Project Mémoire

John Gratwick

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

John Gratwick
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Un pot en bois que John Gratwick a acheté à un ancien prisonnier de guerre en échange de 50 cigarettes.
John Gratwick
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Le laissez-passer que John Gratwick utilisait pour entrer et sortir du camp de concentration de Bergen-Belsen, 1945.
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L'Institut Historica-Dominion
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John Gratwick, Halifax, Nova Scotia, 2010.
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Panneau érigé devant le camp de concentration de Bergen Belsen, peu de temps après sa libération par l’Armée Britannique, Allemagne, 1945.
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Dans de nombreux cas, ils vivaient au dessus de trois couches de cadavres empilés à peu près.

Notre travail c’était le contrôle des chasseurs bombardiers qui étaient en appui direct des troupes au sol. En d’autres termes, on n’était jamais très loin du sol, et on n’était jamais très loin du front parce que les soldats y allaient et disaient, regardez, il y a un nid de mitrailleuses et ils nous donnaient un point de repère, pouvez-vous faire venir un avion pour le bombarder ou le descendre, tirez-lui dessus avec une grosse mitrailleuse. Bon, on avait des mitrailleuses qui étaient vraiment légères. C’était des cartouches, c’était une mitrailleuse à cartouches. Elles avaient cette taille-là, les cartouches.

C’était des balles explosives et elles pouvaient causer pas mal de dommages. On avait l’habitude de contrôler, il y avait des gens de l’armée de terre avec nous qui servaient de liaison, et nos contrôleurs parlaient directement à l’avion ; on les dirigeait au sens propre du terme, alors vous dites comme ça, Vous allez voir deux champs plus loin et dans le coin. Ce genre de choses. C’est le genre de contrôle rapproché qu’on faisait.

Tout ça c’est très bien mais en faisant ça vous devez naturellement suivre la ligne de front et la ligne était mobile. L’armée de terre se débrouillait très bien à ce moment-là, ça descendait du nord, de la Hollande jusqu’en Allemagne ; et on était dans la plaine de Lüneburg Heath qui est une plaine immense… En tout cas, quelquefois, deux fois dans la journée, on remballait tout et on se déplaçait de 800 mètres ou un kilomètre et demi, et on installait tout à nouveau. Et ensuite on se mettait à travailler. On devait faire ça quand on se donnait des cibles presqu’impossible à atteindre, c’était plus comme, mais c’était très amusant.

Puis soudain, ça bougeait à nouveau, ça se passait en avril 1945 et le 8 mai 1945, et soudain tout s’est effondré et la guerre en Europe s’est arrêtée. À peu près deux semaines avant ça, on était à l’extrémité en haut de Lüneburg Heath et deux allemands se sont approchés avec des drapeaux blancs sur leurs fusils, des soldats du coin de toute évidence. Ils demandaient à approcher et discuter. Il y avait une épidémie de fièvre typhoïde dans le camp, dans le camp de concentration, dont on n’était même pas sûr qu’on en connaissait l’existence par là, mais ils ont dit, voyez, c’est le camp de concentration de (Bergen) Belsen, il y a une épidémie de fièvre typhoïde, et on ne peut plus faire face. Nous n’avons pas les ressources nécessaires, nous n’avons pas le personnel et on est dépassés.

Alors nous y sommes allés en camion, c’était facile à trouver. Il y avait ce camp, cette zone immense. Nous sommes arrivés là-bas ; et avec tout ce petit groupe nous sommes tombés sur les gens de l’armée, et on est entrés au pas dans le camp. Et ça a été très difficile. C’est, il y avait environ, je crois, environ une centaine de baraquements. C’était principalement des hommes ; je crois même qu’il n’y avait pratiquement que des hommes là-bas. Alors il y avait 100 000 morts qui n’étaient pas enterrés dans le camp et de l’ordre de 60 000 plus ou moins en vie. Dans certains cas, dans cette centaine de baraquements qui étaient construits pour 100 à 150 personnes, il y avait environ un millier de cadavres ou de gens à moitié morts là-dedans ; et ils vivaient au dessus d’eux. Dans de nombreux cas, ils vivaient au dessus de trois couches de cadavres empilés à peu près. Une épidémie de fièvre typhoïde s’était répandue dans le camp, alors on a dû être inoculés et recouverts avec, ils ont réussi à se procurer ça très rapidement, une espèce de, oh, du DDT (insecticide). C’était ça. Et c’était considéré comme étant un désinfectant puissant qui devait nous protéger. Ils nous recouvraient avec cette poudre tous les jours, mes vêtements et tout en étaient complètement recouvert, et je peux encore en sentir l’odeur.

Je, pendant cinq ou six jours, on m’a donné, ils ont trouvé un certain nombre de gens qui étaient, qu’on avait fait venir, ce qu’on appelait en Grande Bretagne, des prisonniers bénéficiant d’un régime de faveur. C’était des prisonniers qui étaient en quelque sorte à un échelon supérieur dans la hiérarchie et ils avaient un petit peu, ils ont une certaine autorité sur les autres prisonniers. Il y avait plusieurs hongrois dans le camp et ils les avaient laissés, ils ne les avaient pas pris avec eux, les allemands, ils les avaient laissés là-bas. Je ne sais toujours pas s’ils étaient prisonniers des allemands ou s’ils étaient leurs alliés.

Mais, en tout cas, ils servaient de gardiens dans le camp. On a réussi à en garder quelques uns. On m’en avait attribué un groupe, de six, je crois, et j’ai trouvé une vieille carriole sans le cheval et j’en ai mis trois sur les brancards pour tirer ce truc. Et avec les autres, on a fait le tour de ces baraquements, et on déposait les corps dedans. Quand on avait un chargement plein, un anglais du génie avait récupéré un bulldozer, et il creusait une fosse profonde ; et on a juste déchargé les corps dedans, des centaines par fosse.