La raison pour laquelle je voulais devenir pilote remonte à l’âge de cinq ou six ans. On m’avait offert en cadeau de Noël un avion monoplan à aile haute en métal avec un fuselage bleu, des ailes jaunes et des roues en bois et c’était mon jouet préféré jusqu’à ce qu’il soit complètement usé, à l’âge de 12 ans. On jouait aux avions. Mon plus jeune frère, je me souviens quand il avait quatre ou cinq ans, il appelait ça “erdi-planes”. On ouvrait nos bras, rrrr, on faisait des virages inclinés avec nos bras, nos ailes et ainsi de suite. C’est comme ça que ma fascination pour l’aviation a commencé.
En 1940, on vivait à Selkirk en Ontario et dans un rayon de 25 km de Selkirk, il y avait une école de pilotage Harvard à Dunnville et un aérodrome auxiliaire dans un petit endroit appelé Kohler. Il y avait une école de pilotage [Avro] Anson à Hagersville. À Jarvis, il y avait une école de bombardiers et mitrailleurs. Il y avait vraiment des avions tout autour de nous.
J’avais voulu m’enrôler mais on ne pouvait pas le faire à 16 ans. Mais j’ai découvert qu’avec la permission des parents on pouvait s’enrôler à 17 ans. Donc, à l’automne 1942, je suis allé au centre de recrutement de la Force aérienne à Hamilton, je me suis renseigné sur tout et la première chose qu’ils m’ont demandé c’était mon âge et : « est-ce que vous avez une autorisation écrite de vos parents? » « Oui, j’en ai une » « vous n’avez pas encore 17 ans et demi? » « Non, mais je les aurai le 6 janvier ».
Donc, ils ont quand même fait mon interview ce jour-là et ils m’ont renvoyé chez moi à Selkirk. J’y suis retourné le 6 janvier et j’ai passé mon examen médical. Ils m’ont renvoyé à nouveau chez moi et je devais revenir le 19 janvier pour entrer sous serment dans le service de la Force aérienne du Canada en temps de guerre. Ça s’appelait la réserve spéciale, service uniquement en temps de guerre. C’est comme ça que ça s’appelait.
Ils nous ont envoyé en Nouvelle-Écosse attendre pour l’école de pilotage militaire. J’ai été orienté pour l’entraînement sur les Harvards, les monomoteurs Harvard. Donc, je suis descendu en Nouvelle-Écosse et j’ai travaillé pour les gens du génie construction à Dartmouth [Nouvelle Écosse] et à Debert [Nouvelle-Écosse]. Debert était fascinant parce que c’était une école de pilotage pour le bombardier [de Havilland] Mosquito. Et j’ai eu la chance de pouvoir faire quelques tours dans un avion-cible [Bristol Fairchild] Bolingbroke des « Mossies » comme on appelait les Mosquitoes. J’aurais bien aimé piloter un Mossie, un avion tout en bois et le plus rapide à l’époque, ils les utilisaient pour le marquage des objectifs, les passages de bombardement, avant les passages de bombardement, beaucoup.
En tout cas, j’ai été rappelé de Nouvelle-Écosse à la fin d’octobre 1944 et j’ai commencé 20 semaines d’entraînement à l’École de pilotage militaire d’Uplands en Ontario, qui est Ottawa, à l’aéroport d’Ottawa, sur un monomoteur North American Harvard. Les Harvards dans lesquels on pilotait avaient été bricolés. Ils avaient un cercle au bout du manche de commande et un bouton de mise à feu. Et on avait un viseur à l’intérieur du capot. C’est ce dont on se servait dans le cadre de la formation avancée, après l’entraînement de base du pilote de chasse, les acrobaties et tout ça, quand on avait reçu ses insignes de navigation et obtenu son diplôme.
Ils nous ont envoyé à Carp, juste à l’ouest d’Ottawa, c’était un petit établissement de la force aérienne, une unité pour la formation avancée. C’était la dernière année où ils avaient ces unités de formation avancée. On faisait des exercices de photo mitrailleuse et des courbes de poursuite et tout ce genre de choses. C’était comme en situation de combat. Et on devait faire un certain nombre d’heures de ça et on devait faire du bombardement en piqué à basse altitude sur une petite île de la rivière des Outaouais avec des Harvards, larguer des bombes fumigènes. Et ensuite des bombardements à basse altitude, des bombardements en piqué à basse altitude. On faisait même des tirs au sol avec des vraies balles et une mitrailleuse, une vraie mitrailleuse qui se trouvait dans l’aile droite du Harvard. On descendait vers notre cible pour la mitrailler et on pressait le bouton de mise à feu sur le manche et on pouvait entendre le martèlement de la mitrailleuse et ça ralentissait l’aéronef dans sa descente. Je me suis toujours posé des questions sur le recul que ça provoquait. Je crois que les [Hawker] Hurricanes ou les Spits avaient environ huit mitrailleuses qui fonctionnaient en même temps. Je me suis demandé par après, j’en ai pas entendu parler, mais à quel point elles faisaient ralentir l’avion. Parce que, vous savez, pour chaque action, il y a une réaction égale et opposée.
À l’École préparatoire No. 5, ça m’a vraiment frappé de voir combien le Canada se mobilisait pour soutenir l’effort de guerre. Je me souviens, on défilait à Belleville les dimanches vers une des églises. Je me rappelle qu’on défilait vers la cathédrale anglicane le long de la rivière Moira. Il y avait de grandes usines là-bas qui tournaient à plein régime le dimanche, des hommes et des femmes qui travaillaient et fabriquaient du matériel de guerre. En fait, le jour où on était là-bas, un homme sur le trottoir était sur le point d’entrer et il nous a dit : « on fait des chemises militaires aujourd’hui ».
Les gens, ils prenaient des emplois de guerre. Vous savez, il y avait une commission qui faisait travailler les gens dans les usines pour soutenir l’effort de guerre. Ils les envoyaient partout. Les gens ne travaillaient pas nécessairement là où ils vivaient. Les Canadiens acceptaient ce genre de choses. Dans le secteur agricole, ils avaient même des fermières, des dames. Les militaires employaient des femmes pilotes pour piloter des avions des usines °[où ils étaient fabriqués] jusqu’à leurs points de livraison, même des vols transatlantiques. Certaines de ces femmes pilotes fantastiques traversaient l’Atlantique et livraient des avions. Certaines de ces dames avaient les qualifications pour piloter six ou sept types d’avions différents. L’effort de guerre de la part des gens qui faisaient ce genre de choses était incroyable. Mais les Canadiens, la manière dont ils se sont mobilisés pour faire tout ça, il y avait des usines qui fabriquaient des pansements et tout ce genre de choses.
Ça m’a vraiment frappé en ce temps-là, j’étais jeune. Mais tous ces gens. C’était un dimanche et les usines tournaient à plein régime pour soutenir l’effort de guerre.