Project Mémoire

Marcel Richard

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Photo récente de Marcel Richard.
il y avait quand même la grande misère de la guerre dans l’infanterie qui est le manque de sommeil. C’est le pire. C’est pire que la faim. C’est pire que la peur. C’est pire que la soif. On les a toutes, ces choses là, mais c’est le manque de sommeil.

Mon nom est Marcel Richard. Je suis né à Québec. J'ai fait une carrière dans l'armée. J'ai commencé dans la milice en 1937. Puis en 1939, j'ai été au Collège militaire royal du Canada, à Kingston. Là, un dénommé Adolphe Hitler a dérangé mon plan de carrière. Je me suis retrouvé officier subalterne au Royal 22e, un régiment dans lequel mon oncle avait servi, avait été tué en 1917 et auquel j'étais attaché.

J'ai fait la guerre en Sicile, débarquement en Sicile, débarquement en 1943 et en Italie. J'ai été blessé en décembre 43. C'était au nord d'Ortona, la bataille pour un hameau qui s'appelait Casa Berardi – la Casa de Berardi – où mon commandant de compagnie à l'époque, Paul Triquet, s'est d'ailleurs rendu jusqu'au bout et a mérité la Croix de Victoria pour sa conduite et a repoussé des contre attaques. Il s'est rendu avec 12 hommes, finalement.

Alors, moi, dans mon cas, c'est après avoir traversé la ligne de départ. Le peloton que je commandais était en avant à gauche et puis, en arrière d'une maison, pas la Casa Berardi, une autre avant celle là. J'ai vu un char d'assaut reculer de là. Alors, avec mon peloton, nous avons exécuté la manœuvre, fait venir un projecteur d'infanterie anti-char et avons démoli le char. Moi, j'ai fait le coup de feu sur des soldats allemands qui étaient là. Et puis, voilà, tout à coup j'ai reçu une balle qui m'a passé dans l'épaule gauche et puis ç'a fini cette bataille là pour moi. Ça faisait à peu près, oh! je ne sais pas, 20 minutes que nous avions traversé la ligne de départ. J'étais évacué et tout. Je suis revenu au régiment et où j'y suis resté jusqu'à la fin de la guerre.

Revenu au pays, je suis resté dans l'armée comme prévu. Lorsque la Guerre de Corée s'est déclarée, j'ai été en Corée comme commandant de compagnie dans le 2e Bataillon du Royal 22e (Régiment). Puis après mon temps en Corée, je suis revenu et j'étais au Collège d'état major. J'ai continué. J'ai servi de nouveau au Royal 22e comme commandant adjoint du 2e Bataillon; par après, comme commandant du 3e Bataillon parachutiste.

Et c'est à peu près ma carrière au Royal 22e. Après ça, j'ai été nommé colonel. J'ai commandé à la base de Valcartier. J'ai été nommé brigadier-général. J'ai été notamment attaché militaire du Canada à Paris et puis, éventuellement, j'ai pris ma retraite il y a maintenant 25 ans.

Quand nous sommes arrivés en Corée, c'était avant l'armistice et puis avant la trêve armée qui ont régné là. Moi, mon tour en Corée, c'était en 1951. C'était au début de la participation canadienne. Et nous avons encore avancé assez longtemps. Enfin, assez longtemps! Quelques semaines. Deux semaines, quelque chose comme ça. Et là, petit à petit là, des interventions aux Nations-Unies, diplomatiques et autres, ç'a modéré le taux des opérations. Mais nous avons gagné le nord de Séoul, une ligne, une latitude au nord de Séoul, quand ç'a s'est finalement plus stabilisé. Nous avons eu une couple de bonnes batailles et puis, malheureusement, nous avons eu des pertes là aussi. Et nous en avons causé aux Chinois aussi. Ce n'était pas une guerre là, genre comme maintien de la paix ou quelque chose comme ça. C'était une guerre à coups de feu, d'intensité, je dirais, moyenne allant jusqu'à haute. En Italie, l'intensité était haute à peu près presque tout le temps, sauf pendant certaines périodes où épuisés de chaque côté, je dirais, les Allemands aussi, nous ralentissions et nous tenions une ligne de défense et essayions de maîtriser le no man's land, et il y avait quand même la grande misère de la guerre dans l'infanterie qui est le manque de sommeil. C'est le pire. C'est pire que la faim. C'est pire que la peur. C'est pire que la soif. On les a toutes, ces choses là, mais c'est le manque de sommeil.