Project Mémoire

Nancy Campbell

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Nancy Campbell
Nancy Campbell
Portrait du frère de Nancy Campbell, Richard H. Pattison, surnommé "Dick".
Nancy Campbell
L'Institut Historica-Dominion
L'Institut Historica-Dominion
Nancy Campbell à Toronto, Ontario, le 18 mars 2010.
L'Institut Historica-Dominion
Nancy Campbell
Nancy Campbell
Photo du frère de Nancy Campbell, Jack D. Pattison, connu en tant que "Pat" dans l'armée de l'Air, 1941.
Nancy Campbell
Nancy Campbell
Nancy Campbell
Photo du frère de Nancy Campbell, John D. Pattison, aussi connu en tant que "Pat" dna sl'armée de l'Air, 1942.
Nancy Campbell
C’est là que j’ai commencé à trembler. Je ne voulais pas leur montrer que j’avais peur. Si ça avait été un pari, surtout ce que je ne voulais pas leur montrer.
C’est durant mon entraînement que j’ai été affectée sur la côte ouest du Canada. À cette époque, ils n’avaient besoin outre-mer que de femmes dans les ops [opérations] de chasse. Affectée à Sea Island, [Colombie britannique], Salle des opérations de Vancouver (c’était celle qui était dans la cave), plus tard à Patricia Bay, [connu là-bas sous le nom de Pat Bay] la seule station opérationnelle sur la côte ouest, travail par roulement comme d’habitude. On était toujours de quart là-bas. Les heures de service dans la salle des opérations : journées, quarts de deux heures et tard dans la nuit. Et permettez-moi de vous dire que tard dans la nuit, ce n’était pas rien. Oh mon Dieu. Vous savez, je peux encore sentir l’odeur qu’il y avait au milieu de la nuit. Ça ne vous quitte plus. Je le sens encore, en particulier dans le métro à Vancouver. Un matin d’été tôt en 1944, j’ai hâtivement transmis un message envoyé par Teletype [appareil muni d’un clavier à imprimante qui sert à envoyer et à recevoir des messages télégraphiés] à notre contrôleur, je cite « Identification de deux navires au large de la côte (par radar). » Je n’avais jamais vu personne devenir vert auparavant. Je le vois assis là, j’étais debout à côté de lui, je lui ai tendu le message et j’ai vu son visage d’une grande pâleur devenir vert. Vous savez, compte tenu qu’on était dans un climat plus chaud et tout, il avait une sorte de visage pâteux mais il est resté vert toute la journée et je me demandais pourquoi il ne s’était pas évanoui. Il était mort de peur. En tout cas, la journée s’est passée comme ça et c’était aussi très intéressant. Toute la station était en alerte, bien sûr, toutes les permissions annulées, constamment sur le qui-vive. En fin d’après-midi, « fin d’alerte». Il s’agissait de navires de pêche, deux navires de pêches, pas de sous-marins japonais. C’était une journée de grande peur car nous étions juste à l’extérieur de l’île. Je ne savais rien, ni à quel point ils étaient proches de nous, juste ce que notre Teletype avait transmis, comme je vous l’ai dit. Au large de la côte, latitude et longitude, je n’ai aucune idée mais ils devaient être assez proches. Mais c’était comme un avertissement et je n’oublierai jamais quand je lui ai donné ça et ainsi de suite. Les femmes qui étaient dans les ops avaient un avantage. Nous avions la permission d’accompagner nos pilotes toujours-prêts-au-service quand ils faisaient des vols de reconnaissance, des vols de nuit, des vols d’entraînement et aussi pour faire des tours pendant nos jours de congé. J’avais pas mal d’heures dans mon carnet de vol. J’avais 21 ans à cette époque et le pilote insistait pour que je l’accompagne en avion pendant qu’il s’entraînait à faire ce qu’on appelait des « atterrissages posés-décollés » [manœuvre d’entraînement qui consiste à atterrir et à redécoller sans faire un arrêt complet] à Sea Island au-dessus de Vancouver. Je devais aller récupérer certaines affaires que j’avais laissées à Vancouver depuis longtemps. Donc on m’a permis de prendre le temps d’aller là-bas mais je devais rentrer, sinon j’aurais été ASP [absent sans permission]. Je n’aurais pas eu assez de temps. Donc la seule façon de rentrer c’était avec ce pilote. Il m’a dit : « bien sûr je te ramène mais tu dois rester en vol avec moi toute la soirée ». Et c’est ce qu’on a fait jusqu’à ce qu’il fasse noir et je me rappelle qu’il insistait pour qu’on laisse les fenêtres ouvertes. Autant que je me souvienne, c’était dans un port, avec les fenêtres ouvertes, tout ce que j’avais c’était des Kleenex [mouchoir en papier] pour mettre dans mes oreilles. Pour quelqu’un qui a toujours eu l’ouie très fine, c’était affreux. Finalement il a atterri et il a redécollé mais il a oublié de reprendre du carburant. Je pense qu’il avait bu, je le pense vraiment. Peut-être que je ne devrais pas dire ça mais c’est un gros point d’interrogation! Donc, il y avait le lieutenant d’aviation Brown qui était le navigateur, il était avec nous. On est allé le chercher aux atterrissages posés-décollés. Le lieutenant d’aviation Brown nous a rejoint et on est parti. J’étais assise dans le siège du navigateur et le pilote et le lieutenant d’aviation Brown, était le navigateur, était assis avec lui [sic]. À un moment donné la porte de la cabine de pilotage s’est ouverte et j’ai vu le lieutenant d’aviation Brown s’avancer vers moi et il avait sur le visage un regard qui semblait préoccupé. J’ai eu besoin de dire ça parce que je ne savais pas si c’était vrai ou non. Je ne sais pas si c’était sûr, mais l’homme avait l’air préoccupé. Il est venu vers moi et a crié « laissez-moi vous aider avec votre parachute ». Il pesait 60 livres. Il l’a ramassé, l’a reposé parterre et m’a dit « asseyez-vous dessus ». Je me rappelle que j’ai replié ma jupe parce que je portais l’uniforme et j’ai replié ma jupe, je devais me tenir debout parce qu’il devait m’attacher le parachute sur le dos. Ensuite, il m’a de nouveau fait asseoir et il a crié « quand vous me voyez ouvrir la porte de la cabine de pilotage, vous vous levez et vous marchez aussi droit que possible vers la porte. J’ai répondu « oui, sir » et je me suis assise. Donc, j’étais assise et une drôle de chose est arrivée, il criait : « on ne voit pas les phares d’atterrissage ». C’est pour ça qu’il m’a fait porter le parachute. En d’autres mots, on pouvait courir, on était à court de carburant, il avait oublié de remettre du carburant et donc on était à court de carburant, on était en danger de sombrer dans l’océan. Vous voyez, on était au-dessus de l’océan, j’ai oublié de vous dire ça. Mais naturellement, on était au-dessus de l’océan puisqu’on volait de Sea Island et qu’on allait vers Pat Bay où se trouvait notre station. De là où j’étais assise je voyais les lumières dans la cabine, mon visage et tout comme un miroir dans la fenêtre. Je me suis retournée et j’ai regardé et j’ai pensé, c’est trop bête de mourir parce que je n’ai pas encore vraiment vécu. Je me souviens que j’ai pensé ça. En d’autres mots, que ta volonté soit faite mais je n’ai même pas encore commencé ma vie. Ensuite, la porte s’est ouverte à nouveau, je me suis levée immédiatement et je me suis dirigée d’une démarche vacillante vers la porte. Au moment où je me tourne pour aller vers la porte qui n’est qu’à quelques mètres de là, il se met à crier « ça va, on voit les phares d’atterrissage ». Je ne me souviens plus comment je me sentais ni ce que j’ai fait, je pense que j’étais pétrifiée et ensuite tout ce dont je me souviens c’est qu’on a atterri à Pat Bay et le pilote, ils ont ouvert la porte, la porte de l’avion et ils ont glissé en bas et ensuite ils m’ont chacun tendu un bras de chaque côté et m’ont soulevé pour me faire descendre. C’est là que j’ai commencé à trembler. Je ne voulais pas leur montrer que j’avais peur. Si ça avait été un pari, surtout ce que je ne voulais pas leur montrer, c’est que j’avais peur, mais en fait, apparemment je pense que c’est naturel – une fois que vous vous rendez compte que tout va bien, vous commencez, vos genoux commencent à s’entrechoquer. Donc, ils m’ont soulevé de terre, un bras de chaque côté, ils m’ont emmené dans la Jeep, m’ont mise dedans, m’ont reconduite vers la caserne et m’ont dit : « bonne nuit, chère madame ». Et moi, je leur ai dit : « bonne nuit, messieurs » et je suis rentrée. C’était vraiment le moment le plus terrifiant je pense.