Project Mémoire

John Joseph Reid "Johnny" Barron

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Elizabeth Barron (veuve)
Elizabeth Barron (veuve)
John Barron sur une plage Dieppe en France en 1983.
Elizabeth Barron (veuve)
Elizabeth Barron (veuve)
Elizabeth Barron (veuve)
Le soldat John Barron du Régiment Royal du Canada à Londres en Angleterre en 1945. La photo a été prise peu de temps après son expatriation de trois années dans un camp de prisonniers de guerre en Allemagne.
Elizabeth Barron (veuve)
Nous avons tenté à trois reprises de nous rendre et la troisième fois fut la bonne. L'ordre est venu du quartier-général, puis nous nous sommes mis debout et avons levé nos bras. Ce fut la fin de la bataille pour nous.

Il m’a semblé qu’on avait pris la mer vers 3 heures du matin [le 19 août 1942], en arrivant, on aurait dû arriver à Dieppe [en Normandie] aux alentours de 5 heures, mais ce n’est pas ce qui s’est produit, on est arrivés une heure plus tard environ parce qu’on a été retenus par des U-boot [et aussi des Schnellboot, des vedettes lance-torpilles] dans la Manche. Et un petit convoi s’est mélangé à nous, alors il y a eu quelques échanges de coups de feu et alors on a été ralentis. Alors on a débarqué en plein jour au lieu de la semi-pénombre prévue. Et ils [les Allemands] nous attendaient en quelque sorte. Ils nous ont servi un petit-déjeuner bien chaud, beaucoup de plomb qui volait de tous les côtés. C’était plutôt excitant.

À peu près une demi-heure après qu’on soit partis du port de Southampton [Angleterre] dans la Manche, on a appris qu’on se rendait à Dieppe. La majorité d’entre nous auraient volontiers sauté par-dessus bord pour rentrer en Angleterre à la nage. On n’avait pas, quant à nous, envie de se retrouver dans une zone de combat qui avait été précédemment abandonnée. Alors on a été surpris, ça nous a fait un choc aussi.

À notre connaissance, les plans relatifs au raid avaient été révélés deux mois plus tôt, quand on était censés y aller la première fois, on avait fait demi-tour, c’était à la fin du mois de juin [1942]. Les avions [allemands], qui étaient arrivés pour nous bombarder et nous mitrailler, nous avaient surpris sur les bateaux, on nous fait sortir des navires et envoyés en permission en nous disant que le raid n’aurait pas lieu. Et à notre grande surprise, horreur même, on nous a annoncé qu’on allait à Dieppe finalement et on n’était pas contents du tout. Oui.

Quand le soleil a fini par sortir, on a eu une belle journée chaude et ensoleillée. Et d’après mes souvenirs, il faisait vraiment très chaud, et ce n’était pas seulement les combats, je veux dire qu’il faisait chaud. Et c’était calme. Et la Manche était calme à ce moment-là, pas de houle du tout. Seulement les remous provenant des obus qui explosaient et le vrombissement des destroyers qui faisaient la navette. Mais il ne faisait pas lourd du tout.

Si je me souviens bien, on ne portait pas de camouflage, juste nos uniformes et pas le moindre signe distinctif dessus. Toute inscription avait été enlevée pour qu’on ne puisse pas savoir à quels divisions ou régiments on appartenait. Puis on a reçu le signal de monter à bord des bâtiments d’assaut de débarquement et on est tous descendus agglutinés dans les filets sur les flancs du bateau. Et on a embarqué sur les bâtiments d’assaut de débarquement. Et ensuite on a, avec quelque difficulté, on s’est répartis en plusieurs flottilles pour faire le, pour parcourir la distance jusqu’à la plage. Et à un certain moment, une des flottilles s’est retrouvée un peu désordonnée et il y avait un homme qui hélait tout le monde en essayant de rassembler la flottille en question et il avait une voix tonitruante, dans le mégaphone, ce qui était très inquiétant parce qu’il y avait des U-boot [sous-marins allemands] qui étaient là dans la Manche et on avait peur d’être découverts.

Cependant, ça s’est bien terminé et puis on a croisé par inadvertance un groupe de bateaux de pêche ou quelque chose de ce genre, on avançait parallèlement à la côte en quelque sorte. Et il y avait un U-boot en prise avec cette flottille et ils ont immédiatement ouvert le feu sur nous parce qu’on était entrés en collision avec eux pour ainsi dire. D’une manière ou d’une autre, on a réussi à leur échapper, mais on a bien tiré quelques rafales par-dessus le bâtiment d’assaut et quelques balles ont frappé les échelles à crochets sur le dessus et éparpillé quelques éclats de plomb et de cartouches dans le bateau. J’ai reçu un tout petit éclat dans une jambe et le gars à côté de moi s’est pris un, une rotule fêlée et l’autre a été touché dans la gorge et les deux sont restés à bord et sont repartis en Angleterre à la suite de cela.

Et alors on a couru la dernière ligne droite et tout le monde s’est précipité hors du bateau [vers 6 heures du matin] et il y a eu de très lourdes pertes pendant la course sur la plage. Les hommes qui étaient de chaque côté de moi ont été tués et l’un est tombé du pont directement dans le sable, ou le gravier, et je me suis jeté par terre et c’est devenu très chaud, alors je me suis relevé et j’ai couru jusqu’au mur. Et je suis resté là pendant cinq heures ou cinq heures et demie jusqu’à la reddition finale. Trois fois, on s’est rendus et la troisième fois, on a fait en sorte que ça marche. Ça venait de l’état major apparemment et on s’est levé et on a mis nos mains en l’air et voilà; et pour nous, finie la bataille. Même s’il y avait encore beaucoup de bombes qui explosaient et des obus tirés et ainsi de suite tout autour de nous. Mais dans notre petit coin, c’était fini pour nous. J’ai seulement réussi à utiliser ma mitrailleuse Bren [mitrailleuse légère anglaise] pour tirer des grenades fumigènes et des grenades à main. Mais à part ça, je ne sais pas si j’ai réussi à toucher quoi que ce soit. J’ai tiré pas mal de plomb en direction du rivage, par dessus le mur et tiré des balles un peu partout. Alors j’imagine que j’ai surement touché quelque chose, mais je ne sais vraiment pas quoi. Mais je ne peux pas dire que j’aie, que j’aie tué le moindre soldat ennemi ou quoi que ce soit, ou causé de dégâts. Je sais en revanche que mes grenades fumigènes ont permis à trois de nos gars de repasser par dessus le mur. Ils étaient passés de l’autre côté et ils étaient coincés là, et ils ont dû attendre jusqu’à ce que la fumée arrive et heureusement, j’ai envoyé de la fumée dans la bonne direction et ils ont réussi à repasser par dessus grâce à ça. Alors ça a aidé de cette façon. Mais à part ça, je ne crois pas avoir fait grand-chose, en réalité. Sauf prendre de la place et tirer pas mal de plomb.