Cinq cent mille juifs russes ont participé à la guerre. Plus deux cent mille d’entre eux ont été tués. Des trois cent mille qui n’ont pas été tués, certains étaient blessés trois, quatre fois et on les rappelait à chaque fois. Moi-même j’ai été blessé en février 1942. J’étais grièvement blessé. J’ai été réformé de l’armée (soviétique) et définitivement, parce que je m’étais salement abimé le bras droit.
Quand les allemands ont occupé mon village, ma ville, ils ont crée des ghettos, vous savez ce que le mot ghetto veut dire ? Les allemands tuaient les juifs. Ils ont tué mon grand-père, ma grand-mère, ils ont tué mon père et ma mère. Ils ont tué mes jeunes frères et sœurs. Ils tuaient tous les juifs qu’ils trouvaient. Pour les allemands, il était plus important de tuer les juifs que de sauver leur propre population.
J’ai été enrôlé en 1941, à l’âge de 19 ans. J’ai suivi l’entrainement en Sibérie, mais après on m’a envoyé sur le blocus de Leningrad, qu’ils appellent Petrograd [Saint-Pétersbourg] maintenant. Je n’étais pas à l’intérieur, j’étais à l’extérieur. Les gens de Petrograd vivaient avec140 grammes de pain, du pain mélangé à de la sciure. Il y avait un lac, le lac Lagoda. L’hiver, nuit et jour, les transports arrivaient de Petrograd, évacuant les gens de là. Mon travail c’était le téléphone. J’avais le raccordement téléphonique sur l’épaule. Juste avant que je sois blessé, je suis allé dans la chambre souterraine, il y avait un officier militaire là-bas. Je ne sais pas s’il était capitaine, je ne sais pas ce qu’il était, j’étais juste un soldat moi. Et j’étais avec lui à ce moment-là. Il était très amical, très gentil. Mais alors il fallait aller dehors, il n’y avait pas de plomberie à l’intérieur là-bas. Et puis les balles ont sifflé et ensuite j’ai été blessé.
Quand j’ai été blessé, à ce moment-là il y a eu une courte période de chaleur en février, une période de chaud. Les traineaux pour me sortir du champ de bataille ne pouvaient pas passer, alors ils ont mis des troncs d’arbres sur la boue. Et chaque fois que les traineaux nous emmenait, vos os craquaient. Un gars à côté de moi, il avait 17 ans, il était blessé à la poitrine sur la droite, et ils ne pouvaient pas lui mettre un bandage. Le râle qu’il produisait c’était quelque chose d’épouvantable. Mon bras a été bandé sans difficulté, lui, ils ne pouvaient pas. Et il avait 17 ans. Et il s’appelait Youri Pishinkov, il était ukrainien. Et il semblait très mal en point. Ils nous ont sortis et nous ont emmené dans un garage, un garage de voitures, vide, et il y avait des centaines de soldats blessés allongés sur le sol là-bas. Jusqu’à ce que le train militaire, qui provenait d’un train de passagers, ils ont fait un train militaire qui avait trois rangées de genre de couchettes superposées. Mais les allemands continuaient à nous bombarder. Mais plus on s’éloignait du front et plus on approchait des montagnes de l’Oural, plus on était en sécurité parce que les avions allemands ne pouvaient pas nous atteindre. Et puis ils m’ont emmené dans un hôpital là-bas près des montagnes de l’Oural, j’ai passé quatre mois à l’hôpital. J’ai été réformé du service militaire définitivement.
Et puis la guerre s’est terminée en 1945, mon frère était prisonnier. Mais si la guerre avait duré plus longtemps, il aurait été pris comme juif. Quelqu’un l’aurait dénoncé. Mais je l’ai retrouvé dans notre village, dans notre ville, ils l’appellent le village juif, Jewish shtetl. Mais il n’y a plus de juifs là-bas.
Date de l'entrevue: 18 octobre 2010