout un tas de chopes en étain, alors comme de bons durs à cuire canadiens, on a déposé ces chopes sur le plancher, on les a remplies de pétrole, on les a enflammées et on a tourné autour en faisant des danses guerrières, pendant que les pauvres jeunes allemands avaient peur pour leurs vies avec leurs, ils avaient hérité de ces fous de canadiens, ils vont faire quelque chose de stupide. Mais on a survécu à ça.