Lorenzo Tremblay a servi pendant la Deuxième Guerre mondiale.
Pour le témoignage complet de M. Tremblay, veuillez consulter en bas.
Prenez note que les sources primaires du Projet Mémoire abordent des témoignages personnels qui reflètent les interprétations de l'orateur. Les témoignages ne reflètent pas nécessairement les opinions du Projet Mémoire ou de Historica Canada.
Transcription
Je suis Lorenzo Tremblay, sergent dans le Régiment de la Chaudière, présent au Débarquement de la Normandie à Bernières-sur-Mer, le 6 juin 1944. J’ai perdu mon père à 11 ans. On était une famille de dix enfants. On n’avait pas de travail. J’ai donc décidé de m’enrôler. On est parti, une dizaine de ma place. J’étais opérateur de [la mitrailleuse légère] Bren .303 et de [la] lance-flammes. On était soixante-quatre sur le peloton, qui était le peloton [numéro] quatre de la compagnie de support de la Chaudière.
On s’est préparé pour le Débarquement en Normandie. On est embarqué à Southampton [Angleterre] le 5 [juin] à 5 heures le soir. On a passé la nuit sur l’eau et on est arrivé devant Bernières-sur-Mer vers 7 heures du matin. Après ça, la vraie guerre est commencée. On était réellement dans l’action. On ne pouvait pas débarquer à terre tout de suite. Ils nous ont emmenés sur des chalands. Ils nous ont emmenés au bord. On a combattu jusqu'à l’autre côté de Bernières. Nous avons passé la nuit derrière le village de Bernières. L’action a commencé cette journée-là et s’est poursuivie jusqu'à 4 mai 1945 [date de la reddition allemande], la journée de la victoire. Si je prenais le temps de vous expliquer partout où je suis allé, on en aurait pour la journée !
J’ai été à deux ou trois places avant Carpiquet. À Carpiquet, ça a été presque une semaine. On a passé à Rots - après ça à Colombelles, Rots et après Rots on est passé à Carpiquet. À Carpiquet, ça a été terrible parce que les [Canadiens] Anglais avaient pris Carpiquet. Ils ont fêté trop vite et les Allemands ont contre-attaqué. C’est nous autres, le Régiment de la Chaudière, qui a eu la job d’aller la reprendre à nouveau. On a mangé une vraie bonne claque; on a perdu beaucoup de monde.
J’ai changé d’équipe avec un sergent qui venait d’arriver d’une attaque. On faisait une attaque chaque jour. Chaque attaque, on changeait de section. Il y avait un sergent nommé Gagnon. Il était arrivé d’une attaque et il avait la grippe, il était malade. Il est venu me demander si je pouvais le remplacer pour la prochaine attaque et ensuite il me remplacerait pour deux autres attaques. J’ai accepté. Pendant que j’attaquais à sa place, nos propres avions se sont trompés detarget[cible]; ils ont lancé des bombes sur nos positions. Armand Gagnon, il venait d’une place derrière Rivière-du-Loup. Le sergent Gagnon s’est fait tuer. Il est allé se cacher en dessous ducarrier[la chenillette porte-Bren] et puis lecarrierà reçu une bombe [le 14 août 1944, lors de l’avance vers Falaise]. Je vais vous dire que j’ai une mémoire épouvantable. Je me souviens de tout. Je vois tout mon chemin encore à l’âge que j’ai là, de A à Z. Je m’étais fait un journal et chaque jour je marquais des points de repère; où on était et ce qu’on allait faire ou ce qu’on avait fait. Je m’étais marié avant de partir du Canada, j’étais très en amour avec ma femme. Je m’ennuyais beaucoup de ma blonde. Ça a été tout mêlé avec mon histoire.
On est allé à Vimy, dans le même coin où la guerre de 1914-1918 s’est terminée. Ensuite nous avons déménagé à Nijmegen [Pays-Bas] et nous y avons passé l’hiver. J’ai passé dans des tunnels [à Vimy]. Nous n’y avons pas combattu, mais nous avons fait de l’exploration. On s’est aperçu que ce n’était pas la guerre de 1914-1918. C’était un autre genre de guerre. C’était une guerre motorisée. En 1914-1918 ils n’avaient pas d’avions et de bombardiers. Ils n’avaient pas l’équipement qu’on avait en 1939-1945. C’était du corps à corps en 1914-1918. C’est un mémorial. Quand on voit ce monument-là, il vous en passe des frissons. Ils n’en ont pas fait de monument pour notre guerre.
La nuit en rêve, je fais la guerre. Je suis pris dans un bombardement. C’est dur à expliquer, mais ça arrive très souvent encore. Je suis resté marqué par ça. Je n’étais pas vieux. Quand j’ai vu disparaître les côtes du Canada en quittant Halifax, j’aurais voulu ne pas pleurer, mais j’étais incapable. Je me disais, je reverrais mon pays si je suis chanceux. J’ai été assez chanceux pour revenir. On n’est pas beaucoup qui sont revenus du débarquement.
J’ai refait le voyage vingt fois en France, à tous les anniversaires. J’ai essayé de rencontrer les familles que j’ai connues. Je n’en ai pas trouvé. J’ai trouvé des amis qui ont voulu m’héberger. Comme à Amersfoort en Hollande, un nommé Kost on est en communication presque tout le temps. À Paris un nommé Mandrillon, on est en communication presque tout le temps depuis la guerre.