Project Mémoire

Norm Jenkins

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Institut Historica-Dominion
Institut Historica-Dominion
Norm Jenkins à Red Deer, Alberta, le 10 décembre 2009.
Institut Historica-Dominion
Et presque aussitôt après avoir pointé, il y a eu une immense explosion qui a fait voler en éclat les vitres du bâtiment.
Je me suis finalement enrôlé en 1942 et comme j’avais déjà travaillé dans l’industrie aéronautique, j’avais une certaine expérience. Mais c’était un peu différent à l’époque, car ils recherchaient quiconque avait des antécédents dans l’aviation et la fabrication d’aéronefs. C’est ainsi que je me suis retrouvé chez Pratt and Whitney, qui était alors le premier fabricant canadien de moteurs en étoile pour avions. Et j’y suis resté jusqu’à la fin de la guerre et pas mal de temps après. La seule usine de leur division canadienne se trouvait à ce moment-là à Longueuil, au Québec. Il fallait bien faire son travail, s’assurer que chaque hélice et chaque aéronef qui sortait de l’usine soit en parfait état de service. C’était une responsabilité importante parce que nous étions très conscients des conséquences de la moindre anomalie. Un vrai poste de responsabilité. Mais une fois qu’on l’avait compris et qu’on exécutait bien nos tâches, c’était plus ou moins routinier. À l’usine, il y avait la Division des moteurs et la Division des hélices. Dans la première, nous étions chargés de toutes les opérations nécessaires à la révision générale des moteurs, aux tests sur les installations d’essais et aux approbations de navigabilité préalables à la mise en service. Et c’était le même processus pour les hélices. Pendant la première année, plus ou moins les deux premières en fait, j’ai travaillé à la Division des moteurs, avant d’être transféré ou affecté, je ne sais trop quel est le mot juste, à la prise en charge de la Division des hélices. Nous avions des chambres d’essais pour tester les moteurs une fois prêts à leur remise en service. Il fallait s’assurer de leur conformité à toutes les spécifications. La routine, quoi. Sauf un matin où je suis entré au travail à 8 heures, selon mon horaire habituel. Et presque aussitôt après avoir pointé, il y a eu une immense explosion qui a fait voler en éclat les vitres du bâtiment. Tout s’effondrait autour de nous et beaucoup d’employés qui croyaient à un bombardement couraient se réfugier sous des bancs et tout ce qu’ils pouvaient trouver. Mais j’ai tout de suite compris que l’explosion venait sûrement de la chambre d’essais. J’y suis descendu à toute vitesse pour me retrouver face à un mur de feu et de fumée et comprendre que le moteur à l’essai avait provoqué la déflagration. J’ai décroché l’extincteur d’incendie et m’apprêtais à éteindre le feu quand j’ai entendu un appel venant de l’autre côté de la pièce. C’était l’opérateur de la chambre d’essais, qui était entré au travail avant moi. Et je ne pouvais le voir à travers la fumée et les flammes, mais j’ai tout de même actionné l’extincteur dans sa direction, et il ne s’attendait sûrement pas à être aspergé de la sorte. Pour résumer, j’ai pu éteindre le feu et le faire sortir de là pour le mener à l’infirmerie, et c’est alors que j’ai compris ce qui s’était passé. C’était en fait l’installation technique de cette chambre d’essais qui avait été mal exécutée, et c’est ce qui a provoqué l’explosion sans toutefois qu’il y ait perte de vie de notre côté. Mais dans le bâtiment adjacent, celui de l’autre entrepreneur dont je ne me rappelle pas le nom, voyons un peu… ma mémoire me joue des tours avec les années, oui, c’était la Standard Aero, la Standard Aero Engines, eh bien, un type a perdu la vie simplement pour avoir nettoyé l’huile qui se répandait au sol pendant les essais avec le mauvais produit. Au lieu d’utiliser le bon liquide de nettoyage, il avait décidé cette fois-là d’utiliser ce qu’on appelait de l’essence d’aviation pour aller plus vite. Voilà ce qui a provoqué la catastrophe et voilà comment il a perdu la vie. C’était l’un des incidents qui ont marqué mes années de service.