Bon, comme vous le savez sûrement, le commandant a la responsabilité de tout ce qui se passe à bord du bateau à tout moment. Il devait être tenu bien au courant, généralement, par le commandant en second qui était premier lieutenant ou par d’autres officiers aussi. Si le commandant avait la confiance de ses officiers et des hommes, il n’y avait pas de problèmes. En d’autres termes, il lui fallait gagner leur respect ; et de nombreux commandants n’avaient pas les qualités d’un chef.
Apparemment, je suppose que je devais les avoir parce que quand j’ai eu mon premier commandement, évidemment vous êtes mort de peur, mais je crois que ça devait être en vous-même, alors j’y suis allé carrément et j’ai accompli mon devoir pour ce qui est d’instruire, de guider, d’enseigner et de travailler avec mes subalternes.
Bon, quand on a été torpillé au large de l’Islande, j’étais seulement un jeune sous-lieutenant agissant pour l’entrainement, comme je l’ai dit auparavant. Pendant qu’on attendait que le navire coule, le capitaine ayant donner l’ordre d’abandonner le bateau, il y avait 200 marins à bord du bateau ou 240, on se tenait à côté de nos canots de sauvetage, qui nous avaient été alloués à l’avance, évidemment, et alors que mon équipe, les survivants de mon canot suivaient, je devais, comme j’étais l’officier subalterne, juste leur dire quoi faire et quand. Et je devais être le dernier jeune gars à quitter le gros navire pour sauter dans le canot de sauvetage. Et j’ai dû prendre cette décision quand le canot était descendu à mi-chemin parce que si je ne prenais pas la décision de sauter sur le champ, je n’aurais pas pu arriver dans le canot. Je l’aurais manqué.
Alors cette décision je l’ai prise et quand je l’ai fait, tous les marins dans le canot de sauvetage, j’étais le seul officier, il y avait 40 autres marins, ils ont tous fait un grand hourrah comme ça. Donc ça a été la seule occasion dans ma vie où j’ai eu à prendre cette décision là. À une minute près, je serais tombé dans l’eau ou j’aurais manqué le canot et puis repêché. Alors je réfléchis souvent à ça.
Malheureusement, à tribord, parce que le bateau gîtait sur bâbord, le côté tribord a descendu les canots et ils cognaient. Les descentes se faisaient à la perpendiculaire de mon côté, à bâbord, il était à la perpendiculaire et ça a été en ma faveur quand j’ai sauté. Alors je suis descendu tout droit. À tribord, ils touchaient et puis un canot a fait sortir tous les marins de son bord, droit dans l’eau et on a perdu, j’ai oublié combien, ils se sont noyés. En tout on a perdu 43 hommes sur ce bateau ce matin-là quand une deuxième torpille a frappé. La première a frappé à 5 heures du matin ; la deuxième il y a eu un écart de presqu’une heure entre les deux torpilles.
Alors les canots se sont éloignés les uns des autres pendant une douzaine d’heures ou un peu plus longtemps, plus ou moins. Heureusement, l’opérateur radio a envoyé un message après pas mal de difficultés à l’amirauté et l’amirauté a envoyé un message en Islande. La marine est sortie avec deux destroyers et nous a récupérés. Et on est repartis pour Reykjavik en Islande à toute vitesse.
Dans les corvettes quand on a fait l’invasion en Normandie et qu’on faisait la navette dans les deux sens, on escortait ce qu’ils appelaient le, pendant l’invasion de Normandie, je n’arrive pas à me souvenir du nom. On a escorté 6000 caissons énormes en béton et ils servaient à faire le mur dans la mer pour les engins de débarquement qui arrivaient, pour que les soldats rejoignent le rivage. Et on a fait ça. Une nuit, on s’est fait attaqués par cinq schnellboats (torpilleur allemand très rapide) au large de, au nord de, sur la plage de Normandie là-bas où ils avaient, en 1942, c’était, celle qu’ils ont attaquée à ce moment-là. Bon… Dieppe.
Et ils sont sortis de là et on les a repérés sur notre radar ; et on faisait du 4 nœuds seulement pendant qu’on escortait ces énormes remorqueurs qui allaient sur l’océan, qui remorquaient ces 6000 énormes caissons en béton. Alors on n’était pas très maniables. Et on n’aimait pas laisser notre convoi. On avait quatre corvettes je crois, chacune escortant ces gros pontons en béton. Et ça a été une nuit très dure. Heureusement, on s’en est sortis indemne, tiré 144 coups. Aussi vite qu’elles atteignaient les torpilleurs allemands, ils se déplaçaient très rapidement. Nos obus étaient entreposés sur le pont, les gars les faisaient passer par dessus bord, par dessus le pont pour les sortir des cordages. Alors on a eu de la chance cette nuit-là.