Project Mémoire

Louis Le Moing

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Institut Historica-Dominion
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M. Le Moing, le 27 mai 2010, à Portage La Prairie.
Institut Historica-Dominion
Comme en Hollande, les gens avaient faim, c’était effrayant. Les villageois venaient nous voir pour avoir une tasse de thé que nous préparions sur le feu à l’extérieur.
Mon nom est Louis Le Moing. Je suis né le 5 mai, 1920. J’ai joint l’Aviation royale canadienne au mois d’aout 1941. Au mois d’août, j’ai eu mon appel parce que j’avais 21 ans. Un canadien à 21 ans à l’époque, il recevait son appel. Plutôt que de me faire recruter de force, si je peux me servir du terme, j’ai choisi de rentrer dans l’aviation à Winnipeg. Au printemps 1945, j’ai été envoyé sur le continent; c'est-à-dire, la France, la Belgique, la Hollande et l’Allemagne. J’ai également travaillé sur les quatre-moteurs en Angleterre, sur des bombardiers Halifax et les Lancaster. Mais lorsque j’étais sur le continent, j’ai surtout travaillé avec des petits avions. C’était l’AOP en anglais, le Air Observation [Post] [poste d’observation aérien]. Ils dirigeaient le tir d'artillerie par radio. On avait une demi-douzaine de ces petits avions-là avec lesquels on pouvait atterrir dans n’importe quel champ en Belgique, en Hollande ou n’importe où. J’étais responsable de l’entretien de ces avions là. Les pilotes étaient des officiers de l’artillerie canadienne qui avaient de l’expérience et qui dirigeaient les tirs d’artillerie. Ces petits avions volaient très bas pour ne pas être atteints par les canons antiaériens. Vers la fin de la guerre, nous avons vu des choses bien tristes à plusieurs places. Comme en Hollande, les gens avaient faim, c’était effrayant. Les villageois venaient nous voir pour avoir une tasse de thé que nous préparions sur le feu à l’extérieur. Souvent quand nous recevions des paquets de chez nous, les enfants venaient nous voir et on leur donnait du chocolat et des choses du genre. Ensuite ça a monté vers l’Allemagne, quand à commencé le cessez-le-feu. J’étais près de la mer du Nord dans une ville allemande tout près de Wilhelmshaven. Parce que j’étais responsable de ces avions-là, j’avais un bureau. C’était une table avec une radio, un téléphone et un revolver. À trois heures de l’après-midi le 4 mai [1945], je savais que le lendemain à sept heures le cessez-le-feu allait commencer. La guerre était finie. On revenait vers le sud pour éventuellement arriver en Angleterre. On arrêtait de place en place. On s’est arrêté dans un champ et on a entendu une explosion. On a sauté dans notre voiture et [on] est allé à ce village d’où venait le bruit d’explosion. C’était des bombes qui avaient été larguées sur le chemin de fer par les Allemands et qui n’avaient pas explosé. Des civils ont essayé de sortir ces obus-là. Ils en ont sorti un correctement. Le deuxième a sauté. Quand on est arrivé là, il y avait des morceaux de Hollandais éparpillés un peu partout. Un massacre épouvantable. J’ai vu des affaires. J’étais nouveau un peu, et j’entendais les 88 Allemands [canon antiaérien de 88mm], les eighty-eights. Ça fait un bruit spécial. Je ne savais ce que c’était. Il y avait des Polonais qui supportaient l’armée canadienne avec leurs tanks [chars d’assaut]. Je les ai entendus parler en polonais. Ils se sont ensuite cachés sous leurs tanks. J’ai vite compris. Une bombe est tombée et en explosant, a creusé un trou assez grand pour y enterrer une maison. Penses tu, des jeunes manitobains… Je parle pour beaucoup de monde quand je dis ça… Des jeunes de 18,19,20, 21 ans. Ils connaissaient juste leur petit village, aller à un party le soir et travailler un peu. La guerre m’a beaucoup changé. Ça m’a donné de la maturité très rapidement. Si j’écoutais la radio, c’était pour m’amuser, car j’ai joué du violon étant jeune. J’étais invité à des soirées. C’était la belle vie malgré le fait que nous n’avions pas beaucoup d’argent. C’était la grosse crise des années 1930. Après ça, j’ai vu beaucoup de gens souffrir, beaucoup de gens se faire tuer. Des gens dans les hôpitaux en Angleterre, à Londres. Les bombes arrivaient, alors l’alarme sonnait. Ils se réfugiaient dans les air-raid shelters [abris antiaériens]. Les gens chantaient et jouaient du piano et prenaient une bière. Ça a été beaucoup dit qu’Hitler a perdu la guerre quand il a cessé de bombarder les champs d’aviation. Pendant un bout de temps, les avions ne pouvaient même pas décoller à cause des trous sur les pistes. Il a décidé de bombarder la ville de Londres pour démoraliser le peuple anglais. Personne ne peut démoraliser les Anglais, il faut leur donner ça. C’est vrai, selon ce que j’ai vu en tout cas. Je le dis à qui veut l’entendre…Quand j’ai été en Hollande… Je le lis encore et je l’entends encore; les Canadiens ont été tellement bons pour les Hollandais. Les Hollandais sont reconnaissants envers les Canadiens et ils en parlent tous les jours dans les écoles. Nous les Canadiens avons perdu beaucoup de monde dans la deuxième guerre mondiale. On a perdu des hommes en masse. Beaucoup trop. On a une tendance à laisser ça aller. Ce que vous faites là, c’est un pas dans la bonne direction tant qu’à moi. On ne veut pas que les gens parlent de la guerre tous les jours, mais on ne veut pas non plus qu’ils l’oublient.