Project Mémoire

Mordechai MIke Soer

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

L'Institut Historica-Dominion
L'Institut Historica-Dominion
Mordechai Soer (à gauche), avec Asher Joram, son ami du temps de guerre, 2010.
L'Institut Historica-Dominion
« Malheureusement, les Français n’avaient absolument rien. Ni armes, ni vêtements, ni équipements. Nous portions des vêtements de l’ère napoléonienne. Je n’en revenais pas mais c’était tout ce qu’il y avait ! »
Je suis venu en Palestine (de Hongrie) en 1939. Je ne sais pas exactement en juillet ou en août – juillet peut-être. Mon bateau (le Rim Panama) a été réduit en cendres près de Rodos, Rodi, l’île de Rhodes ; à cette époque c’était une île italienne. Et puis on a été repêchés par l’association juive je crois, ils avaient trois bateaux à peu près, l’Agios Nikolaos, un bateau grec, et le Thassos et il a accosté en Palestine. J’ai débarqué à Netanya dans le port. J’ai fini à la nage, je ne voulais pas perdre mon certificat (la plupart de ses biens et papiers officiels avaient été détruits dans l’incendie du bateau). Donc j’ai passé deux jours à Netanya, deux semaines, peut-être. Et ensuite on est allés à Tel-Aviv. À cette époque ils appelaient ça la Palestine. (Plus tard) J’ai entendu parler d’un groupe de volontaires tchèques qui partaient pour la France et j’avais deux amis avec qui j’avais débarqué, (on) est allé à Sarafand (Tsrifin), pas très loin de Tel-Aviv. Et on est resté jusqu’au matin et (on a découvert) que deux personnes du groupe étaient manquantes. Ils ne voulaient pas aller en France. Alors j’ai dit, j’y vais (à la place). On était trois amis, trois amis hongrois (à prendre leur place). Et on s’est engagés sous je ne sais plus quels noms. En tout cas, on est arrivés en France, à Marseille, et deux jours plus tard, ils (les autorités françaises) me disent, vous ne pouvez pas aller avec l’armée tchèque parce que vous n’êtes pas tchèque. J’étais hongrois. Alors j’ai dit, et alors quoi, qu’est-ce que je peux faire maintenant ? Ils ont dit, vous avez trois possibilités : on vous renvoie (en Palestine), on vous envoie en prison ou vous vous engagez dans l’armée. J’ai dit, d’accord, je m’engage dans l’armée. Tous les trois, on s’est engagés dans la légion (étrangère). Et puis on nous a envoyés près de Perpignan en France. L’endroit c’était le (camp) Barcarès, ils l’appelaient Barcarès, pour faire de nous des soldats, des soldats français. Mais on ne connaissait pas un mot de français alors naturellement c’était un peu difficile. Malheureusement, les français ils avaient rien du tout. Absolument rien du tout. Pas de canons, pas d’équipement, pas de vêtements. On portait des vêtements qui dataient de l’époque de Napoléon, je n’arrivais pas à y croire mais c’était bien comme ça. Quoiqu’il en soit, après trois mois, on arrive à être soldat et vous savez, trois mois on s’est entrainés là-bas, jusqu’à ce que tout le monde comprenne un petit peu l’anglais, je veux dire le français, et ils nous disaient, on va avoir de nouveaux équipements et des nouveaux trucs, que des trucs nouveaux – on a eu de beaux vêtements, des vêtements d’hiver qui venaient d’Angleterre, ou d’Amérique. Et on était prêts à partir en Finlande, ils voulaient nous envoyer en Finlande, 1939 (pour se battre contre l’armée russe). Mais ensuite le (gouvernement finlandais) a capitulé (a signé le traité de paix de Moscou de mars 1940) et ils (le gouvernement français) avaient peur qu’on nous attrape, alors au lieu de nous envoyer en Finlande, ils nous ont envoyés en Syrie, retour au Moyen-Orient. On a passé deux mois en Syrie, en Iran et en Iraq. Et on n’aimait pas. Alors une nuit, on a organisé avec deux autres gars, on a pris des vélos, on est allés à Beyrouth (Liban) et roulé pendant des kilomètres, jusqu’à Ras-al-Naqurah. Mais les vélos c’est cassé alors il a fallu marcher. Alors on est arrivés en Palestine – à cette époque c’était la Palestine pas Israël – dans un kibboutz, je ne me souviens pas du nom exact. Près de Ras-al-Naqurah, il y avait un kibboutz. Et on est arrivés là et on a eu plein d’ennuis parce qu’on avait jeté les affaires de l’armée qu’on portait sur le dos parce que j’étais avant en Israël alors j’ai dit, je n’ai pas besoin des affaires de l’armée. On y est allés en touristes, vous comprenez. (Après avoir été appréhendé par les autorités palestiniennes et interné, il s’est évadé) et je ne me souviens pas où on a dormi, pour vous dire la vérité. Alors je suis allé (au bureau de recrutement anglais à Tel-Aviv), je voulais m’engager dans la marine. Et je suis allé dans le bureau et j’ai donné mon nom en entier – je m’appelais Sauerbrun- et je croyais que je devais juste écrire mon nom et ensuite j’étais dedans (être accepté sans qu’on lui pose de questions). Alors il dit, on va faire une enquête sur vous, deux ou trois jours, et on vous fera savoir. Oh, ce n’est pas bon, vrai, je viens juste de la prison, pas la prison, du camp. Alors le jour suivant, je me suis engagé, finalement suis allé dans l’armée et je me suis engagé dans l’armée, l’armée britannique. Alors on est allés en Italie et on a débarqué à Salerne. Dans l’intervalle, on a perdu un bateau (coulé par un obus allemand près de Malte en avril 1943) avec 160 personnes je crois dans ma compagnie, mon unité de bataille (462 General Transport Company). Et tout le temps, on faisait du transport sur le front, nourriture, hommes, munitions, différents, du transport général. Jusqu’à la fin de la guerre, on était en Italie. On a débarqué, les allemands étaient dessus, boom, boom, boom, boom, on s’en fichait, on avait 21 ans, 20 ans, qui s’en faisait ? Alors c’était comme ça et puis j’ai fini la guerre, on est retourné en Israël.