Project Mémoire

Margaret Tweedie Duff

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Margaret Duff
Margaret Duff
Margaret Duff en uniform.
Margaret Duff
Il manquait à l’appel. Et les deux autres étaient blessés. C’était d’une grande tristesse. Chaque fois que quelqu’un manquait, c’était comme si la mort s’abattait sur le campement.

Transcription

Je suis née à Édimbourg, à environ huit kilomètres du centre de la ville, dans un petit village du nom de Gilmerton. Je vivais avec ma mère, mon père, et j’avais deux autres sœurs. Je n’avais pas de frères. Ils avaient une entreprise que je les ai aidés à gérer jusqu’à ce que je sois en âge d’être appelée pour fabriquer les munitions. Et je ne voulais pas aller fabriquer des munitions, alors je me suis portée volontaire pour la RAF [Royal Air Force].

Je suis allée à la RAF à Morecambe [Angleterre] et j’ai fait ma formation. Elle a duré environ six semaines, deux mois. Puis je suis allée à Evanton, dans le nord de l’Écosse, et j’ai fait le reste de ma formation là-bas. C’était très calme, il n’y avait pas grand-chose à faire et je n’ai pas grand-chose à dire dessus, mais on vous entraînait et on vous faisait faire de l’exercice tout le temps, on voulait juste que vous restiez en forme.

De là, j’ai été affectée à Leuchars [base de la RAF] à Fife [Écosse]. C’était un [fighter drome]. J’y suis restée presque trois ans et il n’y avait que des pilotes et des mitrailleurs qui allaient tous à la frontière allemande et qui tiraient de nuit. Je m’allongeais et je les écoutais revenir le matin, et je pouvais leur dire, au contrôle aérien, combien il en manquait. Et ils disaient : « Comment le sais-tu? » Je répondais : « Parce que j’étais allongée et je les écoutais revenir et je pouvais dire qu’il en manquait un et qu’il en manquait deux. » Et l’un d’eux était un gars avec qui j’étais sortie la veille pour souper et passer une bonne soirée. Et il avait disparu. Et deux autres garçons ont été blessés. Il y avait donc beaucoup de tristesse. Quand quelqu’un disparaissait, c’était comme un décès au camp.

Et c’était un grand camp, mais c’était très, je dirais qu’on était très proche les uns des autres. Même s’il y avait 300 membres du personnel, ils se connaissaient tous. Donc c’était comme un décès dans une famille parce qu’ils, ils se collaient tous les uns aux autres. Et quand ils savaient que quelqu’un sortait la nuit, ils se demandaient toujours quelles nouvelles j’avais pour eux au matin parce que je pouvais leur dire, je pouvais les entendre revenir et je disais, « Il manque quelque chose, on a un disparu. » Et puis peu de temps après, un autre manquait à l’appel. Je pouvais donc leur dire et ils répondaient : « Tu as raison, Margaret, tu l’as entendu parce que quelqu’un d’autre l’a entendu en écoutant le matin. »

C’est ce que j’ai fait et j’ai vraiment commencé à m’intéresser aux choses, et c’était tout près de Dundee en Écosse, alors j’avais l’habitude d’aller rendre visite à une autre fille du WAAF [Women’s Auxiliary Air Force] qui était là et de rester chez ses parents peut-être pendant la fin de semaine. Et puis la fin de semaine d’après, j’allais chez mes parents. Eh bien, la formation, vous alliez dans un foyer. Il n’y avait que des foyers à Morecambe. Chaque propriétaire devait accueillir un certain nombre de filles, vous savez. Et vous alliez chez elles et elles fournissaient les repas. Et vous deviez vous lever à 5 h 30 du matin et l’entraînement était à 6 h du matin. Et on marchait le long du front, là où il y avait la mer. On était toutes dehors, des centaines de filles. On allait toutes en groupes et on faisait notre entraînement et nos exercices, debout, couchées, couchées, debout et tout ce qui pouvait nous garder en forme. Et on mangeait bien parce que les propriétaires étaient bien payées pour ce qu’ils nous donnaient.

Je n’ai aucun regret d’y être allée et j’y suis restée toutes ces années, mais j’ai apprécié. Je n’aimais pas perdre les garçons qui étaient là avec nous, mais j’aimais la vie et la vie au grand air. Bien sûr, j’étais quelqu’un qui aime le plein air.

Eh bien, tous les jours se ressemblaient parce qu’il y avait toujours des messages qui arrivaient. Ils étaient d’origine électromagnétique. C’était comme une machine à écrire branchée sur l’électronique. Et vous pouviez joindre n’importe quel camp tant que vous connaissiez leur code. Il fallait connaître le code pour que le message passe. Et ensuite, vous pouviez leur transmettre n’importe quel message, comme si vous le tapiez et qu’il était directement transmis à ce camp, quel qu’il soit, et ils pouvaient vous renvoyer un autre message lorsqu’ils avaient la citation, vous envoyer la réponse. Et cela a permis de gagner beaucoup de temps, alors qu’en l’envoyant par la poste, vous ne saviez jamais quand vous alliez la recevoir. Donc vous l’obteniez automatiquement et assez rapidement en procédant de cette façon.

Et on faisait la connaissance de beaucoup de gens, juste en leur écrivant, vous savez. On savait toujours quel était leur grade, et c’était à peu près le même que le nôtre. On n’avait pas de sergent ou de sergent-major, ni personne de ce genre. Quelqu’un qui ne pouvait pas vous poser de questions. Je veux dire, j’en ai fini avec ça maintenant, j’ai presque 90 ans. Mais après toutes ces années, je veux dire, je peux revenir en arrière et imaginer tous les garçons qui étaient là à nous regarder et vous savez, vous regardiez partout autour de vous. On sortait du camp, on entrait dans le camp, et il y avait toujours quelqu’un qui vous voyait. Si deux filles sortaient ensemble, on disait : « Oh, j’ai vu Margaret, j’ai vu Lynn sortir, oh, elles sont parties en SOP [Standard Operating Procedure], elles sont parties pour la fin de semaine. » Donc, une fin de semaine, j’allais chez mes parents et la fin de semaine suivante, j’allais à Dundee chez ses parents. Et nous sommes restées amies pendant très, très longtemps.

Je pouvais aller au contrôle aérien, à l’aéroport, dès le matin.

Je revenais du service de nuit et je leur demandais : « Vous allez voler aujourd’hui? » La guerre était toujours en cours à l’époque, et je disais : « Vous partez? » Et l’un d’entre eux m’a répondu : « Oui, je vais partir dans peu de temps, Margaret, mais je dois aller chercher quelqu’un. » Quand il est revenu, c’est avec un prisonnier qui avait été privé de vol. Et il est monté dans l’avion avec nous. Nous regardions juste ce que l’homme faisait et comment il essayait de lui faire passer un test pour pouvoir voler à nouveau. Mais, je n’ai jamais su ce qui s’est passé.

On faisait la connaissance de tout le monde et tout le monde vous connaissait et ils semblaient toujours se souvenir de vous, peu importe où vous étiez sur le camp. Tout le monde était très proche. Il pouvait y avoir quelque chose comme 300 à 400 aviateurs au camp. Et tous ces hommes partaient en avion à un moment ou à un autre.