Je m’appelle Major John J.H. Connors. Je mets les initiales parce que mon fils avait le même grade que moi mais il avait les initiales « J.G ». J’ai porté l’uniforme et servi l’armée pendant 32 ans, à partir de 1934, dans la milice à Kingston – le Princess of Wales Own Regiment. La force permanente du RCR – le Royal Canadian Regiment – en 1935 et en 1938, j’ai été transféré au Corps de santé royal canadien, le corps médical.
Je ne me rendais pas compte que la guerre arrivait, mais je devais être le seul à ne pas m’en rendre compte. Après avoir été nommé officier, j’ai été affecté à titre d’officier du Corps médical à l’ambulance de campagne canadienne n° 11, c’était la 4e Brigade d’infanterie canadienne et la 2e Division de l’infanterie canadienne. À cette occasion, ma section opérait avec la Royal Hamilton Light Infantry. On m’a donné l’ordre de me mettre derrière le poste de secours régimentaire qui se déplaçcait dans une partie protégée du convoi , ce qui veut dire qu’on avait des portes-mitrailleuses Bren devant nous et derrière nous. Notre portion du convoi a subi d’intenses tirs de mortiers et d’obus et on a reçu l’ordre de se mettre immédiatement à l’abri et de se retrancher et c’est ce qu’on a fait. Mais je dois dire que c’était assez effrayant parce que c’était la première fois qu’on se retrouvait face aux tirs des « Moaning Minnies » [mortier allemand multitubes]. On est repartis pendant environ 21 h 30 et en avançant lentement, le convoi est arrivé dans la ville d’Elbeuf. Les Allemands étaient au-dessus des falaises et de l’autre côté du fleuve et après avoir été immobilisés pendant plus d’une heure, [on] a reçu l’ordre de faire demi-tour avec nos véhicules, mais le convoi ne pouvait pas bouger.
L’ennemi a commencé a envoyer plein de fusées éclairantes sur notre position et on n’avait toujours aucune possibilité de liberté de mouvement. J’ai commencé à m’alarmer pour le régiment avec lequel j’étais et pour mes hommes et j’ai essayé de dégager des portes-mitrailleuses sur le bord de la route pour permettre au moins aux véhicules non blindés du régiment et à mon propre véhicule de tenter un retrait parce que je savais que les fusées éclairantes étaient un prélude à l’attaque. Pas de chance.
Ce qui semblait être de petits obus de mortiers s’est mis à exploser au milieu des véhicules et a entraîné beaucoup de pertes. J’ai ordonné à mon chauffeur, soldat Wiebe, d’avancer en se forçant un chemin et j’ai donné l’ordre au poste de secours régimentaire de me suivre s’il le pouvait. La position dans laquelle on était m’inquiétait beaucoup et j’ai ordonné à Wiebe d’avancer à nouveau en force. On a fait dix pieds [3 m] environ quand cinq grenades ou des obus de mortier, qu’importe, ont explosé près du véhicule et mon chauffeur a été gravement atteint. Malheureusement, il est mort plus tard de ses blessures. C’était ma première expérience d’une embuscade ennemie et je me suis donné beaucoup de mal pour ne pas avoir à revivre ça dans le futur.
C’est moi-même qui ai remplacé le chauffeur blessé et j’ai ordonné à tous ceux qui le pouvaient de me suivre car j’allais essayer de forcer une sortie pour nous extirper de ce piège. J’y suis parvenu après avoir abîmé au passage trois portes-mitrailleuses Bren, une jeep, un 15cwt [camion] et une maison dont j’ai arraché le porche. Mon 15cwt a été touché plusieurs fois, la transmission ne me permettait plus que de conduire en première vitesse et plusieurs pneus ont été touchés. Cinq de mes quatorze hommes ont été blessés et plus tard mon chauffeur est mort. Les blessés du régiment que j’avais dans le véhicule ont aussi été ramenés à Elbeuf pour être traités et évacués au poste de secours avancé qui se trouvait à quelques km derrière nous à ce moment-là.
Plus tard ce matin-là, j’ai décidé de retourner sur la scène du carnage de la veille parce que quelqu’un nous avait informé que les blessés du Essex Scottish s’étaient déjà réfugiés dans une grotte du côté de la falaise et qu’ils ne pouvaient pas sortir sans qu’on leur tire dessus. Pour en finir avec ce malheureux épisode, Miller et moi on est retournés dans la cabine de l’ambulance pour nous préparer à sortir de là en force. Il a admis qu’il ne se sentait pas trop bien à l’idée de monter sur la colline devant nous et je lui ai dit que pour sûr je partageais son sentiment d’insécurité. Toutefois, on devait faire une tentative, au cas où il y avait des blessés qui avaient besoin d’être évacués. Nos signes de la croix rouge au-dessus de l’ambulance, sur les côtés, à l’avant et à l’arrière étaient énormes et la visibilité était parfaite, je me suis dit : « Est-ce que les Allemands vont respecter les Conventions de Genève? » Quand j’ai commencé à monter la colline en première, je n’ai plus eu aucun doute à ce sujet. L’ambulance a été criblée [de balles] mais une fois de plus, je n’ai pas été touché. Pour le dire franchement, ça a été une nuit d’enfer pour le lieutenant et ses hommes, sans parler des hommes de la Royal Hamilton Light Infantry, qui pour beaucoup venaient d’arriver, des renforts inexpérimentés du Canada. Plus tard, suite à notre combat contre l’ennemi, on pouvait lire l’essentiel de ce qui suit dans la Gazette du Canada, Numéro 13, Volume 79, du 31 mars 1945 : « Décorations et titres honorifiques : Le Roi a le plaisir d’approuver la citation de l’officier mentionné ci-après à l’ordre du jour en reconnaissance de ses services valeureux et distingués. Lieutenant John Joseph Hayward Connors, Corps de santé royal canadien." [traduction non officielle].