Project Mémoire

Ken Frosty Frost

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Kenneth Frost
Kenneth Frost
Kenneth Frost avec ses petits-enfants Ben et Abby, le 11 novembre 2008.
Kenneth Frost
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Kenneth Frost
Photocopie du registre de service de Kenneth Frost, Angleterre, 1947.
Kenneth Frost
Mais ce n’était pas tout à fait vrai en fait parce que les russes, ils voulaient prendre le contrôle de tout ce qu’ils avaient libéré.
Et bien, je suis né à Middlesbrough dans le Yorkshire en Angleterre. Mon enfance, en fait, pendant toute mon enfance, c’était la guerre, les bombardements et tout le reste. On avait un abri antiaérien dans le jardin de derrière. Et aussi quand il y avait trois raids aériens pendant la nuit on avait le droit de ne pas aller à l’école le lendemain. Alors très souvent on faisait des vœux pour ça, mais on n’aurait pas dû. Mais c’était une question de, de passer à travers la guerre, et elle a duré six ans en Angleterre. Elle a commencé en 1939. Et puis quand j’ai eu 17 ans, j’ai reçu mes papiers de l’armée disant que je devais me présenter pour la visite médicale et aussi passer un test de QI. Donc sur la convocation ils me demandaient, ça disait, dans quel service voulez-vous être incorporé et j’ai écrit la marine, l’armée de l’air et l’armée de terre. Mais j’aurais dû faire l’inverse parce que j’ai échoué dans l’armée de terre en fait. Mais pour en revenir à l’enfance, c’était, comme je l’ai dit, plutôt normal. Quelquefois on se levait, et le lendemain cette maison-ci était rasée et cette maison-là avait sauté. Et, à l’école ils rendaient compte chaque jour de ceux qui avaient été tués qui ne seraient pas à l’école. Et puis une autre chose qu’ils ont faite c’était, quand l’Angleterre a déclaré la guerre à l’Allemagne, on a pensé que la guerre aurait lieu sur le sol allemand. Alors un jour on était à l’école et tout à coup, les bombardiers sont arrivés et il y avait les sirènes qui ont commencé à sonner. Et les professeurs, ils ne savaient pas quoi faire. Alors ils nous ont renvoyés chez nous. Alors nous les enfants on courait de tous les côtés, il n’y avait pas d’abri antiaérien à ce moment-là à l’école. Et après les bombardements, ils en ont construits sur l’aire de jeux. Alors on allait dedans quand il y avait un raid pendant les heures d’école, mais si la bombe tombait sur l’abri, et bien, vous n’étiez plus là de toute façon. On est allé à Graz en Autriche et c’était la station principale. Et une fois encore, c’était toute la garde et ce genre de choses. Et ensuite je suis allé à Vienne pour monter la garde au château de Schönbrunn, dans un avant-poste appelé Semmering. Et c’était seulement pour contrôler les gens qui passaient par là. Je devais descendre au train tous les soirs et j’avais un interprète avec moi. Il était architecte avant qu’ils l’envoient à la guerre. Et il y avait aussi deux russes qui avaient l’habitude de descendre aussi. Et un jour, Joseph Cotton est passé par là, lui et sa femme, pour tourner <<The Third Man>> à Vienne. Et les russes les en ont empêchés parce que leurs papiers n’étaient pas en règle. Alors j’avais dû appeler les services de sécurité et ils sont venus et ils se sont débrouillés pour les faire relâcher et ils sont venus à l’intérieur, on a fait le nécessaire pour leurs papiers et ils ont continué jusqu’à Vienne. La raison pour laquelle on était là, après notre arrivée on a découvert, premièrement, pourquoi étions-nous là-bas, puisse que la guerre était terminée. Mais ce n’était pas tout à fait vrai en fait parce que les russes, ils voulaient prendre le contrôle de tout ce qu’ils avaient libéré. Alors, ils étaient à Vienne, mais les américains étaient à Vienne, eux aussi, et les français, et puis les anglais. Alors on montait la garde et vous pas question de vous aventurer sur les trottoirs quand les russes étaient de garde parce qu’ils vous tirait dessus et c’est tout. Ce n’était pas les gens les plus gentils du monde, ça c’est sûr. Et autrement, je, bon, la seule chose c’était, ce que je n’aimais pas au sujet de l’armée c’est qu’on ne laissait pas penser par vous-même. Vous deviez seulement faire ce qu’on vous demandait de faire chaque jour. L’Autriche était un beau pays parce qu’il n’avait subi que très peu de bombardements, parce qu’il n’y avait pas là d’usines d’armement ou autre en Autriche. Mais traverser l’Allemagne était une autre histoire, tout était rasé. Tout ce que vous pouviez voir c’était les cathédrales et c’est tout, à part ça l’Allemagne était un pays complètement dévasté par les bombardements. Et quand on traversait et que le train s’arrêtait, il y avait toujours des petits enfants sur les côtés, et ils n’avaient pas de maisons, pas de vêtements, rien du tout. Alors vous leur donniez toujours quelque chose, de la nourriture, des barres de chocolat ou quelque chose comme ça. Mais l’Autriche était vraiment magnifique, ses montagnes et ses paysages appartenaient à un autre monde. Les prisonniers étaient toujours gardés prisonniers et n’ont été relâchés jusqu’au moment des procès de Nuremberg et pour se renseigner sur ce qu’ils avaient fait. Et quelques uns de ces prisonniers me donnaient des lettres à poster pour informer leurs femmes de ce qui se passait. Et alors les femmes me retrouvaient au marché pour me donner des lettres pour les prisonniers. J’en ai fini avec l’armée en 1949, et puis j’ai émigré en 1951.