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Louis "Henry" Howard
Date de publication en ligne le 3 août 2022
Dernière modification le 3 août 2022
C’est pendant ma première année d’université en arts et sciences que je suis entré à l’UNTD, la Division de l’entraînement rattachée aux universités. J’ai aussi suivi un entraînement à Chippawa [Manitoba], siège du Poste de commandement naval de Winnipeg. Cet été-là, j’ai passé six semaines à Naden, qui se trouve à Esquimalt (C.-B.), et j’ai ensuite tenté de gagner un peu d’argent pour l’année à venir. Je suis donc entré en service actif dans la Marine. C’était en décembre 1942. J’étais d’abord simple marin mais pendant l’entraînement, j’imagine qu’on m’a repéré car on m’a demandé de siéger au conseil des officiers, et j’ai dû les impressionner car on m’a vite tiré de mon hamac pour m’envoyer en stage. J’ai bien aimé, et on m’a envoyé suivre une formation d’officier au King’s College, à Cornwallis [Nouvelle-Écosse] et ailleurs.
Mais j’ai quitté le pont inférieur pour devenir officier de navigation et officier de l’ASDIC du NCSM Sarnia. Et lors d’une mission de convoi, j’ai eu le grand plaisir de mourir de froid dans l’Atlantique Nord. Enfin, j’en suis évidemment sorti vivant, mais il faisait un temps glacial pendant nos escortes de convois à partir de Halifax. On appelait ce trajet la route du triangle. Nous partions de Halifax à destination du sud de l’Islande en un point de rencontre appelé OMP, ou West Ocean Meeting Place. Puis nous prenions en charge des navires de retour d’Angleterre avant d’aller à la rencontre du groupe d’escorte du milieu de l’Atlantique, à qui nous transférions nos navires tandis qu’il nous transférait ses bateaux vides, que nous escortions ensuite jusqu’à New York, Boston, Sydney ou ailleurs. Et voilà en quoi consistait notre travail.
Un officier de navigation a pour tâche de suivre le parcours d’un navire, de son point de départ à son point d’arrivée, de manière à pouvoir informer en tout temps le capitaine et le timonier de l’endroit où il se trouve. Du moment où s’effectue le contact avec l’ASDIC, l’officier de navigation devient officier de l’ASDIC, et je n’avais alors qu’à monter d’une position sur le pont pour retracer les déplacements en cours et indiquer au capitaine que nous avions un contact et ce qui lui arrivait. Je suivais ainsi le parcours d’un navire pendant que nous poursuivons un contact ASDIC, et quand le signal « dégagé » était donné, je revenais en poste vérifier les tracés pour déterminer où nous nous trouvions à la fin de ce contact et continuer d’informer le capitaine de notre vitesse et de notre direction. Les deux tâches allaient donc de pair. Et je n’avais que 21 ans à l’époque.
Fin mars 1945, on nous a retirés de la Force opérationnelle d’escorte de convoi pour nous envoyer à Halifax, dans la Force de défense locale, parce qu’on avait repéré un sous-marin au-delà des butées de Halifax grâce à l’interception de ses transmissions avec son quartier général allemand. Alors on nous a dit au chantier maritime : « Les gars, il y a un sous-marin là-bas, et vous partez à sa recherche en mission de destruction. » Le 14 avril 1945, le capitaine du [NCMS] Esquimalt est arrivé et nous nous sommes réunis dans la salle du conseil pour planifier le repérage et la destruction du sous-marin, prévue pour le lendemain matin. Si bien que le 15 avril, nous étions tous deux en mer à 8 heures, et le chantier maritime nous avait remis un quadrant pour chercher le Sarnia et un autre pour repérer l’Esquimalt au large des butées de Halifax. Nous avions convenus lors de la réunion que le Sarnia et l’Esquimalt se rencontreraient à un endroit appelé « Sea Boy ». Nous savions tous deux qu’il s’agissait d’une balise, juste au-delà des butées. Et nous avons décidé de nous rencontrer là, à 8 heures, au matin du 16 avril 1945.
Et le matin en question, impossible de trouver l’Esquimalt ou de le détecter par radiotélégraphie. Nous en avons informé le capitaine D, du chantier maritime, lui demandant d’envoyer des avions depuis Shearwater [Nouvelle-Écosse] pour repérer l’Esquimalt. Et ce n’est que plus tard qu’on a su qu’il avait été torpillé à 6 h 37 en ce matin du 16 avril, et qu’il avait coulé en quatre minutes environ. L’opérateur radio n’avait pas eu le temps d’envoyer un message ou un signal de détresse, et c’est pourquoi l’Esquimalt ne se trouvait pas à 8 heures à la balise prévue.
Et pendant que nous envoyions au chantier militaire un message disant que l’Esquimalt était introuvable, nous avons eu deux contacts ASDIC et nous sommes mis en poste de combat pour larguer des grenades sous-marines. À 10 h 30, le type du chantier maritime s’est finalement réveillé pour nous demander si on avait trouvé l’Esquimalt. C’est là que nous lui avons dit d’envoyer des avions de Shearwater. Et ce n’est qu’à midi qu’un avion s’est pointé. À l’époque, je pouvais décoder les signaux en morse des fanaux, et ceux du gros avion qui nous survolait disait « Survivants au loin ». Nous avons foncé et rescapé 27 membres d’équipage. Mais 13 autres avaient déjà péri. Ce jour-là, 44 jeunes hommes ont péri dans une eau à 34º Fahrenheit parce que quelqu’un n’avait pas fait son travail à Halifax. Oui, la guerre était presque finie, mais l’on n’a pu éviter ces pertes de vie. Mais le rôle que j’ai joué ce jour-là m’a valu d’être reconnu par le gouvernement, qui m’a remis une citation à l’ordre du jour que je porte encore fièrement aujourd’hui.
Nous étions en patrouille, toujours dans le port de Halifax, et toujours à la recherche d’un sous-marin allemand censé roder dans les parages, quand ont éclaté les émeutes du jour de la Victoire en Europe. Ils nous avaient oubliés et j’ai consulté mon journal de bord pour constater que j’étais de garde ce jour-là de 8 heures à midi et de 20 heures à minuit. Et nous étions toujours là le 6 juin [mai]. On nous avait oubliés en raison des émeutes qui se déroulaient à Halifax et dont nous pouvions voir les feux au loin. Et le type du local de l’émetteur radio a fait jouer une chanson de Patty Page, « Going to Take a Sentimental Journey ». Oui, quelle histoire, nous savions tous que la guerre était finie et que nous y avions survécu, et voilà qu’on nous avait oubliés au large de la côte.
Alors, où étais-je le jour de la Victoire en Europe ? J’étais en mer avec mes camarades, oubliés de tous, observant sur le pont du NCSM Sarnia le ciel éclairé par les feux de Halifax.