Project Mémoire

John Franken

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

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John Franken et sa femme Sonja ont été tous les deux prisonniers de guerre pendant la Deuxième Guerre mondiale. John était détenu en captivité au Japon et Sonja a survécu des horreurs d'Auschwitz.
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Quand une place au sein du Conseil de Sécurité des Nations Unies a été offerte au Japon, beaucoup de vétérans canadiens et américains ont lancé un appel pour que des excuses soient faites par le gouvernement japonais pour les attrocités commises dans les camps de prisonniers de guerre.
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En 1946, après avoir été libéré, M. Franken défile avec la Marine hollandaise.
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Prisonniers de guerre libérés sur un bâteau venant allant de Manille à Makassar, Indonésie, le 30 septembre 1945.
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Médailles de John Franken (de gauche à droite): Étoile Ordre et Paix ("Orde-Vrede") pour service dans les Antilles néerlandaises; Croix de guerre commémorative 1941-1942; Décoration pour service consacré.
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Vous savez, chaque fois que les américains faisaient quelque chose d’extrême, on faisait la fête car on savait que la liberté se faisait plus proche.

Et bien je suis né sous le nom de Jacob Herman Franken, mais on m’a toujours appelé John parce qu’en Extrême-Orient c’était trop difficile à prononcer, alors ils m’appelaient tout simplement John. Donc j’ai toujours été John Franken. Je suis né à Semarang en Indonésie mais je n’ai pas grandi là, j’ai grandi dans un endroit tout petit appelé Purworejo.

J’ai été appelé sous les drapeaux en juillet 1941 et la guerre a éclaté le 7 décembre 1941. Ce qui fait que j’étais déjà dans les forces aériennes quand la guerre a éclaté. Elle avait éclaté le 8 décembre, le 7 décembre 1941 et en mars 1942, on avait comme l’impression que la guerre allait prendre fin, parce que les japonais étaient beaucoup plus forts ; et on devait être évacués vers l’Australie pour finir nos cours de mécanique. Et on nous a plongé, avec 18 autres gars, au milieu de la bagarre qui faisait rage au dessus de l’aéroport, pour faire les 600 kilomètres qui nous séparaient du petit port où on devait embarquer sur un bateau qui devait nous conduire en Australie pour finir les cours.

De gros navires de guerre ont croisés notre chemin ils avaient des torpilles géantes pointées droit sur nous et les hommes se tenant à l’arrière et, nous faisant face. Parce qu’on était juste un bateau de la marine marchande, vous savez, le genre avec un tout petit canon à l’avant et pour le reste c’était juste un bateau de la marine marchande. Alors on avait rien à bord qui nous permette de nous battre, rien de tout ça, alors on a pensé, c’en est fait de nous. Et alors on a dit, ok, on était quatre, allons de l’autre côté du bateau et sautons par-dessus bord. Quand on s’est retrouvés de l’autre côté, il y avait aussi d’énormes cuirassés qui attendaient, qui nous regardaient. Et aussi il y avait plein de requins dans la mer, alors ce n’était pas trop bon de nager dans ces eaux là.

Et il y avait environ 300 personnes à bord, tous les tireurs, les mécaniciens, avec les officiers et ceux qui ne l’étaient pas. Et le matin, à 11 heures, un avion s’est pointé, un avion japonais, alors là on sait qu’on a été signalés, qu’il y a un bateau là et très vite on était simplement, quand on a vu les cuirassés approcher, on s’est assis, et on a prié pour qu’ils soient américains, mais non, ils étaient japonais. Ils étaient montés à bord et avaient dit, non, vous n’êtes plus dans les forces armées, vous êtes désormais des prisonniers de guerre.

Je me souviens seulement que le commandant japonais avait commandé en bas une caisse d’alcool, du vin je crois, et il avait dit, tout le monde va recevoir un verre et boire du vin. Alors on a dit, hé, qu’est-ce qui se passe ici. Et puis pendant qu’on boit le commandant dit, vous venez juste de boire en célébration de la chute des Indes orientales néerlandaises. Alors plein de gens ont jeté leur vin et recraché. Et on a débarqué à Macassar. Là ils nous ont mis au travail, du travail d’esclave. Nettoyer les immeubles que les américains avaient détruit avec leurs bombardements. Une fois on nous a envoyé voir le, le commandant, car ils avaient besoin de télégraphistes. Alors là vraiment plein de gens ont dit, écoutez, des télégraphistes, peut-être qu’on pourrait avoir des nouvelles du dehors, vous savez. Après avoir rassemblé le groupe, il a dit, ok, maintenant vous pouvez transporter les poteaux télégraphiques. Alors on a dû transporter les poteaux, des poteaux en bois, où on raccorde les fils de l’installation.

On avait débarqué à Macassar. On nous avait emmenés à… oh, ils nous tabassaient vraiment vous savez, si vous ne suiviez pas et compter, compter et toujours recommencer à compter. On nous avait conduits dans une prison pour femmes les trois premières nuits. Je crois que j’ai oublié, c’était peut-être une semaine. Peu importe, on était dans une prison pour femmes avec une seule cellule, pour trente personnes, mais on était 180 personnes. Donc il n’y avait pas de place pour, pour s’asseoir vous savez, on devait rester debout. On était juste comme des sardines dans une boite, les uns sur les autres. Il y avait un grand seau pour uriner et on attendait seulement le jour suivant, car il était à peu près minuit. Et on a eu ensuite trois ou quatre jours, je crois qu’on était dans ce camp où d’autres gens arrivaient d’autres bateaux ils avaient été capturés au cours d’une autre bataille, un combat en mer, comment vous appelez ça ? Vous savez, ils combattaient, les autres bateaux se battaient. Et ces prisonniers des criminels de guerre sont arrivés là aussi. Et alors un officier, un officier japonais est venu et il avait dit quelque chose et un prisonnier avait dit, regardez ces salauds ou quelque chose comme ça en anglais. Mais cet officier japonais comprenait l’anglais, et il avait emmené le gars dehors et l’avais passé à tabac.

Bon, on travaillait à l’extérieur et on construisait des écoles pour les esclaves du sexe, bon, on nous avait donné l’ordre de travailler dans les écoles pour faire des cloisons pour que les filles aient un peu d’intimité. Et les filles étaient ramassées dans la rue. Donc notre travail c’était seulement avec l’école. Elles étaient conduites à l’hôpital pour vérifier qu’elles n’avaient pas de maladies vénériennes et ensuite on les mettaient dans ces écoles, et elles attendaient que les soldats se présentent. Et mon travail consistait à… mettre une serviette d’environ 15 pieds de long, faite dans un tissu très doux, à travers la salle et après chaque soldat, la femme ou la fille devait marcher dessus tout le long pour éliminer le sperme et elle attendait le soldat suivant. C’était, et elles appelaient à l’aide, vous ne pouvez pas décrire ce genre de choses. Ca dépasse l’imagination. C’est ce que des gens font à d’autres gens.

Trois mois avant la fin de la guerre, on travaillait là au chantier naval, jour après jour, et vous êtes sanctionné si vous ne le faites pas, vous devez travailler, vraiment travailler. Si vous ne travaillez pas, ils viennent et vous passent à tabac. Et on était à Nagasaki au chantier naval ; on n’avait droit qu’à un bain par semaine. Parce que si vous êtes sale et allez dans la baignoire, les premières personnes ont de l’eau propre et les autres ont le reste. Et il y avait à peu près 1000 personnes dans le camp alors vous savez, c’était pas drôle. Et alors on faisait un roulement et chaque semaine c’est une autre chambrée qui avait le bain en premier. Aussi quand on a entendu parler d’une mine de charbon, où ils avaient droit à un bain par jour parce que vous êtes noir de charbon, on avait dit, pourquoi pas, on va travailler à la mine. Alors ils ont demandé des volontaires, alors je me suis porté volontaire pour aller à la mine. Juste pour le bain.

Mais j’étais en bas dans la mine et on ne savait rien à propos des bombes atomiques. On savait qu’il y avait des bombes, il y avait des bombardements jour et nuit et on savait que les avions survolaient le secteur. Mais quand les bombes sont tombées sur Nagasaki, je travaillais de nuit. Et je crois qu’il était 11 heures ou quelque chose comme ça. Alors quand on est ressorti, on n’a pas vu grand-chose, on était trop loin de la bombe atomique. Mais on voyait la fumée dans le lointain, et on a dit, mon dieu, ils ont dû touché une réserve de munitions, et on était plutôt contents. Vous savez, chaque fois que les américains faisaient quelque chose d’extrême, on faisait la fête car on savait que la liberté se faisait plus proche.