Project Mémoire

Maurice Carrière

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Maurice Carrière
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Certificat de reconnaissance attribué à M. Carrière par M. Jamie Nicholls, député, le Jour du Souvenir 2011.
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Le soldat Carrière posant en uniforme pendant son service de guerre au Canada.
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Photo du monument commémoratif de guerre du Canada et de l'Acte du Souvenir. Il s'agit d'une idée soumise par M. Carrière au nom des anciens combattants du passé, du présent et du futur.
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M. Maurice Carrière tenant une copie de l'"Acte du Souvenir".
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Pendant la Seconde Guerre mondiale, M. Carrière exerça le métier de mécanicien. Il était appelé à réparer des camions, des motocyclettes et véhicules de tous genres.
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J’ai pleuré parce que j’ai regardé la tombe et j’ai dit : « Mon dieu, je ne saurais jamais si cette femme sur la galerie, si son garçon est revenu ou bien donc, si c’est lui qui est dans la tombe là ».
Il y avait beaucoup de jeunes quand est venu le temps de « s’enlister » (s’enrôler), disons, à l’âge de 18ans là, il y en avait là qui étaient disparus. Ils allaient travailler dans les chantiers, dans les bois puis tout. Cela fait que là, c’est là que le mot zombie a commencé à paraitre (zombie : terme péjoratif employé pendant la Seconde Guerre mondiale au Canada désignant un soldat enrôlé dans le cadre de la Loi sur la Mobilisation des Ressources nationales et qui n’était pas susceptible de servir outre-mer), c’est à cause de ça. Puis là, la police militaire et puis tout là, ils allaient les chercher. C’est ça qui a appelé le mot zombie. Ça s’est produit un peu partout au travers du Canada. Et puis à cette époque, vous êtes probablement au courant, mais j’aime bien le mentionner tandis qu’on parle, les jeunes garçons de fermiers étaient exemptés à certains âges pour la récolte et puis pour le manger (nourriture), pour la population canadienne. Il y avait des jeunes qui avaient l’âge d’y aller, mais qui étaient exemptés. Ils avaient une exemption spéciale à cause de la situation familiale, disons les fermes et puis différents projets et différentes affaires de même. Une autre affaire que j’aime bien mentionner, c’est qu’en (19)39, la guerre n’était pas motorisée comme c’était aujourd’hui, pour l’amour que c’était dans les tranchées et puis les « landmines » (mines terrestres), les grenades. Cela fait que, moi, j’avais reçu tout mon entrainement au complet et puis après ça je suis devenu instructeur dans plusieurs choses (domaines). Quand je dis moi, je n’étais pas tout seul. Je mentionne moi, mais on était des groupes là. Et puis moi j’avais le (…) qu’ils appellent, j’avais sur mon bras GS c’était pour General Service (une branche de l’armée canadienne de l’époque fournissant de la main-d’œuvre et du matériel selon les besoins). Parce que, moi, je m’occupais de donner des cours sur les bicycles à gaz (motocyclettes), montrer à conduire, la maintenance, la mécanique, les camions. Et puis à cette époque aussi, je ne sais pas si vous avez entendu, un autre mot que je n’aimais pas non plus c’est le CWAC, Canadian Woman Auxiliary (Army) Corps (le Service féminin de l’Armée canadienne, péjorativement surnommé CWAC en référence au son émis par un canard). C’est le mot, moi quand j’avais un groupe puis tout, il y en avait parmi les gars-là, je te dis que je les avertissais : « Là, je ne veux pas entendre ce mot-là prononcé pantoute (du tout), le temps qu’on donne le cours puis que vous allez être sous ma présence disons ». J’aurais pu être sergent souvent parce que mon officier venait me voir et me disait : « Il y a un poste d’ouvert. Allez mettre votre nom et vous allez l’avoir ». Cela fait que, moi, je lui disais : « If you don’t mind Sir, I would rather stay the way I am. I get along better with the boys when I’m in lecture and when I’m in the field ». Avec eux autres, on organisait des convois, on les mettait sur tout, tout, tout ce qui était nécessaire pour ceux qui étaient (...) Comme je vous ai dit, j’avais les Bren Gun Carrier (chenillette d’infanterie de type Bren Carrier) aussi. Dans ce temps-là, c’était le petit tank à chenilles. J’avais plusieurs (…), j’étais tout le temps occupé. J’avais des officiers qui arrivaient à moi puis ils me disaient : « Demain c’est ça. Demain matin, tu vas avoir un groupe, il y a quarante bicycles à gaz là. Il faut que tu commences à leur montrer. » Cela fait qu’on partait de là leur montrer pour le bicycle à gaz. Premièrement, ils étaient tous accotés sur la barre. On les faisait embarquer dessus sans que le moteur marche, rien là. On les faisait balancer le bicycle parce c’était très important d’un bord à l’autre (pour le calibrage). La « crinque » à pied (manivelle) pour partir les moteurs et ces choses-là. Lorsque la guerre a fini en (mai) 1945, j’étais encore dans l’armée, j’étais encore en uniforme. Mon officier, mon supérieur m’a dit (…) Moi, j’avais un jeep qui était assigné à moi tout le temps. Il était tout le temps là pour moi parce que j’avais du General Service qu’ils appellent. Un officier pouvait arriver à un moment ou l’autre puis me dire : « Il faut que tu ailles là! » Puis ceci, puis cela. Cela fait que, quand la guerre a fini en 1945, mon officier m’a dit. Il dit : « Carrière, amène quelqu’un avec toi. Va au centre-ville (d’Ottawa). Va voir les célébrations (de la victoire). Ce que j’ai entendu dire, c’est que ça danse, ça chante, ça pleure, la guerre est finie. » J’ai dit (à mon compagnon) : « Tu vas descendre certaines rues. Cela fait que, lorsqu’on descendait la rue Booth, il y avait une rangée de maisons construites sur deux étages. Des maisons de briques. Il y avait à peu près trois ou quatre maisons tout ensemble puis après ça il y avait un passage. Trois ou quatre maisons encore. Les vérandas, les galeries étaient tout près du trottoir. Cela fait que j’ai fait une farce, moi, avec ça, dans le temps. J’ai de beaux souvenirs par exemple. Je ne sais pas s’ils avaient bâti le trottoir avant de bâtir la maison ou bien s’ils ont bâti la maison et le trottoir après. En descendant, j’ai dit là va doucement parce que plusieurs (…), sur la façade de la véranda, il y avait des placards d’à peu près deux pieds de haut et en anglais c’était marqué Welcome Home Son, We Love You, Waiting For You. Bienvenue, mon fils, on t’attend, on t’aime. Cela fait qu’il y avait sur l’une des vérandas une femme assise sur une berceuse, les deux mains sous son tablier. Elle se berçait et elle avait l’air très peiné. J’ai dit à mon gars : « Arrête une minute. » J‘ai pris un couple de pas sur le trottoir et puis j’étais rendu à la véranda. Cela fait que j’ai pointé avec la main gauche vers l’annonce en haut, Welcome Home son, We Love You. J’ai pointé à ça et j’ai été pour donner la main et puis elle a levé sa main. Je lui ai dit : « Merci beaucoup, madame, que Dieu vous bénisse. » En anglais, God bless you, thank you very much Madam. Pour le service (rendu par) son fils qui était parti à la guerre. Mais là, j’ai vu la tombe du Soldat inconnu (en référence au mémorial de guerre canadien d’Ottawa), 61 ans après la femme assise sur le balcon dans sa chaise berçante. L’annonce Welcome Home… Bien là franchement, j’ai versé des larmes. J’ai pleuré parce que j’ai regardé la tombe et j’ai dit : « Mon dieu, je ne saurais jamais si cette femme sur la galerie, si son garçon est revenu ou bien donc, si c’est lui qui est dans la tombe là ».