Project Mémoire

John George Nasvadi

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

John Nasvadi
John Nasvadi
John Nasvadi et son meilleur ami, Albert Pichette de Hull, Québec. Monsieur Nasvadi et monsieur Pichette sont arrivés à Paris, en France pendant la courte interstice pendant laquelle l'Armée allemande avait évacué et avant l'arrivée de l'Armée americaine. « Les rues étaient vides, pas de passant, pas de voiture. Tout était vide ; depuis Notre-Dame jusqu'aux Champs Elysées en passant par l'Arc de Triomphe. La même nuit, les lumières sont arrivées dans Paris ».
John Nasvadi
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Corporal John Nasvadi.
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Paris, 1945. Un Thunderbolt américain volant sous la Tour Eiffel. C'est John Nasvadi qui prit lui-même cette photo.
John Nasvadi
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Bruxelles, 1944. Gard du Nord. John Nasvadi porte une cravatte et un calot militaire.
John Nasvadi
Quand vous réalisez, la guerre est finie et tout à coup, c’est arrivé, ça vous faisait une drôle d’impression que la guerre soit finie, pas hier, mais aujourd’hui c’est terminé, et vous êtes là en face d’une accusation de meurtre.
On était à une soixantaine de kilomètres de Paris à peu près et j’avais un ami avec moi et du matériel, il s’appelait Pichette et il était de Hull au Québec. Et il n’arrêtait pas de me dire qu’au Québec, tous les français disaient que vous devez voir Paris et mourir. Alors quand on s’est retrouvés à une soixantaine de kilomètres de Paris, il m’a convaincu d’y aller en auto-stop. Alors on a fait de l’auto-stop jusqu’à quelques kilomètres des portes de Paris. Toute la circulation remontait parce que tout l’approvisionnement remontait. Alors quoi qu’il en soit, on est arrivé à quelques kilomètres de Paris et deux étudiants d’université, qui avaient des vélos, nous ont pris dessus et nous ont emmenés dans Paris. On est allés à Notre Dame (de Paris), et de là, on est allés aux Champs Élysées, on est montés jusqu’à l’Arc de Triomphe, montés et redescendus là-bas sur les bicyclettes. Pendant qu’on faisait ça, il ne m’est même pas venu à l’esprit jusqu’à ces dernières années, qu’il n’y avait pas âme qui vive, il n’y avait pas une voiture, il n’y avait pas le moindre mouvement sur les Champs Elysées de l’Arc de Triomphe jusqu’à l’autre bout. On les a parcouru dans les deux sens cette après-midi là c’était le weekend, pas une seule personne, rien. C’était seulement, je n’en ai rien pensé jusqu’à ce qu’on rentre chez nous. Autrement dit, les allemands étaient partis. Ils sont partis de Paris sans faire de dégâts et avant l’arrivée des américains, mon ami Pichette et moi on était les deux seuls canadiens ayant débarqué à Paris avant les américains. On était les deux seuls canadiens dans les rues du quartier des Champs Élysées. J’ai passé une autre journée à Paris et j’ai la photo qui prouve ça. J’étais là-bas, j’ai oublié avec qui j’étais, mais je me trouvais sous la tour Eiffel et j’avais un petit appareil photo allemand, qui prenait des petites photos. Je me promenais par là et j’ai vu un point noir dans le lointain. Et le point noir s’est mis à grossir, de plus en plus, et puis tout à coup on a compris qu’un Thunderbolt américain (avion de chasse lourd) allait essayer de passer sous la tour Eiffel. J’ai pris la photo. Elle est très nette, mais je me suis baissé. Avant qu’il arrive sous la Tour, je me suis baissé. Je me suis juste allongé par terre et j’ai bien la photo. Le 1er janvier, le matin du jour de l’an, tôt le matin, on a été réveillés par des coups de feu. Et cette fois-là à nouveau, un Thunderbolt américain a survolé notre terrain. Devant lui il y avait quelques Fokker allemands (chasseurs) et ils ont mitraillé notre terrain, et on a perdu tous les avions. C’était en janvier je crois, le matin du jour de l’an en janvier 1945. On a perdu, on avait trois escadres et on a perdu tous les avions sur cette piste d’atterrissage. Avant ça, vous savez, on faisait toujours très attention à nos avions, on avait pour habitude de les cacher. Mais au moment où on est arrivés près de Allemagne, on était tellement sûrs de nous qu’on les alignait bien gentiment. Quand les allemands sont venus, ils sont juste descendus à basse altitude et ont bombardé chaque avion. On avait les régiments antiaériens de l’armée avec nous, mais ils plaçaient leurs canons au niveau du sol. Et quand les allemands sont arrivés à basse altitude, ils n’ont pas eu la moindre occasion de tirer autrement ils nous auraient tiré dessus. Alors on n’a eu aucune protection ce matin-là, mais c’était comme ça. Vous faites des choses et vous découvrez que, quelqu’un d’autre trouve le moyen de passer outre. Alors cette nuit-là, tout le monde est resté en alerte et tout le monde assurait la surveillance de nuit. Et chaque buisson que voyiez dans le, on avait un canal près de là où on était, chaque buisson qu’on voyait, il avait l’air de bouger cette nuit-là ; et on était assez nerveux. On pensait que les allemands allaient traversé cette nuit-là, mais le lendemain, on a compris que c’était fini, que rien ne s’était passé cette nuit-là et la nouvelle nous est parvenu que c’était fini. C’était tout ce qui leur restait en munitions et avions à ce moment-là. Le jour d’après la guerre, un allemand a été descendu, tué, et pendant les jours qui ont suivi on nous a fait mettre les uns à côté des autres, les gens de l’armée de l’air et de l’armée de terre, parce que la famille de la personne qui avait été tuée est venue et a examiné chacun d’entre nous pour voir s’ils reconnaissaient celui qui avait descendu cette personne. C’est difficile de comprendre du jour au lendemain, vous êtes là-bas et beaucoup de soldats que vous tuez et ce, des groupes différents et tirer, peu importe ce que vous étiez en train de faire, quand vous réalisez, la guerre est finie et tout à coup, c’est arrivé, ça vous faisait une drôle d’impression que la guerre soit finie, pas hier, mais aujourd’hui c’est terminé, et vous êtes là en face d’une accusation de meurtre. Vous ressentez certaines choses quand vous… Quand on a traversé les villes détruites par les bombardements, rien que des ruines. Les bulldozers nous ouvraient un chemin pour qu’on puisse passer et ce que j’ai remarqué ce sont les gens qui fouillaient les décombres pour retrouver des mais ou de la famille, ou quelque chose qu’ils voulaient emporter de leur maison. Et pas un seul d’entre eux, ils avaient tous l’air de vouloir vivre. Ils voulaient survivre, même au milieu de ces décombres. C’est une chose que j’ai eu le sentiment d’avoir compris alors. Peu importe l’étendue du malheur, tout le monde voulait survivre.