Project Mémoire

Michael Czuboka (source primaire)

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Pendant la guerre de Corée, Michael Czuboka a servi au sein du 2e Bataillon, Princess Patricia’s Canadian Light Infantry. Il raconte les premiers jours de troupes canadiennes sur la ligne de front.

Prenez note que les sources primaires du Projet Memoire abordent des temoignages personnels qui refletent les interpretations de l'orateur. Les temoignages ne refletent pas necessairement les opinions du Projet Memoire ou de Historica Canada.

Government of Canada
Government of Canada
Government of Canada

Transcription

Ce que nous y avons trouvé là en premier, ce sont environ 70 soldats des États-Unis abattus et passés à la baïonnette par les Chinois.

Nous étions encore à Fort Lewis, dans l’État de Washington, et le [général Douglas] McArthur venait de repousser les Nord-Coréens jusqu’à la rivière Yalu au nord, déclarant que tout le monde serait à la maison pour Noël parce qu’on venait de remporter la guerre, quand, au beau milieu du Pacifique, nous avons appris que l’armée chinoise avait envahi la Corée du Nord et que les États-Uniens se repliaient vers le sud. C’était tout à coup la guerre alors qu’on nous avait envoyés simplement pour le maintien de la paix. C’était une surprise pour nous, nous étions à mi-chemin et c’était maintenant la guerre qui nous attendait.

Je n’ai aucun regret, non. N’oubliez pas que les Canadiens se sont portés volontaires pour la guerre de Corée. Beaucoup d’États-Uniens n’en croyaient pas leurs oreilles. Dans leur cas, c’étaient principalement des réservistes et des conscrits. Ils avaient peine à croire que nous pouvions être des volontaires. On nous a traités de fous!

Nous étions sur le [USNS Private] J.P. Martinez, un liberty ship qu’on avait rapiécé, en quelque sorte. Le Pacifique est un milieu hostile en hiver, même l’équipage a eu le mal de mer. J’ai été malade de Seattle à Hawaii, je suis resté allongé sur ma couchette avec mon fusil. Ce n’était pas très agréable. Le bateau était assez simple. Les couchettes étaient empilées les unes sur les autres, ce n’était pas très confortable. Nous étions une centaine dans ce qui était essentiellement une grande pièce; les odeurs corporelles prenaient le dessus parce que l’air ne circulait pas et qu’il n’était pas possible de prendre sa douche tous les jours. Ce n’était pas une belle ambiance.

Nous avons passé quoi, peut-être un mois, six semaines à chasser les guérilleros dans les collines locales, et nous en avons trouvé quelques-uns. Nous sommes arrivés à la ligne de front à la mi-février 1951. Ce que nous y avons trouvé là en premier, ce sont environ 70 soldats des États-Unis abattus et passés à la baïonnette par les Chinois. Il n’y avait eu aucune sentinelle de garde, les soldats s’étaient apparemment endormis dans leur sac de couchage et les Chinois sont arrivés pendant la nuit et les ont tous tués. C’étaient des soldats noirs, ou des nègres comme on les appelait à l’époque, et ils étaient tous gelés. Il faisait peut-être −30 °C et ils étaient figés comme des statues de marbre noir. Je n’avais jamais vu de morts avant ça, et ça a été tout un choc pour moi. Je n’ai rien mangé pendant trois jours. Nous étions tous bouleversés. Nous venions d’arriver sur la ligne de front et les hommes étaient là, éparpillés un peu partout, nus la plupart du temps. On leur avait même coupé l’annulaire dans certains cas. Les Chinois ont tout pris.

;