Project Mémoire

Morris Lazarus

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Morris Lazarus
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Médailles de Morris Lazarus.
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Médaille du Corps français expéditionnaire (1943-1944).
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M. Morris à droite à Rome, Italie, 1944.
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Photographie d'un insigne du Service de la Première Force Spéciale.
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M. Lazarus (au centre) pendant une cérémonie Arlington.
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« J’ai réfléchi et décidé d’être extrêmement prudent, car si je leur disais que je m’appelle Morris Lazaurus, ce type qui pointait son arme sur moi n’hésiterait pas à faire feu. »

La chose la plus extraordinaire qui me soit arrivée dans ma vie, on était en patrouille à Anzio (Italie). Et on avait terminé notre patrouille et on était sur le chemin du retour dans nos lignes, et on nous a donné l’ordre de nous arrêter. On était assis là dans ce coin et mon officier responsable me dit, vas là-bas et demande au commandant ce qu’il faudrait qu’on fasse. Alors, bien sûr, c’était un ordre, je suis allé là-bas et il dit, dis-leur juste la vérité, de rester assis et d’attendre jusqu’à nouvel ordre. Et rappelle-toi de lui dire de vous échelonner.

Alors je suis retourné, je lui dis : donner l’ordre et s’échelonner et attendre jusqu’à nouvel ordre. Le seul qui s’est échelonné c’est moi. Je suis les ordres. (rire) Et je me suis éloigné du peloton. Je suis à trois mètres environ. Et ils s’asseyent tous le long de la rangée d’arbres ; et je regarde du côté de nos lignes et je vois un groupe de gars qui viennent dans ma direction. Et je me dis, je me parle beaucoup à moi-même quand je suis en patrouille, j’ai dit maintenant, voyons voir, ils arrivent de nos lignes, ils portent des manteaux gris comme ceux qu’on porte, ça doit être notre peloton. Et ils arrivent de plus en plus près. Et ils sont à un mètre cinquante de moi à peu près ou trois mètres et c’est une patrouille allemande.

Or, c’est le moment où vous trouvez quoi faire. Alors je réfléchis dans ma tête, Jésus, je vais me faire attraper par cette patrouille. Donc ils arrivent droit sur moi, évidemment, maintenant je vois bien que c’est une patrouille allemande. Et il me dit, Wer bist du ? Vous comprenez ça ? Wer bist du ? Qui es-tu ? Il me parle en allemand. Et je me dis, or c’est là que je me parle à moi-même, très prudemment, si je leur dis maintenant, si je dis Morris Lazarus, ce gars va faire feu sur moi et il a une arme pointée en plein sur mon ventre. Il a ce qui s’appelle un pistolet Schmeisser (mitraillette). Il est pointé, quand ça part, ça tire plus de 500 coups la minute. Alors c’est du rapide. Et il a ce truc pointé sur moi.

On était tous recouvert de camouflage, on était camouflés et ma figure est noircie et différentes couleurs. C’est dire à quel point il est proche. Il regarde mon visage et il me dit, or rappelez-vous, il a posé cette autre question, Wer bist du ? Et je dis, Ich bin Hans (je suis Hans), j’ai dit. Je ne sais pas si vous êtes au courant mais Hans est un prénom allemand. Alors je lui ai dit, Ich bin Hans, vous savez. Qu’est-ce qu’il va faire ? Et il regarde mon visage et il dit, Du bist Amerikaner, tu es américain. Maintenant, c’est la partie la plus folle de toute l’histoire maintenant. Je suis canadien. (rire) Mais ça je me le dis à moi-même. On était dans des opérations américaines et canadiennes combinées et il dit que je suis américain. (rire) Alors je n’ai pas de réponse là. Oh, et je me dis, pourquoi ne m’a-t-il pas posé une question ? S’il me pose une question, je peux lui répondre, mais il a fait une déclaration. Alors il me dit en allemand, Stellen sie irhe Hände in der luft, ce qui veut dire mets tes mains en l’air.

Et je n’arrête pas de réfléchir maintenant, c’est là, je n’avais pas de problème, j’étais perturbé parce que je suis juif. Et ils vont me faire prisonnier. Mais ceci dit, avec nous, ils avaient l’habitude de taper sur nos gars à cause de qui on était. Parce qu’on avait de très bonnes tactiques contre eux quand on les attrapait. Et mes gars sont derrière moi. J’ai un peloton tout entier derrière moi, d’accord ? Ils ne peuvent pas tirer, je suis entre eux et l’ennemi. Alors je lève mes mains lentement parce qu’il a dit, les mains en l’air. Eh bien, je me demande comment il savait que je ne parlais pas allemand ? (rire)

Et je pense, mon Dieu, je détesterais être fait prisonnier. Je n’ai pas peur, même si tu devrais bien. Je dois garder la tête froide, je sais ça et je comprends ça, comment je sors de là ? Et alors ça a été une pagaille monstre. Ils ont entendu mon peloton s’enfoncer dans les taillis et tout le monde a ouvert le feu. Le type devant moi, or souvenez-vous, il a une arme pointée sur moi, mais il devait être devenu horriblement nerveux. Il a ouvert le feu, il a commencé à tirer et je pouvais sentir les balles arriver sur ma gauche et je ne sais pas si elles arrivent sur moi ou sur mon côté. Tout ce que je sais c’est l’impact du, il devait être affreusement nerveux parce qu’il n’aurait pas dû me louper parce que son arme était pointée sur mon estomac au départ. Mais il m’a eu sur le côté ; et je pouvais sentir les balles. L’impact des balles traversant mon ceinturon m’a fait tournoyer. Et je sais exactement combien de fois j’ai, j’ai fait trois tours sur moi-même, c’est ça la vitesse de ces balles. Et je suis tombé sur le sol, face contre terre et puis le feu s’est ensuivi. Ça n’a pris qu’une minute environ. Toute la patrouille allemande a été tuée. La moitié de nos hommes ont été tués. L’autre moitié blessée, à l’exception d’un seul gars. Le gars qui partageait le trou de tirailleurs avec moi, on a été les deux seuls à ne pas être blessés cette nuit-là, ou tués.