Project Mémoire

Kenneth Wilfred MacArthur

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Pages intérieures du livret de paie de Kenneth McArthur, février 1944.
Photo du livret de paie de Kenneth McArthur, février 1944.
Courtesy of Kenneth McArthur
Courtesy of Kenneth McArthur
Photo contemporaine de Kenneth McArthur, 2010.
Courtesy of Kenneth McArthur
On était les seuls à sortir avec un – mon char est le seul qui est sorti.
En Allemagne (pendant la campagne de Rhénanie), on m’avait envoyé dans cette attaque nocturne. On était seulement cinq dans notre branche (des Canadian Grenadier Guards), on disait que c’était notre peloton. On était les seuls à sortir avec un – mon char est le seul qui est sorti, j’étais le seul chauffeur qu’il y avait, je savais comment faire ça. Mais il y avait tellement de nouveaux qui arrivaient, ils se faisaient tuer. Certains d’entre eux n’étaient qu’à moitié entrainés. En tout cas, j’étais le seul à aller là-bas. On ne pouvait pas faire grand-chose mais on l’a détruit ; détruit l’allemand – aussi loin que de cette porte – dans le noir. Il était contre un pommier, un gros char Tigre ils appelaient ça. Et on l’a détruit. On était aussi près que ça. On l’a battu : sors de là, le patron a dit. Mais ça nous a pris quatre jours pour prendre cet endroit. Mais ensuite ils ont détruit notre char cette nuit-là, après quatre jours. Et c’était tout près, c’était un de ces bazookas. J’étais le seul à être sorti avec un canon. J’étais de ce côté et le mitrailleur était de ce côté. Je disais toujours aux nouveaux, assure-toi que ton canon est dehors sur le… Parce quelquefois on devait aller avec la tourelle, avec un couvercle qui se referme sur nous et on avait un périscope pour regarder. Mais on n’y voyait pas grand-chose dans le noir. Mais il était baissé cette fois, ils arrivaient de tous les côtés. C’est tellement excitant. Quand il frappait, ça ne tirait pas, juste un wouf. Et il était tout excité. Il est sorti en premier et il est allé jusqu’à la grosse transmission, à peu près à ça de hauteur du sol. Et je devais passer par dessus, avec ça de différence. J’avais mon paquetage sur le dos et suis sorti après tout le monde soit sorti et ils m’auraient vu j’étais sur le dessus, devait sauter en bas du char, monter une pièce, deux mètres à deux mètres cinquante. Le seul endroit où il m’a touché c’était mon petit doigt. Mais mes vêtements sont pleins de trous. C’était lui. Et on est descendus et, oh l’artillerie, quelque chose de furieux. On ne pouvait même s’asseoir avec le char parce qu’il était en feu, comme le… Alors on s’est mis sur le sol et on est restés par terre aussi longtemps qu’on a pu. En tout cas, il y avait un gars qui avait l’air d’être tout près avec une mitraillette et j’arrivais à voir les étincelles du canon de son arme. Et j’ai sorti mon pistolet et j’ai tiré sur lui et je l’ai entendu dire, ça ressemblait à quelque chose comme ouille mais c’était en allemand. Mais en tout cas, le gars avec la mitraillette m’a touché tout près m’a mis deux balles là dedans (son bras). Je me suis fait une sorte de bandage et l’ai enveloppé là dedans, mais il pendait toujours, vous savez, explosé. On est descendus à nouveau et il y avait cette chose, un bazooka, une arme ils disaient. C’était un truc pour un seul homme, détruit un char à très courte distance mais ils avaient les bois dans le noir, ils pouvaient arriver jusqu’à nous et on ne pouvait pas les voir. En tout cas, ils ont tiré avec ce truc et ils ont compris que c’était un bazooka, il m’a frappé en plein visage, m’a pris un œil et fait quelques cicatrices. Et c’était, je n’ai pas encore fini. Il y avait un, c’était bizarre aussi. On ne savait pas encore qui gagnait dans cette affaire et les allemands c’était plutôt chaud et puis quelqu’un arrive vers nous. Ils disent, les gars vous êtes nos prisonniers. Bon, j’avais perdu mon arme, bon pas perdue mais je n’arrivais plus à la trouver dans le noir et personne n’avait quoi que ce soit, alors il fallait qu’on y aille. Ils nous ont emmenés dans une maison, c’était un bois, mais pas très loin des bois. Et il ne restait pas un seul arbre, les gros obus lourds avaient tout détruit. Nous ont emmenés dans une maison, elle était vacante parce que les allemands étaient tous partis quand on arrivait. Et il dit, bon – on n’aurait rien pu faire de toute façon, on était tous blessés, un gars était mort ou il est mort peu après – et il dit, vous êtes canadiens. Et je réponds oui. Et il parlait quelques mots d’anglais et il a dit, vous tuez les prisonniers. Et j’ai répondu non. Ils ont tous jeté leurs armes par terre et je crois qu’ils étaient 13 en tout, ils ont laissé tomber. Et on est restés là jusqu’à ce qu’il y ait, ils avaient du matériel là pour, remonter jusqu’au front pour aller chercher les blessés. Voyez, ils ont appelé avec une radio sas fil et ils viennent et avec ce char, c’était un vieux (sûrement un kangourou, transformé en transport blindé), ceux avec lesquels on s’entrainait à Debert (centre d’entrainement en Nouvelle-Écosse) au Canada. Ils enlevaient la tourelle, la partir ronde qui tournait et la jetait et ils l’ouvraient en bas. Et ils prenaient les prisonniers valides là. Alors on est montés comme prisonniers valides ou patients valides (blessés) je suppose qu’on dirait. On a fait la moitié du chemin du retour et on s’est fait à nouveau démolir par les allemands dans les bois. Alors il a fallu qu’on sorte et qu’on marche. Mais on est arrivés là-bas, des gars sont venus, nous ont pris dans une chenillette, nous ont emmenés jusqu’au… Puis je suis allé voir notre vieux docteur, le régiment de fusiliers d’Halifax, notre docteur, il est allé avec quelques régiments aussi on ne l’avait jamais vu. Et je suis entré et cet œil, je le sentais à peine celui là juste parfois il se faisait sentir. Et le vieux médecin militaire, le docteur, qui était avec les fusiliers d’Halifax, j’ai dit, je sais, j’ai parlé avec lui. Il a dit, qui es-tu ? Et je lui ai dit. Oh mon Dieu, je te connais. Il a dit. Et il avait dit, qu’est-ce que je peux faire pour toi ? Et j’ai dit, bon, j’ai un œil de parti et, j’ai dit, j’ai, je crois que mon bras est cassé. Je savais qu’il était cassé mais j’ai juste pensé que peut-être. Et il l’a sorti et l’a sorti de cette chose et il est tombé comme ça, flop. Mon Dieu tu n’es pas, non, il n’est pas cassé, il a dit. Il s’est juste cassé là. En tout cas, on m’a soigné. Je suis resté là-bas quatre ou cinq jours et je crois qu’ils ont changé le, comment vous appelez ça, le plâtre qu’ils mettent dessus. Le plâtre, oui, deux fois. Ils l’ont mis en morceaux et ils les ont remis ce qui restait en place. Et je suis monté dans un vieil avion, c’était un avion qui faisait la navette avec les soldats. Mais j’étais le seul dans l’avion et ils m’ont ramené en Angleterre. Et il est passé au dessus de deux autres endroits où les allemands avaient encore des armes antiaériennes. Et vous pouviez les entendre cliquer sur le côté de… Alors j’ai passé cinq mois et demi là-bas avant de rentrer chez moi. Et voilà c’est tout.