À l’endroit de la cible, on a été touchés et on a perdu un moteur. On est descendus à 6000 pieds au dessus de la cible et les montagnes dalmates (côte Est de l’Adriatique) qu’on devait survoler au retour en Italie étaient à 9000 pieds environ. Alors j’essayais de maintenir mon altitude et je ne pouvais pas, et on sombrait petit à petit. Et alors en fait, il fallait soit faire un atterrissage en catastrophe soit sauter en parachute. Et, bien sûr, l’atterrissage en catastrophe était hors de question de nuit. Alors je leur ai donner les instructions sur la manière de sauter et ainsi de suite.
Ils sont tous sortis et la porte s’est refermée en claquant, et j’étais seul à bord de l’appareil à la suite de ça. Et j’ai eu quelques difficultés à rouvrir la porte et à ce moment-là, l’appareil s’était mis sur le côté et j’ai réussi à sortir et ouvrir le parachute. Je n’ai pas attendu les trois secondes réglementaires. Heureusement, le parachute s’est ouvert, l’avion m’a manqué et j’ai eu la sensation de remonter quand le parachute s’est ouvert. Mais juste après, j’ai touché le sol. Ils ont tous été capturés et je suis resté dans la nature pendant deux jours. Et finalement, je me suis fait prendre moi aussi et on m’a emmené dans la prison du coin, on m’a jeté en prison. J’ai été interrogé par toutes sortes de gens et tout ce que je leur disais c’était, mon numéro, mon grade et mon nom.
On m’a interrogé là-bas et juste après, on m’a envoyé à Budapest (Hongrie), où c’était un peu plus brutal. Et c’était apparemment une prison de la Gestapo (police secrète allemande). J’ai eu comme interrogateur le civil allemand et on m’a jeté dans une cellule. J’avais été dans des cellules avant dans les autres endroits, mais j’ai été remis au garde brutalement, et jeté dans la cellule, poussé à coup de pieds dans le coin. Et après interrogatoire chaque jour : numéro, grade, nom, numéro, grade et nom, numéro, grade et nom, numéro, grade et nom. Alors il a dit qu’il avait le sentiment que j’étais un saboteur et que nous on descend les saboteurs. Je comptais les éraflures sur le mur. Il y avait toutes sortes d’éraflures dans la cellule.
Je devrais parler de la cellule. Elle faisait à peu près, oh, un mètre soixante de large sur trois mètres trente de long, avait un lit en fer et une couverture qui puait. Une autre fois au camp de prisonniers, il y a eu un raid aérien et on était censés rester dans nos baraquements pendant le déroulement du raid ; et ce gars a pensé qu’il avait entendu le signal de fin d’alerte et en fait, c’était le signal de fin d’alerte du village en dessous. Il est sorti du baraquement et un des gardes lui a tiré dessus et l’a tué. Et, bien sûr, d’autres choses comme les paquets de la Croix Rouge. C’était une expérience unique en son genre d’être dans un camp de prisonniers de guerre en fait.
Les gens racontaient les histoires de ce qu’ils faisaient avant la guerre ; et une fois, on avait l’habitude de demander à ces gars qui, vous savez, ceux qui avaient des histoires intéressantes, de venir et de les raconter à différents groupes de gens. On les payait avec des cigarettes, qui étaient une monnaie d’échange.
Il y avait toujours des gardes armés à l’extérieur et dans les casemates. Des russes cette fois. Alors on a arraché quelques lattes de plancher des bâtiments et on en a fait une passerelle. Et la nuit, quand les gardes papotaient aux différents coins, on a traversé en courant et on a traversé les barbelés avec la passerelle, et ils nous ont vus et ils ont commencé à tirer. Heureusement, les lumières étaient dirigées sur le camp et non pas vers les alentours du camp. Et on a descendu la colline en courant et on a sûrement battu le record olympique du 100 mètres.
Mais au pied de la colline, il y avait une rivière gelée et on ne s’est pas arrêtés pour savoir si la glace était assez épaisse. On a juste traversé la rivière en courant. Et heureusement, ça a tenu et on est arrivé dans la zone ouvrière de Kattawitz. Et puis on a frappé à une porte et une fille l’a ouverte et on a dit, vous savez, on voulait trouver un endroit pour dormir ; et je lui ai dit qui on était, et elle a répondu, bon, vous ne pouvez pas rester ici, il y a un russe qui loge ici.
J’ai été mis en contact avec la résistance polonaise pendant mon séjour avec Marushka. Le nom de la jeune femme en fait était Marya Chikosvska. Et on lui donnait le nom de Maruchka quand on parlait d’elle, ce qui, évidemment, est la version russe du nom Marie. Alors on nous a mis en contact avec la résistance et on continuait à être major. Donc un message est arrivé pour la résistance, de trouver l’officier supérieur britannique et de faire en sorte qu’il dresse une liste de tous les prisonniers de guerre et on négociera avec les russes de notre côté pour vous faire sortir. Et alors j’ai installé un bureau dans un endroit qui s’appelait Ostoya, qui était au centre de Cracovie. Et on a fait passer le mot à tous les prisonniers de guerre de se faire inscrire là-bas et ainsi de suite.
Et une fois qu’on a fini de dresser la liste, on avait 427 prisonniers inscrits et 16 femmes. La charité des gens en Pologne et tout particulièrement, des gens qui n’avaient pratiquement rien eux-mêmes. Et il s’est passé tellement de choses à ce moment-là que ça m’est resté certainement. On m’a demandé de faire un discours à des enfants le 11 novembre, je leur ai dit, ne soyez pas méchants, soyez gentils, rendez quelqu’un heureux chaque jour, et vous serez heureux..