Joseph Clorice Gautreau a servi dans l'armée pendant la guerre de Corée. Vous pouvez écouter ses histoires de la Deuxième Guerre mondiale ici et ici.
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Transcription
(La caserne où Joseph Gautreau vivait quand il était en Corée) Le bâtiment avait trois étages et l’étage supérieur était consacré aux officiers et ils avaient des femmes de chambre qui faisaient leurs lits et des choses comme ça. Et l’étage du milieu était réservé aux sergents et sous-officiers et ils avaient sans doute des filles qui travaillaient là eux aussi. Et puis le personnel de cuisine, le personnel qui s’occupait du nettoyage, on avait une grande équipe de ce côté là. La maison d’à côté me faisait une grande impression, il y avait un grand mur de ciment ou un mur de briques qui l’entourait et apparemment, elle servait d’hôpital en quelque sorte. Mais ce qui m’impressionnait là-bas c’était un jeune garçon qui, il est arrivé à peu près en même temps que moi, il est venu là, ils allaient le soigner, ils devaient l’opérer de quelque chose, il était tout pâle. Et sa mère devait venir et il pouvait aller dans ce petit hôpital mais vous deviez vous occuper de vos repas. Et sa mère venait chaque jour avec son bébé dans le dos et elle cuisinait ses repas dehors sur un petit, bon, je ne sais pas quel genre de réchaud c’était, vous posez votre gamelle dessus et c’était son truc pour faire la cuisine. Et elle a fait ça pendant toute l’année. Et pendant la dernière partie de l’année, on est allés là-bas en mai et donc disons vers le mois de septembre ou quelque chose comme ça ou octobre, ils avaient une sorte de petit bâtiment à l’extérieur avec des écrans de protection tout autour, je ne sais pas comment ça s’appelle, c’est pour les moustiques. En tout cas, on avait une rampe de notre côté, on ne pouvait pas voir par dessus la clôture mais on avait la rampe sur laquelle on mettait les véhicules quand on changeait l’huile et des trucs comme ça, on pouvait voir par dessus le mur. Et on pouvait voir ce bâtiment et un jour on a entendu quelqu’un crier, hurler. Alors on est montés sur cette rampe et on a vu ce que c’était et j’ai demandé aux deux petits coréens qui travaillaient pour nous, j’ai demandé : « Que se passe t-il ? » Il a répondu : « ils vont opérer le petit garçon. » Bon j’ai dit : « pourquoi est-ce qu’il crie ? Bon vous voyez ils n’ont pas d’anesthésiant. » Et il a commencé à hurler, il y avait quatre hommes pour le maintenir sur une espèce de table et ils le tenaient et ils allaient commencer à faire une incision pour l’opérer à la jambe ou autre. Bon sang, il criait tellement, on a dû partir, on s’est réfugiés à l’intérieur du bâtiment, on ne pouvait pas supporter les cris et les hurlements. Alors c’était quelque chose. Plus tard, mais il a passé le même temps que moi là-bas. Il est rentré chez lui la même semaine où je suis rentré chez moi. Mais ça a pris toute une année pour le soigner et tout. Un jour, ce gamin vient me voir et me demande, il demande si je pouvais lui apprendre l’anglais. J’ai dit : « Bien sûr. » Alors il m’a dit d’aller de l’autre côté de la rue derrière l’immeuble, je ne pouvais pas le voir mais il y avait une petite école là-bas. Alors on y est allés et on s’est assis sur le pas de la porte et je l’ai aidé avec le… Mais il a amené un ami le jour suivant et à la fin j’avais une douzaine de gamins là-bas, à qui j’apprenais l’anglais. Bonté divine. Et ça a duré deux semaines environ et ensuite ils m’ont donné un travail différent et je ne pouvais plus y aller en soirée. Je faisais ça le soir et je les aidais de cette façon. Mais bon sang, ils faisaient passer le mot, les uns aux autres pour venir apprendre l’anglais. Il n’y avait pas de restaurants mais l’année où j’y étais, ils ont finalement ouvert un restaurant des Nations Unies. C’était le seul restaurant où on avait le droit d’aller à l’extérieur de nos quartiers. On n’avait pas le droit de manger dans les petits restaurants alentours, on devait aller dans le restaurant des Nations Unies. Et vous aviez de la nourriture normale comme dans un restaurant ici. C’était sympa, vous savez, vous pouviez prendre un Hamburger si vous en aviez envie. Mais mon Dieu, vous n’étiez pas censés aller manger la nourriture, la nourriture coréenne ou quoi que ce soit de ce genre. Et la même chose pour les dons de sang, ce petit garçon (l’enfant qui avait été opéré à l’hôpital à côté de la caserne) avait besoin de sang, bon, j’avais donné mon sang 35 fois et je suis allé voir le docteur de chez nous et il dit : « Vous ne pouvez aller chez les Coréens et leur donner du sang parce que leurs aiguilles ne sont peut-être pas nettoyées correctement et tout ça. » Alors il dit : « Tu ne peux pas aller leur donner ton sang. » Je suis parti en vacances ou en permission pendant sept jours à Tokyo et il fallait y aller en train et ensuite prendre un ferry à Pusan (ville sur la côte sud-est de la péninsule de Corée). On est montés dans le train, ça ne coûtait rien, on avait un bon de transport ils appelaient ça, on est montés dans le train et c’était les Américains qui s’en occupaient, des soldats américains faisaient marcher le train. Et on descendait, ça faisait un sacré bout pour aller jusqu’à l’endroit où on prenait le ferry. Et tout d’un coup, le train s’est arrêté, à toute vitesse et tout le monde a basculé. Alors on a regardé tout autour et le train a reculé un petit peu et il était à l’arrêt et on ne voyait rien du tout. Assez vite, un des gars qu’on connaissait était américain, il travaillait à bord du train, je demande : « Que se passe t-il ? » Il a répondu : « On a heurté deux adolescents sur la voie et ça les a tués. » Oh mon Dieu. Oh oui, avons-nous dit c’est absolument épouvantable. » Oh dit-il, « Ça arrive tous les jours, on en tue un ou deux par jour. Ils marchent sur les rails, ils nous disent, et ils ne bougent pas. » Alors j’ai dit : « Bon, et maintenant que se passe t-il ? » Oh dit-il « Ils vont aller voir la famille là-bas et leur 500 dollars pour chacun d’eux et c’est tout. » Et ils ont juste sauté dans le train et sont repartis. Mon Dieu, ça nous a secoués. Une autre chose qui m’a impressionné c’était, où cette none était, ils nous ont appelés un jour, elle a appelé, on est allés la voir, elle a dit : « Venez cet après-midi, il y a un colonel américain qui a donné une machine à coudre pour les petites filles, pas pour apprendre mais pour les aider à confectionner leurs vêtements je suppose ou quelque chose comme ça. Alors il va y avoir un petit spectacle et vous allez venir et jeter un coup d’œil, il n’y aura pas beaucoup de gens. » Et il y avait seulement une douzaine de petites filles à peu près parce que les Coréens, nous a t-il dit, les Coréens ne se séparent pas des garçons, ils gardent les garçons parce que quand ils sont grands ils peuvent aller dans l’armée et donner l’argent à leurs parents. Mais les petites filles, elles grandissent deviennent des prostituées. Alors ils s’en occupaient là. Elles avaient toutes sortes de couleurs de cheveux il n’y avait qu’une seule petite blonde et toutes les autres avait les cheveux foncés, vous savez, différentes nuances dans le foncé et leurs visages parce qu’elles étaient métissées, vous savez, le mélange avec des soldats américains pour la plupart je suppose. En tout cas, on est allés voir ce petit spectacle qu’ils avaient montés, un petite danse et la religieuse nous a dit, elle dit : « Regardez cette petite blonde. Cette petite blonde, mais les autres gamines, elles l’aimaient tellement, elles ne voulaient pas qu’elle fasse quoi que ce soit, elles faisaient tout à sa place. Et elle est vraiment bête, elle ne sait rien faire. Alors vous regardez. » C’est sûr, elles ont commencé leur petite danse et elle se tenait au milieu et elles dansaient tout autour d’elle, elle n’a jamais bougé, elle est juste restée là debout.