Je ne sais pas si j’aurais pu être prêt un jour pour ce que nous avons traversé, mais aussi vous n’allez peut-être pas passer par ce que vous imaginez que vous allez traverser, alors comment pouviez-vous être prêt ? Vous ne pouviez pas juste vous entraîner pour une chose en particulier. Nous devions nous entrainer pour tout un tas d’autres applications. À l’intérieur de vous, il y avait toutes ces peurs, la peur de ne pas vous en sortir. Vous vous en faîtes au sujet de l’entraînement ; il est possible que ce ne soit pas le bon. Vous êtes inquiet à propos de vos amis qui ne vont peut-être pas s’en sortir. Vous êtes sans doute encore plus inquiet au sujet de certains d’entre eux que pour vous-même.
On était dans le grand bateau en premier (péniche de débarquement de l’infanterie) et puis ça a été annulé. Le jour suivant on est allés dans les LCA (bâtiments d’assaut de débarquement), qui étaient plus petits et on s’est dirigés vers la France.
Beaucoup de pensées et beaucoup de prières. Il fallait dormir un peu, mais vous ne pouviez pas dormir beaucoup avec tout ça dans la tête, en sachant ce qui risquait d’arriver, ce qui pouvait arriver.
J’étais avec la compagnie D (le Regina Rifle Regiment) et la compagnie D a attaqué, tous ceux qui ont réussi à arriver là-bas, mais on s’est tous faits tirer dessus. On a perdu la moitié de la compagnie. La compagnie à côté de nous, elle aussi on lui a tiré dessus et ce qu’ils ont fait c’est qu’ils nous ont réunis pour faire une seule compagnie, une seule unité combattante.
Oui, moi personnellement j’ai été très heureux de faire la tête de pont. Je suis heureux de savoir qu’on était allés un petit peu plus loin et on se réjouissait de voir que peut-être ce serait le début de la fin de la guerre, je pense.
J’ai essayé d’oublier. Ça fait plus de soixante ans, alors certaines choses se sont estompées, et puis il se passe quelque chose ou on pose des questions qui font revivre la situation. C’est peut-être la raison pour laquelle on a eu du mal à faire passer la guerre aux jeunes générations. Comme vous le savez, les jeunes ne sont pas très au courant de tout ce qui s’est passé pendant la guerre et c’est la faute des anciens combattants, je dirais. Même si, nous ne voulons pas en parler parce que c’est tellement perturbant et tellement affreux. On n’a jamais, jamais pu raconter aux enfants les choses comme elles se sont passées en réalité. Si vous n’arrivez pas à leur raconter, comment est-ce qu’ils vont savoir ?